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On a passé une journée au stage de l’UNFP

Par Gabriel Joly et Harrel Mbadinga Obame
On a passé une journée au stage de l’UNFP

Comme chaque année, l'UNFP a convié une sélection d'une vingtaine de joueurs libres à Lisses (91) pour le traditionnel stage de préparation estival. L'occasion pour ces footballeurs à la recherche d'un club de se montrer, mais également de reprendre du plaisir à jouer grâce à l'ambiance chaleureuse qui inonde l'hôtel.

11h30. Les jaunes souhaitent déjà « good night » aux sans-maillots. Sur le terrain d’entraînement de l’espace Léonard de Vinci à Lisses, chaque opposition est une opportunité de chambrer l’adversaire. Après cette séance matinale, c’est au tour de la « connexion DZ », comme s’appellent Massinissa Oufella et Lamine Ghezali, d’être raillée. Leur but marqué sur une remise en talonnade n’a pas suffi pour permettre à leur équipe de l’emporter. Mais au moment de prendre la traditionnelle photo des vainqueurs, les contestations fusent. Le litige ? Une erreur commise par le préparateur physique Olivier Guillier dans le décompte des passes. « Putain, il est même pas foutu de compter jusqu’à 50 », peste l’adjoint David Recorbet avec ironie. « On se casse la tête à faire des jeux, et il nous les pourrit », renchérit Sébastien Maté, l’entraîneur des gardiens, mort de rire. Qu’importe : Patrice Beaumelle beugle déjà à son groupe d’aller récupérer dans le bain froid.

« Le seul club où on a envie de voir les joueurs se barrer »

Ce groupe hilare, c’est celui de l’UNFP Football Club. Une équipe de 23 joueurs à la recherche d’un club. Depuis 1990, le syndicat propose ce stage de cinq semaines à des joueurs arrivés en fin de contrat. L’objectif ? Leur permettre d’être prêts si une formation les contacte pour directement s’inscrire dans une rotation, plutôt que perdre du temps avec une remise à niveau physique. « Quand je vois que des gars qu’on a contactés préfèrent s’isoler et travailler dans leur coin avec un préparateur physique, j’avoue que j’ai du mal à comprendre, grommelle Pascal Bollini, le directeur du stage depuis 17 ans au moment de retourner vers l’hôtel. Ici, on a tout. » Infrastructures de qualité, staff compétent et possibilité de se mettre en lumière. Le cocktail parfait pour tout footballeur qui a besoin de se relancer. « On est le seul club où on a envie de voir les joueurs se barrer », se marre le responsable vidéo Philippe Rossi. Car ici, tout le monde est sur la sellette, même le staff. Mais c’est pour le meilleur. Au stage de l’UNFP, 70 à 80% des joueurs retrouvent un contrat. Les places sont donc chères. La règle : premiers arrivés, premiers servis en fonction des postes, et pour le reste, la liste d’attente s’allonge. Cette saison, plus de 80 pros ont postulé à partir de mars, le moment de l’année où Pascal Bollini s’est rendu dans les vestiaires de Ligue 1, Ligue 2 et National pour promouvoir son rassemblement.

Mon agent m’a appelé il y a quatre jours en me disant qu’une place se libérait ici, et ça s’est fait assez rapidement. Je voulais reprendre le plus vite possible pour retrouver la compétition et surtout un groupe.

Le dirigeant passe ainsi ses journées au téléphone, écouteurs vissés aux oreilles pour prévoir l’arrivée des nouveaux. « Mon agent m’a appelé il y a quatre jours en me disant qu’une place se libérait ici, et ça s’est fait assez rapidement, explique justement le gardien Tidiane Malbec. Je voulais reprendre le plus vite possible pour retrouver la compétition et surtout un groupe. » Cet ancien de la réserve de Bordeaux a remplacé Zacharie Boucher, finalement reconduit à Bastia, et Paul Charruau qui s’est engagé avec Amiens. De quoi réjouir Sébastien Maté. « Le prochain qui va s’occuper des gardiens, il va avoir la pression ! Je me fais un peu allumer parce qu’on a à peine eu le temps d’enfiler les gants que les gars étaient déjà partis. C’est top pour eux ! » Pour cet ancien de l’Olympique de Marseille, le stage a même été très fructueux puisqu’en plus d’avoir casé deux de ses poulains, il a lui-même dégoté un contrat au Stade Malherbe de Caen : « C’est la classe quand même ! J’ai fait le stage il y a vingt ans en tant que joueur, j’avais bougé au bout de trois jours, et là, bam, première semaine. J’ai déjà signé mon contrat, mais je me devais de rester avec l’UNFP jusqu’à l’arrivée de mon successeur. »

