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Quand Pato gaze
L'avant-centre brésilien du Milan AC de vingt-et-un ans est un phénomène de précocité. Et peut-être la seule bonne raison pour les Rossoneri de croire à l'exploit ce soir chez Tottenham. Portrait.
Zlatan Ibrahimovic pensait pourtant avoir fait place nette. C’est que, tout autant que les défenseurs adverses, il déteste voir pointer dans sa zone un autre attaquant. Au point d’avoir relégué le pauvre Alexandre Pato sur l’aile droite, loin de la zone de vérité, la sienne bien entendu. Mais voilà, le Brésilien semble fait d’un métal différent des autres. Le 28 février dernier, face à Naples, l’avant-centre auriverde a surclassé tout le monde, partenaires compris, pour étaler sa classe immense. Des actions en pagaille et surtout un double chef d’œuvre à chaque fois réalisé aux dépens de Zlatan. La première fois quand, lancé sur le flanc gauche par une passe aveugle du Suédois, Pato fixe encore et encore, ignore l’appel en retrait de l’ancien Barcelonais pour servir Boateng à la conclusion rageuse juste devant les bois. La seconde quand sur une balle chipée dans le rond central, Pato s’avance à toute berzingue, ondule, chaloupe pendant qu’Ibra croise dans son dos, avant de trouver sur son seul talent la lunette adverse, sous les yeux d’un Zlatan éberlué d’avoir servi de faire-valoir pour faire briller un boutonneux de vingt-et-un ans à peine.
Pato défonce Pelé
C’est que Pato a toujours vécu en accéléré. Même la rédemption. En effet, à l’âge de onze ans, le natif de Pato Branco se fait diagnostiquer une tumeur au bras. Suffisamment tôt pour se la faire enlever sans séquelle et poursuivre son ascension. Du genre à devenir à seize ans meilleur buteur du championnat brésilien des U20 sous le maillot de l’Internacional. Son premier match pro ? Une boucherie encore plus immédiate avec un pion inscrit dès… la première minute. Avant de filer deux passes décisives tranquillou. Sans respect le môme s’attaque directement à Pelé en personne fin 2006 en lui chourant le titre de plus jeune scoreur dans une compétition Fifa lors du Mondial des Clubs quand Pato marque à 17 ans et 102 jours face à Al-Ahly contre 17 ans et 239 jours au Roi lors de son but face au Pays de Galles lors de la Coupe du monde 1958. Mais plus que le but de Pato, le grand public retient une séquence incroyable quand le long de la touche, il s’emmène la balle d’une aile de pigeon et poursuit près de la ligne en jonglant de l’épaule avec pourtant un adversaire aux basques. Youtubisé direct ! Le jeune homme pressé ne lève pas le pied après son transfert à Milan à l’été 2007. Contraint d’attendre le mois de janvier 2008 pour avoir le droit de jouer en compétition, Pato fait un premier galop d’essai gagnant en amical face à Kiev (un pion) avant de faire ses débuts officiel en Serie A face à Naples avec un nouveau but pour sceller l’histoire. Et forcément, quand le “Canard” débute en sélection, à dix-huit ans, il marque son premier pion international après seulement douze minutes sous le maillot or et vert. Phénoménal on vous dit !
Ciao l’Italie ?
Car si le gamin fascine à ce point, c’est autant pour ses statistiques hors du commun que pour l’impression dégagée. Parlons chiffres d’abord. En Serie A, le gaillard compile déjà 47 buts en 72 titularisations : 0,65 but par match en tant que titulaire dans le championnat réputé le plus hermétique de la planète. Et encore, on ne pondère pas avec le fait que le gamin s’est régulièrement blessé depuis son arrivé en Italie et que, nécessairement, ces accidents ont freiné sa progression. Mais au-delà de la compta pure et dure de ses performances, il y a l’allure du numéro 7 rossonero. C’est simple, Pato ne semble jamais forcer, toujours en contrôle, jamais à l’arrache, fluide, tellement fluide, grâce à sa technique épurée en mouvement. Le signe qui ne trompe pas ? Cette sensation quasi systématique dès qu’il prend la balle qu’il va se passer quelque chose, à la manière d’un Lionel Messi ou d’un Cristiano Ronaldo et, à bien y regarder, ils ne sont vraiment pas nombreux à pouvoir provoquer ça. Reste que l’ami Pato n’évolue pas dans une écurie aussi puissante que celle des deux derniers Ballons d’Or. Milan n’est plus ce qu’il était sur l’échiquier européen et à voir la santé actuel du Calcio, le plus haut niveau continental se situe sans doute dans un autre championnat. D’ailleurs, après la petite leçon administrée par Tottenham il y a trois semaines, le Brésilien prêterait l’oreille aux avances de Chelsea et la Premier League, cette compétition où tout semble aller plus vite. Comme lui, ça tombe bien.
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