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Oswaldo Vizcarrondo : « Mon objectif est de diriger la sélection vénézuélienne »

Propos recueillis par Jérémie Baron, à Sautron
Oswaldo Vizcarrondo : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Mon objectif est de diriger la sélection vénézuélienne<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

On avait laissé le défenseur central, international vénézuélien auteur d'un joli passage au FC Nantes (2013-2017), sur une expérience décevante à l'ESTAC. Après avoir raccroché les crampons, « El Patron » a commencé sa nouvelle carrière d'entraîneur en tant qu'adjoint d'Eddy Capron sur le banc de l'AS Sautron (N3), en périphérie nantaise. Entretien, dans un français presque impeccable, avec un mâle alpha qui a aujourd'hui dit adieu à sa fidèle crinière.

Tu es aujourd’hui adjoint d’Eddy Capron à l’AS Sautron. Tu as un peu joué avec ce club avant de basculer de l’autre côté ? Non, je suis venu ici pour m’entretenir et ensuite pour revenir sur le terrain, mais en tant qu’entraîneur. J’ai fait la demande à Eddy, qui a accepté, c’était prévu comme ça depuis le départ. Je n’ai pas trouvé de bonnes propositions (pour finir sa carrière de joueur), j’en ai eu quelques-unes en Amérique du Sud, mais je voulais rester en France, en Europe. C’est pour ça que j’ai décidé de m’arrêter et de me concentrer sur ma volonté de devenir entraîneur. À ce moment-là, Sautron était en R1, et une fois que j’ai tourné la page, c’était fini.

C’était trop compliqué, de revenir en Amérique du Sud ?Il y a beaucoup de problèmes là-bas au niveau des salaires, des conditions d’entraînement. J’étais âgé, et vu les conditions, j’ai préféré rester ici. J’ai acheté une maison ici à Sautron quand je jouais à Nantes, mes trois filles y sont nées, et c’est le meilleur avenir que je pouvais leur donner en restant ici. On est devenus français, aussi. On était heureux ici, la situation au Venezuela s’est compliquée, ça fait longtemps qu’elle l’est (NDLR : depuis 2014, la crise économique, sociale et politique ainsi que la violence se sont amplifiées avec d’importantes pénuries et une énorme inflation, et par conséquent des manifestations qui ont fait des centaines de morts, dans ce pays qui possède l’un des taux d’homicides les plus élevés au monde ; le sulfureux Nicolás Maduro a lui été réélu à la présidence le 20 mai 2018 à l’issue d’un scrutin contesté). On a plutôt pensé à l’avenir de nos filles. Je suis content d’être à Sautron, même si je suis bénévole. Je suis dans une période de transition, je dois exercer, gagner de l’expérience. En Coupe de France, c’est moi qui gère le groupe, Eddy m’a proposé ça pour m’exercer en tant qu’entraîneur principal, c’est motivant (l’équipe a depuis été éliminée au sixième tour, 4-2 par l’ESOF Vendée La Roche-sur-Yon en R1, après avoir battu trois équipes de R3 aux tours précédents, NDLR).

Tu as un temps envisagé de terminer ta carrière à Caracas.Oui, même si je n’ai pas eu de contact avec eux. Mais c’était compliqué de rentrer là-bas. Il y a vingt ans, je serais rentré. Mais la situation chez moi devient de plus en plus compliquée, ça n’aurait pas été une bonne idée.

Toute ta famille est en France ?Non, uniquement ma femme et mes filles. Mes parents sont restés au Venezuela, ils ne veulent pas partir. Ma sœur habite maintenant en Colombie. Beaucoup de gens quittent le pays à cause de la situation politique, sociale et économique.

J’ai vécu une très belle enfance dans mon pays, je regrette que mes filles ne puissent pas vivre ça elles aussi.

Comment tu vis cette situation, depuis la France ?Ça fait mal de voir mon pays comme ça de loin. J’ai vécu une très belle enfance dans mon pays, je regrette que mes filles ne puissent pas vivre ça elles aussi, même si c’est magnifique ici. Chez moi, il n’y a pas d’hiver, c’est un avantage. On a de superbes plages, pour des enfants c’est un cadre magnifique. Aujourd’hui, nous sommes en France, ça a aussi beaucoup de côtés positifs.

Durant ta carrière de joueur, tu savais déjà que tu allais basculer de l’autre côté de la ligne de touche ?Non, pas du tout. J’étais un joueur international, c’était compliqué de réfléchir à mon avenir, je me focalisais sur le présent. Beaucoup de monde me disait que j’avais certaines aptitudes sur le terrain, dans ma manière d’analyser les matchs, qui faisaient que je pourrais peut-être devenir entraîneur. Quand je me suis arrêté, je me suis dit que je pouvais faire de bonnes choses dans ce métier. J’ai eu beaucoup d’entraîneurs qui ne faisaient pas bien les choses dans le projet de groupe, le management. Avec ce que j’ai vécu, je peux faire la différence.

