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Paco Jémez : « Comment faire autrement qu’être amoureux de Maradona ? »

Propos recueillis par Robin Delorme, à Vallecas
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« On se tutoie, parce que le vouvoiement... » Paco Jémez, entraîneur du Rayo Vallecano, livre des interviews comme il vit : en étant franc du collier. Personnage haut en couleur et incontournable de Liga, il se raconte, de son enfance à son poste actuel, en faisant un crochet par l'Euro 2000. Avant un 2e épisode samedi.

Tu es né près de l’église du Christ, à Guanarteme. Que représente la religion pour toi ?

Je suis chrétien. Pas parce que je suis né à côté d’une église, mais surtout parce que j’ai vu le jour à Las Palmas pour une raison un peu fortuite. Non, je suis chrétien parce que mon père l’était. C’est plus par tradition que par conviction. Je pense que c’est pareil pour la grande majorité des Espagnols. J’essaye d’être un bon chrétien, même si ce n’est pas évident. La religion est bonne et importante si on ne l’aborde pas d’un point de vue fanatique. Je respecte tout autant les chrétiens que les musulmans ou les juifs, à partir du moment où ils ne sont pas extrémistes.

Tu as ensuite grandi à Cordoue, une ville où chrétiens et musulmans ont cohabité pendant très longtemps…

Pendant 1000 ans ! C’est beaucoup, 1000 ans. Il reste beaucoup de vestiges de cette époque de cohabitation saine. Et ça ne se voit pas seulement dans l’architecture. Par exemple, les gens de Cordoue utilisent beaucoup de mots à consonance arabe. Il reste également beaucoup de traditions dont l’origine est arabe. J’ai eu une copine de Cordoue, et physiquement, elle ressemblait beaucoup aux femmes arabes. Quelle beauté… Presque toutes les familles de Cordoue viennent de descendance arabe. Nous ne pouvons et nous ne devons pas l’oublier. Dans le même genre, Grenade est une ville tout aussi magnifique.

Que peux-tu nous raconter sur ta jeunesse andalouse ?

Je suis très fier de ma jeunesse. J’ai eu la chance d’avoir une enfance où le jeu était quotidien, avait une place centrale. J’étais toujours dans la rue à jouer. Aujourd’hui, j’ai l’impression que les jeunes ont une enfance plus hermétique. Les gens ont peur que leurs enfants aillent jouer dans la rue, qu’ils leur arrivent malheur. Moi, je passais dix à douze heures par jour à jouer dehors avec mes amis, au foot ou à n’importe quoi d’autre. Du moment que je jouais, j’étais heureux. Au moment de l’adolescence, le foot est devenu plus qu’un jeu. Je voulais en faire mon métier, celui qui me semblait le plus beau métier du monde. J’ai essayé, et j’ai réussi.

Enfant, tu avais une idole footballistique ?

J’ai grandi à l’époque de Maradona, il n’y avait pas vraiment de discussion sur le meilleur joueur du monde. C’était, et de loin, le numéro 1. Même s’il y avait de bons joueurs espagnols, comment faire autrement qu’être amoureux de Maradona ? Tout le monde était fan.

Tu n’as jamais voulu être un chanteur de flamenco ?

J’ai tenté, mais je me suis rapidement rendu compte que je devais vite laisser tomber (rires). Mon père était chanteur de flamenco, il chantait très bien, mais il ne m’a pas laissé ce don. Pour autant, j’écoute tout le temps du flamenco, je m’identifie beaucoup à cette musique.

Que raconte le flamenco sur la culture espagnole ?

D’une, c’est la musique représentative de l’Espagne. Certaines régions ont leur propre style musical : la jotas en Aragon, la sardana en Catalogne, la muñeiras en Galice… Même s’il est beaucoup plus ancré dans le Sud, le flamenco est une musique dans laquelle tous les Espagnols s’identifient. Son origine vient de gens très humbles qui, pour la plupart, travaillaient dans les champs. Ils se rejoignaient pour chanter, pour raconter la vie. C’est un art, une manière de vivre. En dehors de l’Espagne, le flamenco est un peu ce qui nous caricature, comme la corrida, alors que nous avons bien plus de choses.
En 2000, on n’avait pas que des peintres. Guardiola, Hierro, Raúl, Mendieta… On avait une grande équipe !

