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Que va-t-il se passer aux Girondins de Bordeaux ?
Alors que le club des Girondins avait été mis en vente en avril dernier, on a appris, la semaine dernière, qu’aucun des repreneurs potentiels n’avait validé les conditions exigées par l’actuelle direction. Pire encore, cette dernière a annoncé qu’elle pourrait entamer, dès cette semaine, une procédure de redressement judiciaire pour sauver Bordeaux. Comment en est-on arrivé là et que pourrait-il se passer ?
Il s’est passé beaucoup de choses en Gironde depuis la semaine dernière. Bordeaux, qu’on savait mis en vente et placé sous la protection du tribunal de commerce, a finalement été incapable d’attirer plus de deux candidats sérieux : l’ancien propriétaire du LOSC, Gérard Lopez, et l’ancien directeur de la LFP, Didier Quillot, représentant d’un consortium d’investisseurs américains.
La peste ou le choléra ?
Et malgré tout, ces deux derniers n’ont répondu à aucune attente des Bordelais et n’ont pas été capables de répondre aux contraintes et aux interrogations posées par la direction. Côté Lopez, c’est la qualité de son dossier qui a été discutée, reconnu comme risqué et incertain, basé sur des prêts auprès de fonds d’investissement et des effets de levier espérés via la pratique du trading et de la spéculation sur les actifs.
À l’inverse, côté Quillot, ce n’est pas vraiment son projet qui a été critiqué, mais son comportement lors de sa présentation. Ce dernier aurait exigé des actuels dirigeants de Bordeaux de respecter leur engagement pris en juillet 2020, celui de remettre à plat une dette de 27 millions d’euros. En effet, la saison dernière, le club éprouvait déjà de lourdes difficultés économiques, renforcées par la crise de la Covid-19. Face à la pression mise par la DNCG et le risque d’une rétrogradation administrative, King Street avait alors rédigé une lettre de caution garantissant qu’une partie du passif, 27 millions d’euros, serait expurgée sur la saison 2020-2021. Chose qui n’a pas été faite et à propos de laquelle Didier Quillot se serait épanché longuement lors de son oral. Ce dernier refuserait de récupérer une dette qui, normalement, aurait dû disparaître des comptes du club. Et cela n’a pas été apprécié par Frédéric Longuépée et ses collaborateurs, qui auraient relégué au dernier rang le dossier de l’ancien DG de la Ligue.
Vers un redressement judiciaire ?
Conséquence : puisque aucun candidat n’a passé le premier tour, Bordeaux a alors tiré sa dernière carte : la mise en place probable d’une procédure de redressement judiciaire. Sur ce point, bien que la stratégie puisse apparaître très risquée et dangereuse, elle s’avère être une bonne solution. Tout d’abord, en passant par un redressement judiciaire, une partie de la dette, voire son intégralité, pourrait être expurgée, rééchelonnée, réduite, les taux d’intérêt pourraient être renégociés, et ainsi, la diminution du passif pourrait attirer de nouveaux investisseurs.
Ensuite, en annonçant une telle procédure, le principal créancier, Fortress, qui détient une dette de plus de 37 millions d’euros, plus 3 millions d’euros d’intérêts, aurait la pression de tout perdre et pourrait alors mettre de l’eau dans son vin. Actuellement, ce fonds d’investissement refuse de parler d’une quelconque renégociation de dette, il détient des créances de Bordeaux, il veut et exige d’être remboursé. Or, si un redressement judiciaire a lieu, il pourrait voir sa créance disparaître. Face à ce risque, son intérêt serait donc d’accepter des négociations et valider de possibles rééchelonnements, voire des réductions de taux.
Enfin, alors que certains prédisent que le redressement judiciaire provoquerait nécessairement une relégation administrative, a minima en Ligue 2, les dirigeants de Bordeaux citent l’article 103 bis, amendé lors de la crise de la Covid-19. Celui-ci précise qu’ « un club de Ligue 1 ou de Ligue 2 qui bénéficierait d’un plan de sauvegarde[…]homologué par le tribunal antérieurement à la reprise effective du championnat 2021-2022 sera admis à participer au championnat dans la division dans laquelle il aura été sportivement qualifié ». Si on s’arrête là, c’est juste parfait. Le club expurge sa dette, améliore son passif et se maintient en première division.
Le principe de l’équité sportive ne serait pas respecté
Sauf qu’il y a une dernière phrase dans cet article : « Sous réserve de décisions éventuelles de la DNCG. » Et c’est là que le bât blesse. Parce que rien ne dit que la DNCG ne mette sa main dans le dossier et ne refuse de valider un tel maintien. Cette situation, d’ailleurs, ne plaît pas à quelques clubs, notamment Lyon et Toulouse, qui auraient commencé à s’agiter en coulisses.
Pour le TFC, ça se comprend. En tant que barragiste, match perdu contre le FC Nantes, il serait le bénéficiaire de la rétrogradation de Bordeaux. Du côté lyonnais, on met surtout en avant le principe de l’équité sportive. En effet, l’article 103 bis a été amendé durant le premier confinement pour sauver les clubs qui auraient profondément souffert de la crise économique, débutée en mars 2020. Sauf qu’à Bordeaux, les difficultés comptables sont antérieures à la situation actuelle. Pourquoi devrait-il donc bénéficier d’un tel article alors que sa position ne dépendrait absolument pas de la pandémie ? Même si la procédure de redressement est entamée, le club n’a aucune garantie d’être sauvé de la relégation. La DNCG aura toujours son mot à dire, et il peut encore arriver beaucoup de choses avant août et la reprise de la saison. Et dans cette série économique incertaine, un nouvel acteur est venu se présenter très récemment : l’Élysée.
Et l’Élysée arriva
Le pouvoir politique souhaiterait tout mettre en œuvre pour aider à sauver les Girondins, qu’il considère comme un grand club français. À ce titre, il a demandé à ce que le Comité interministériel de restructuration industriel (CIRI) se saisisse du dossier, avec pour mission de trouver des solutions permettant d’assurer sa pérennité. Mais pareil, cela pourrait ne pas se passer convenablement. En ayant un œil dans les différents projets, le CIRI a jugé la candidature de Gérard Lopez comme périlleuse et a souhaité qu’elle soit repensée voire carrément abandonnée. Ensuite, le comité a rejoint les exigences de Quillot concernant la dette de 27 millions d’euros, qui aurait dû être expurgée cette saison, et a conditionné l’octroi d’une aide publique de 10 millions d’euros sur les coûts fixes à la prise en charge de ce passif.
Interrogé sur ce sujet, un proche du gouvernement précise que « donner 10 millions d’euros à un fonds d’investissement qui n’honore pas ses engagements et préfère gagner du temps avec un redressement judiciaire, ce n’est pas possible ». Pour résumer, aucun candidat n’a trouvé grâce aux yeux des dirigeants, un redressement judiciaire se rapproche, qui n’empêcherait pas une relégation de Bordeaux. Et même l’Élysée, engouffré dans le dossier, ne serait pas capable de sauver le club.
Par Pierre Rondeau