Tu as été en contact avec le FC Nantes, mais ça n’a pas abouti. Tu aimerais travailler de nouveau pour le club ? Évidemment, c’est mon objectif, je suis très attaché au club. J’ai une bonne relation avec les Kita. On a eu une réunion il y a six mois, je leur ai présenté mon projet professionnel et de vie, ils disaient qu’ils voulaient me prendre. J’ai attendu une réponse et un mois après, ils m’ont signifié qu’ils avaient déjà des entraîneurs pour chaque équipe de la formation et que ce serait compliqué cette saison. Je ne voulais pas attendre longtemps, j’essaie de suivre mon chemin. J’ai eu des propositions pour devenir entraîneur principal dans d’autres clubs de la région, mais je trouvais que c’était intéressant ici. Après le BEF, je voulais passer le DES (Diplôme d’État supérieur) cette année, mais j’ai raté les inscriptions. J’espère que ça pourra se faire dans le futur.

Tu souhaites aussi aider ton pays footballistiquement. Par quels moyens ?Partager mes connaissances, transmettre mes compétences au sein de mon pays. J’ai vécu beaucoup de choses en tant que footballeur, je dois maintenant me former pour devenir un bon entraîneur.

Face à la Colombie de Radamel Falcao lors de la Copa América 2015

Tu comptes plus de 80 sélections avec le Venezuela. Ça représente quoi pour toi ?C’est une fierté, c’est sûr. Mais il y a beaucoup de pression derrière. Avec les réseaux sociaux, c’est encore plus compliqué. On doit se mettre dans une bulle, parce qu’aujourd’hui, tout le monde est coach. Pour les joueurs qui n’ont pas la force mentale, c’est compliqué de gérer ça. Mais ça reste une fierté, c’est pour ça que mon objectif après m’être formé, c’est de diriger ma sélection.

Comment les gens vivent le foot au Venezuela ?Le foot fait oublier la situation politique et globale du pays. À l’époque où il y avait une grosse division politique, la seule chose qui unissait les gens, c’était le foot. On le savait, et ça représentait beaucoup de choses pour nous. C’est pour ça que je dis qu’il n’y a pas que les choses sur le terrain, il y a beaucoup de pression derrière.

C’était une belle génération : on n’était pas très talentueux, mais on avait la gnaque. Aujourd’hui, il y a beaucoup de talents, mais ils n’ont pas cette identité.

Tu as notamment participé à la Copa América 2011, durant laquelle vous êtes allés en demi-finales avec un but de ta part en quarts. C’est le meilleur souvenir de ta carrière ?J’ai plein de bons souvenirs. En sélection, c’est notre meilleur moment. Malheureusement, on n’a pas eu la chance de se qualifier pour la Coupe du monde, on n’était pas loin. C’était une belle génération : on n’était pas très talentueux, mais on avait un bon vestiaire, on avait la gnaque, c’est comme ça qu’on dit ? On avait la fierté. Aujourd’hui, il y a beaucoup de talents, mais ils n’ont pas ce truc en plus, cette identité. La Copa América 2011, on a également raté la finale en perdant aux tirs au but. J’avais aussi marqué lors de ce match, mais ils ont refusé le but pour un tout petit hors-jeu (il mime avec ses doigts). On a fini quatrièmes, car on a perdu la petite finale contre le Pérou. On doit s’inspirer du parcours du Pérou : à ce moment-là, ils étaient au même niveau que nous, puis ils ont évolué. Depuis, ils ont fait la Coupe du monde. Il faut qu’on les prenne comme modèle pour avancer. Même si on n’a pas de moyens : quand on rentre au Venezuela, on voit des gens dans la rue qui ne mangent pas à leur faim, la violence, la négativité des gens, les problèmes à la Fédération… Ces problèmes se reflètent sur le terrain, malheureusement.

Tu as débarqué en Europe à 29 ans. C’est un objectif pour les joueurs vénézuéliens ?Oui, je pense. Ça n’était pas facile. J’étais le troisième Vénézuélien qui jouait ici (à Nantes), après Gabriel Cichero qui a fait la montée et Fernando Aristeguieta qui est arrivé sur la deuxième partie de saison et a beaucoup apporté. J’étais en Argentine après un gros parcours en Amérique du Sud, mon rêve était de vivre des choses en Europe. J’ai eu d’autres propositions plus intéressantes économiquement, au Brésil, en Argentine ou en Chine, mais c’était le bon choix.

Au niveau de l’ambiance au stade, Nantes ressemble à l’Amérique du Sud, et je pensais que c’était comme ça partout en France.