Le football est également très important dans la culture espagnole…

(Il coupe) Oh oui ! C’est le sport le plus important dans notre pays, à des années-lumière des autres. Le football est le sport roi par excellence ici. Tout le temps, partout, on ne parle que de ça. La majorité des enfants veulent devenir footballeur, la majorité des grands événements sont liés au football… En plus, l’Espagne est une grande puissance mondiale du foot. Nous devons en prendre soin, faire en sorte qu’il prenne le bon virage. Nous avons eu un très bon cycle, sans doute le meilleur de l’histoire de ce sport, mais nous devons être capable de nous remettre en cause, de nous renouveler.

Comme tu le dis, le foot est le sport roi en Espagne. Ne trouves-tu pas que cela est parfois disproportionné ?

Le problème du football espagnol, c’est que beaucoup de personnes l’utilisent à des fins qui ne sont pas louables. Quand un sport comme le football est suivi par tant de personnes, avec tant de passion, avec tant d’enthousiasme, qui procure autant de joie que de tristesse, il est malheureusement logique que des gens mal intentionnés l’utilisent. C’est quelque chose de presque inévitable. Pour moi, le football doit avant tout être mis en avant pour son aspect social. Ce sport a un énorme potentiel économique. Plus qu’avec de la publicité, il faut l’utiliser pour qu’il génère beaucoup d’argent et aider des gens dans le besoin. Pour moi, le football est de loin le meilleur sport au monde parce qu’il permet de faire de grandes et belles choses.

De l’étranger, on peut voir l’Espagne comme une addition de régions aux identités différentes. Mais peut-on parler d’une identité espagnole ?

J’aimerais bien te dire que oui, mais je te mentirais. Au contraire, je trouve qu’il y a de plus en plus de différences entre les différentes régions. On s’éloigne plus qu’on se rapproche. Je comprends parfaitement que tout un chacun ait sa propre opinion, revendique ses idées, fasse valoir sa liberté d’expression. Actuellement, une partie des Catalans souhaite leur indépendance et veut un référendum. Ceci n’est pas propre à l’Espagne. C’est arrivé en Russie, dans d’autres pays de l’Est. J’aimerais voir une Espagne unie, j’ai grandi avec elle. Nous sommes un pays avec nos qualités, nos défauts. Mais nous sommes un beau pays. Trouver un accord sur ces différentes volontés d’indépendance est très difficile. Mais ce que je n’accepterai jamais, c’est qu’une indépendance se gagne à travers la force, la violence. Il faut plus de dialogue, plus de démocratie, plus de respect, et également envers notre Constitution.

Le football ne peut-il pas aider à réunir tous les Espagnols ?

Le football a cela de curieux qu’il est capable d’unir des gens très différents. Dans les tribunes d’un stade, tu peux voir un chrétien à côté d’un musulman, un Serbe à côté d’un Croate, un Russe à côté d’un Ukrainien… Des gens très différents, aux opinions opposées, aux croyances différentes, se retrouvent dans un stade pour partager la même passion. Le football pacifie, le football unit.

Comment la sélection espagnole est passée de la Furia Roja à celle du toque ?

L’Espagne a toujours eu de bonnes sélections. Je pense que cette étiquette de Furia Roja est un concept extérieur à l’Espagne. C’est vrai que nous avons commencé à gagner il y a peu, avec un jeu fait de plus de combinaisons. Ceci est grandement dû à la forte présence des Barcelonais en sélection. Mais si tu te rappelles la sélection que nous avons en 2000, on n’avait pas que des peintres. Guardiola, Hierro, Raúl, Mendieta… On avait une grande équipe !

Justement, la sélection était ton rêve de gosse ?

Oui, même si quand tu es petit, être joueur professionnel est déjà un rêve en soi. La sélection a été la plus grande et la plus belle expérience de ma vie. Ce n’est pas juste pour le sentiment de représenter ton pays. Certains sont ainsi, ils sont patriotes, et je le respecte. Moi, je me sentais juste chanceux de revêtir ce maillot rouge. J’aurais payé s’il le fallait pour défendre ce maillot. Quand tu enfiles ce maillot, tu sens tout ce que cela inclut. Tu représentes ton pays, tu ne joues pas vraiment pour toi.

Raconte-nous ta première sélection.

C’est sûrement le plus beau jour de ma vie de footballeur. C’était un match à Grenade, contre la Russie. Je me sentais super nerveux dans les vestiaires. Surtout que toute ma famille était présente, puisque Cordoue et Grenade sont deux villes andalouses. Avant d’entrer sur le terrain, je sentais une espèce d’énorme responsabilité qui me tombait sur les épaules. Ensuite, quand le match a commencé, cette pression s’est évaporée. Et tout s’est bien passé : on l’a emporté 1-0, et je n’ai pas fait un mauvais match.
Zidane, le plus beau joueur que j’ai vu sur un terrain.

