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Où sont les Bomber allemands ?

Par Charles Alf Lafon
5 minutes
Où sont les Bomber allemands ?

Depuis la retraite de Miroslav Klose et avec un Gómez toujours blessé, l'Allemagne ne sait plus qui aligner en attaque : l'ailier Müller, le 10 Götze ou le faux nouveau Kruse. Une pénurie qui passe mal au pays de Gerd Müller, Klaus Fischer, Rudi Völler ou Oliver Bierhoff.

Vendredi dernier, lorsque Joachim Löw annonce le groupe qui affrontera l’Australie en amical et la Géorgie dans le cadre des éliminatoires à l’Euro 2016, on peut s’attendre à des changements après une période post-Coupe du monde mi-figue mi-raisin. Mais Jogi privilégie la stabilité, maintenant des joueurs pas au top en club (Podolski, Khedira) et rappelant seulement deux absents de longue date (Badstuber, Gündoğan). Il ferme même la porte à la jeunesse, arguant que « Emre Can, Kevin Volland, Max Meyer et Leon Goretzka doivent jouer le tournoi (l’Euro U21) en juin » . Une situation qui semble convenir au sélectionneur allemand : « Nous avons fait des changements avec ceux qui reviennent de blessures et il y en aura probablement d’autres au fur et à mesure de la saison. Mais pour l’instant, je ne vois pas la nécessité d’appeler de nouveaux joueurs » . Pourtant, cet épineux problème de latéraux demeure, d’autant plus depuis la retraite de Lahm. Mustafi et Boateng ne sont toujours pas arrières droits, Höwedes pas gauche, ni Badstuber ; et ceux du BVB (Großkreutz, Schmelzer, presque Durm) sont sur le flanc. Alors il faudra sans doute faire avec Sebastian Rudy (redevenu un 6) et Jonas Hector. Ce qui ne change pas non plus, c’est qu’encore une fois, milieux et attaquants sont confondus dans la liste, Christoph Kramer côtoyant Thomas Müller. Tout simplement parce que l’Allemagne n’a plus de buteurs à proprement parler.

De Miro à Mario

Un constat premier degré effrayant lorsqu’on regarde l’histoire ininterrompue des pointes de la Nationalmannschaft : Fritz Walter, Helmut Rahn, Uwe Seeler, Gerd Müller, Klaus Fischer, Karl-Heinz Rummenigge, Rudi Völler, Jürgen Klinsmann, Oliver Bierhoff, Miroslav Klose. Déjà, lorsque Miro était le seul Bomber à s’envoler pour Rio, les craintifs étaient nombreux, et ce n’est qu’avec son retour en 9 pour les matchs qui comptent (France, Brésil, Argentine) que l’Allemagne est redevenue elle-même. Bien sûr, le Laziale n’a inscrit que deux buts, dont un historique lors de la volée de Belo Horizonte, mais sa présence plus que rassurante était symbolique. En cas de besoin, il était là pour la pousser au fond, lui, le meilleur buteur de l’histoire de la compétition. Sa retraite a donc laissé un grand vide, et se pose alors la question de la succession. L’héritier naturel aurait dû s’appeler Mario Gómez. Il l’a d’ailleurs déjà été au Bayern, laboratoire s’il en est de la sélection. Il en a l’âge de la maturité (29 ans, donc 30 pour l’Euro), l’instinct, le style, le palmarès. Malheureusement, sa cheville et Mandžukić l’ont contraint à l’exil à Florence, où son genou l’a empêché de suivre la voie de ses prestigieux prédécesseurs en Serie A. Déjà coupé du groupe mondial, Mario n’a pas bénéficié de la même mansuétude que Badstuber, Gündoğan, voire Reus. Encore plus vieux, Stefan Kießling, dernier Torschützenkönig allemand (2012-2013), est irrémédiablement brouillé avec Löw, et sa forme récente ne plaide pas en faveur d’une campagne de réhabilitation.

Le chaînon manquant

Alors qui ? Seule véritable pointe de la liste, Max Kruse manque clairement d’étoffe. On parle d’un homme qui n’en est qu’à sa troisième saison de Bundesliga (Fribourg puis Gladbach) à 27 ans, ayant fait ses armes à l’étage inférieur avec Sankt Pauli. De fait, ce joueur de poker émérite n’a jamais connu l’Europe que cette année, et encore, c’était la Ligue Europa. Autre tare, ses statistiques, avec des années à 12 buts de moyenne toutes compétitions confondues. Kruse n’est tout simplement pas un renard, plutôt un facilitateur, qui passe autant qu’il marque, peut-être un mal nécessaire pour huiler le collectif. Mais dans ce rôle, Kruse est strictement inférieur à Thomas Müller, qui évolue d’autant plus assez souvent en pointe sous Guardiola. S’il n’a lui non plus jamais inscrit plus de 13 buts en une saison de BuLi (même s’il est bien parti pour), il atteint systématiquement ce score depuis six ans, tout en ayant tendance à être décisif dans les matchs couperets (Champions League et Coupe du monde). Ce choix donnerait aussi plus de sens à la sélection de Karim Bellarabi, pur ailier droit, alors que tous les autres joueurs de couloir penchent à gauche (Reus, Schürrle, Podolski). D’ailleurs, eux aussi peuvent jouer devant, sauf qu’ils ne sont pas plus des 9 de métier que l’homme sans mollet, seulement des ailiers repositionnés (minus Poldi, plutôt l’inverse, devenu simple preneur de selfie malgré son statut de 3e meilleur marqueur de l’histoire). Dans le même ordre d’idées, tout comme l’Allemagne n’est pas l’Espagne ou le Barça, Özil et Götze ne sont pas Messi, encore moins Fàbregas. En novembre, face aux tenants de l’idée et non plus du titre, Löw a bien essayé un horrible 5-4-1 avec Müller et Volland sur les ailes et Götze devant. Une tentative couronnée d’une piteuse défaite.

Une nouvelle ère

Donc Miro Klose doit céder son trône à Thomas Müller. Très bien, il lui prendra aussi d’ailleurs son titre de meilleur buteur de la Coupe du monde. En plus, il s’appelle comme Gerd et porte aussi le 13. Tout va bien. Le seul hic, c’est que Thomas n’est pas un Bomber, c’est un Raumdeuter ( « interprétateur d’espace » ) – il l’a lui-même dit et inventé. C’est peut-être même mieux pour le Bayern, donc la Nationalmannschaft, voire le monde. De toute façon, à l’exception du feu de paille Pierre-Michel Lasogga, la Bundesliga ne compte plus de jeunes buteurs capables de planter vingt pions. Prenons la liste des joueurs à plus de dix réalisations cette saison : Meier (trop vieux), deux Hollandais, un Polonais, un Gabonais, un Italien, Thomas Müller, Karim Bellarabi, un Japonais, un Coréen. Alors que le championnat allemand s’internationalise comme les autres, les attaquants allemands se diversifient, s’éloignent, partent de plus loin. Klose a peut-être mis fin à l’ère des Bomber, laissant la place à une dynastie de Raumdeuter, que perpétuera sans doute Kevin Volland. À moins que Mario Gómez ne revienne pour un baroud d’honneur. Après tout, 30 ans, c’est encore jeune quand on ne court pas.

Lyon, au carrefour de ses ambitions

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