L’arrivée en France a dû te dépayser.Il y a une grosse différence dans tous les domaines, rien que dans les conditions d’entraînement ou de match. Au niveau de l’ambiance au stade, Nantes ressemble à l’Amérique du Sud, et je pensais que c’était comme ça partout en France. Mais si tu vas ailleurs, par exemple à l’ESTAC où il n’y a pas d’ambiance, tu vois la différence. Avec la barrière de la langue, ce n’était pas facile, car une de mes qualités sur le terrain est de beaucoup parler. Ça m’empêchait d’organiser la ligne défensive, moi que l’on surnommait « le Patron » déjà en Amérique du Sud, et d’échanger dans le vestiaire.

C’est grâce à Fernando Aristeguieta et Gabriel Cichero que tu as signé à Nantes ?Oui, tout à fait. Ils ont fait le travail sur le terrain et m’ont ouvert les portes, à moi et à d’autres : il y avait aussi Juan Falcón, un autre Vénézuélien qui a joué à Metz. Si Gabriel n’avait pas fait une bonne saison, ils n’auraient pas fait venir d’autres Vénézuéliens. On n’a pas de tradition footballistique comme au Brésil ou en Argentine. C’est plus facile pour les clubs de miser sur des Argentins ou des Brésiliens que sur des Vénézuéliens.

En Ligue 1, on te voyait comme quelqu’un dont la principale qualité n’était pas vraiment la vitesse.Je n’étais pas quelqu’un qui allait vite, c’est sûr, mais je compensais avec mes déplacements, mon placement, l’anticipation. Des fois, ça n’est pas nécessaire d’avoir beaucoup de vitesse pour faire la différence. J’étais très rigoureux sur l’aspect tactique, ça m’aidait sur le terrain. C’est quelque chose qu’il n’y a pas beaucoup ici : on va beaucoup regarder l’aspect physique ou la vitesse, avec des joueurs qui ont déjà une vitesse naturelle, mais qui n’ont pas d’intelligence tactique. C’est en mélangeant ça que tu trouves des joueurs de haut niveau. Si j’ai l’opportunité de diriger en pro, c’est là-dessus que je veux insister, sur la rigueur tactique.

C’est quelque chose que tu as commencé à travailler dès le début de ta carrière, pour compenser la vitesse des attaquants ?Mais c’est toujours comme ça ! Tous les défenseurs vont moins vite que les attaquants, et en plus on est dos au but. C’est encore plus compliqué parce qu’on doit se retourner. C’est là-dessus que je faisais la différence, j’étais toujours bien orienté, je me déplaçais bien. C’est une chose que j’avais en tête. Je gardais toujours un œil sur les attaquants, même quand on avait le ballon devant, pour avoir un coup d’avance. Mais je pense que je n’étais pas si lent non plus, malgré ce qu’on a pu dire.

Tu avais trouvé une stabilité professionnelle et personnelle, à Nantes ?On était bien, ici. J’ai fait des saisons pleines, j’avais une bonne relation avec Michel Der Zakarian, qui a joué au même poste que moi et me comprenait. Jusqu’à l’arrivée de Conceição, qui a changé mon statut. C’est aussi pour ça que j’ai décidé de quitter le club, ça ne s’est pas bien passé avec lui. Il me restait une année de contrat, Troyes m’en proposait deux, donc c’était clair pour moi. J’ai préféré partir, ma priorité était de garder le rythme pour jouer en sélection. Je ne sais pas si c’était le bon choix, car je n’ai pas non plus beaucoup joué là-bas.

Que s’est-il passé à l’ESTAC ?L’entraîneur Jean-Louis Garcia m’a fait venir, il me disait que j’allais jouer tous les matchs. Mais ça n’a pas été le cas : j’ai joué les huit premiers matchs, puis il m’a laissé sur le banc. On était dixièmes, on jouait bien, je pense qu’il a eu tort. La saison d’après, c’était un Portugais, Rui Almeida. Il disait compter sur moi, j’ai joué tous les matchs de préparation et les trois premiers de la saison en Ligue 2. Mais à trois jours de la fermeture du mercato, il m’a annoncé qu’il allait recruter quelqu’un à mon poste et qu’il était préférable que je m’en aille pour trouver plus de temps de jeu. J’ai eu une discussion avec lui, car j’étais expérimenté, j’avais mes filles, un projet : il ne pouvait pas me faire ça. La relation entre nous a été difficile. À ce moment-là, j’ai été déçu du football, et c’est un des motifs pour lesquels j’ai décidé de m’arrêter. Mais cette dernière année m’a aussi aidé à tourner la page, mentalement.

Dans cet article :
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Propos recueillis par Jérémie Baron, à Sautron

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