Tu étais titulaire à l’Euro 2000 lors du quart de finale face à la France. Quel souvenir gardes-tu de cette rencontre ?

Je me rappelle surtout du penalty de Raúl. On ne saura jamais ce qu’il se serait passé s’il était entré, mais la rencontre était très équilibrée. Après, la France avait une telle sélection… Incroyable ! Il n’y avait que des joueurs de classe mondiale. Cela reste toujours aujourd’hui une énorme déception, mais perdre contre cette sélection française n’avait rien de déshonorant.

Zidane était la star de cette équipe…

(Il coupe) C’est le genre de joueur qui te rend amoureux du football. Il a fait des choses… Comment dire… Des choses différentes. C’était un joueur différent des autres. Ce n’est pas une question de meilleur ou de moins bon. Il était tout simplement différent. À lui seul, Zidane était une catégorie de joueurs. Il faisait des choses incroyables avec le ballon. Mais toujours avec le même leitmotiv : que ça aille pour le bien de l’équipe. Tout ce qu’il faisait était à la fois beau et utile. C’est le plus difficile dans le football. Aujourd’hui, on est toujours à la recherche de cette élégance. Mais depuis Zidane, on ne l’a jamais revue. C’est sans aucun doute le plus beau joueur que j’ai vu sur un terrain.

Cette saison, il y a également eu cette polémique autour du diplôme de Zidane. Tu avais alors déclaré qu’il n’était pas un de tes collègues. Tu regrettes quelque chose ?

Non. Si Zidane n’était pas au Real Madrid, on n’en aurait jamais parlé autant. Le Real est un club qui défend très bien ses joueurs, ses entraîneurs, tous ses salariés. Mais j’ai juste fait preuve de bon sens en l’ouvrant. Il y a un règlement en Espagne qui veut que pour qu’un entraîneur entraîne, il doit avoir validé son diplôme. Nous sommes tous passés par là, nous avons tous dû attendre la validation de notre diplôme. J’ai juste dit que je trouvais ça injuste. Pas parce que c’était Zidane, mais vis-à-vis de tous les autres entraîneurs.

À partir de quand as-tu su que tu voulais devenir entraîneur ?

C’est venu lors de ma dernière année de carrière. Avant, je n’y avais jamais pensé. Je savais juste que je voulais continuer dans le monde du football. Être dans un bureau ? Je serais mort d’ennui. Directeur sportif ? Ouais, bof. Être aux côtés d’un président ? Pfff… La seule solution restante était de devenir entraîneur. J’ai dit « pourquoi pas, autant essayer » . J’ai passé le diplôme de premier niveau, puis de second niveau, et enfin de troisième… Aujourd’hui, je me trouve ici, face à toi.

Selon toi, quel est l’aspect le plus compliqué pour un entraîneur ?

C’est de faire comprendre aux joueurs que les décisions que tu prends sont pour le bien de l’équipe. Chaque joueur a ses intérêts. Ensuite, il y a l’intérêt collectif. Souvent, l’intérêt personnel passe avant l’intérêt collectif. Il faut faire comprendre aux joueurs que tu ne peux pas prendre des décisions selon les envies des uns et le goût des autres. Tout ce que tu fais, tu le fais pour l’équipe. Forcément, cela va à l’encontre de certains intérêts individuels. Mon travail, c’est de leur faire comprendre que de faire passer le collectif avant l’individu favorisera de toute façon l’individu. Se mettre à la place des joueurs est facile. Mais que les joueurs se mettent à notre place, c’est une autre histoire…

Lorsque tu étais joueur, ces intérêts individuels n’étaient pas les mêmes ?

Je pense que les mentalités ont évolué, comme dans la société. Il y a une perte des valeurs qui m’effraie. Je ne veux pas faire mon vieux con, mais avant, un jeune qui arrivait dans un groupe, pour l’intégrer, il devait le respecter. Aujourd’hui, on a perdu ça. Moi, je suis un homme qui aime les choses bien faites, qui accorde beaucoup d’importance au respect. Au Rayo, nous essayons de construire un vestiaire sain. Nous ne voulons pas seulement signer de bons joueurs, nous voulons recruter de bonnes personnes.

Propos recueillis par Robin Delorme, à Vallecas

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