Collectif, cohésion militaire et rigolade

Avec un nouveau contrat en ligne de mire, l’objectif du stage est bien sûr de se montrer. C’est d’ailleurs l’un des rôles primordiaux de Philippe Rossi, chargé de la vidéo et de la communication. « Chaque jour, on sort des capsules sur les réseaux sociaux pour faire parler des joueurs. C’est aussi cette exposition qu’ils viennent chercher. » Mais pas de quoi inciter les joueurs à tirer la couverture. Quentin Bena sort de deux ans et demi de ligaments croisés. Pour lui, l’essentiel était surtout de reprendre du plaisir à jouer. « C’est à travers le collectif que tu vois les bonnes individualités, il ne faut pas se prendre la tête à jouer perso. Si tu plais à un club, ça viendra tout seul, explique le milieu ​​dont le contrat aux Chamois niortais vient d’expirer. Le stage de cohésion nous a fait du bien ! On a souffert ensemble, ça crée des liens. » Pour rapprocher le groupe qui a dix jours pour former une vraie équipe avant le premier match amical, le staff de l’UNFP a en effet misé sur un stage de cohésion organisé par les militaires du Centre national des sports de la défense de Fontainebleau. Pendant 24 heures, tous se sont serré les coudes : parcours du combattant, rationnement de la nourriture et nuit à la belle étoile. « C’était dur, on avait le dos cabossé en rentrant, grimace Mohamed Cissé en s’approchant cette fois d’un buffet bien garni. Mais même le coach a joué le jeu. »

Dans la salle à manger, les piques et les vannes couvrent les bruits des couverts. « Avant le passage à l’armée, ça ne rigolait pas autant, rappelle la kiné Alexia Bollini. Le premier jour, personne n’osait trop se parler. » Même s’il n’a pas fait le stage de cohésion, Tidiane Malbec confirme : « Franchement, là ça s’entend mieux qu’à Bordeaux. » À la table du staff, même ambiance. Pascal Bollini raconte comment il a failli se faire serrer par la police lorsqu’il est allé chercher le nouvel entraîneur des gardiens Jean-Marc Branger. « Le feu passait au rouge, et pour une fois, j’ai senti qu’il fallait que je freine. J’ai bien fait, il y avait trois motards juste derrière », détaille-t-il devant une audience hilare. « Vu comme tu conduis, le retrait de quatre points, là, t’étais bon pour rendre ton permis, plaisante Philippe Rossi entre deux bouchées de ratatouille, avant de confier que c’est dans l’esprit du stage. On est sérieux parce que c’est de l’avenir des gars dont il est question, mais autant que ça se fasse dans une bonne ambiance. »

Staff de compète

Alors qu’il décapsule une bouteille d’eau pétillante à la fourchette – sûrement un reste du stage militaire -, Patrice Beaumelle semble justement comme un poisson dans l’eau. Contacté par Bollini pour assurer le stage après son départ de la sélection ivoirienne, il se plaît à coacher ce groupe. « C’est une opportunité magnifique. Même si c’est de la prépa physique, on a travaillé tactiquement dès le premier jour, explique celui qui n’a plus officié depuis la trêve internationale durant laquelle l’équipe de France avait battu ses Éléphants en mars dernier (2-1). Je suis fier d’être français quand je vois ça, parce qu’on est l’un des seuls pays à proposer une telle initiative avec autant de moyens. C’est un staff digne d’un club de Ligue 1 ou d’une sélection sans problème. » Il faut dire que tous ont le cœur à l’ouvrage.

Pour avoir vécu des périodes de chômage pendant ma carrière de joueur, je sais qu’il faut créer la confiance au quotidien. Remettre l’humain au centre de la performance, ça passe par des moments en groupe pour créer une cohésion et de la communication, mais aussi par une présence de tous les instants au niveau individuel.

Parmi les encadrants présents, certains viennent chaque été et ils n’hésitent pas à prendre une pause dans leurs professions habituelles, à l’instar de Thomas Aupic qui pose des vacances depuis 2018 spécialement pour l’occasion. Ses étés, il les passe dans l’Essonne pour exercer en tant que préparateur mental auprès du groupe. Une fonction qu’on ne retrouve d’ailleurs pas dans toutes les structures professionnelles. Concrètement, son rôle est d’être à l’écoute si les joueurs ont besoin de se confier. « Pour avoir vécu des périodes de chômage pendant ma carrière de joueur, je sais qu’il faut créer la confiance au quotidien, juge l’ancien du Paris FC, de Chambly et de Colmar. Remettre l’humain au centre de la performance, ça passe par des moments en groupe pour créer une cohésion et de la communication, mais aussi par une présence de tous les instants au niveau individuel. Le tout doit être très informel, on ne veut pas sacraliser la chose comme chez le psy. » Chacun est donc libre de s’exprimer sur sa situation, pas toujours facile à supporter, mais également de demander des conseils sur des sujets divers. Récemment, certains sont par exemple travaillés par le dilemme de rejoindre un club de National 2 ou de rester au stage en espérant trouver une meilleure écurie.

Contraste de contrats

Conscients de ce problème, les encadrants du club aux faux airs de colonie de vacances ont pris l’initiative d’inviter deux juristes de l’UNFP pour une réunion de prévention sur les contrats. Le mot d’ordre ? Laisser le moins de place à l’interprétation dans les baux, car les clubs sont inventifs. L’ancien de la réserve stéphanoise Mickaël Panos en sait quelque chose. L’année passée, il a convaincu le club albanais du KF Vllaznia de le prendre alors qu’il se remettait d’une longue blessure au genou. Mais à l’arrivée, rien ne s’est passé comme prévu. « Sur le contrat que j’ai signé, c’était marqué« Revenus : 3000 », mais il n’y avait pas écrit la monnaie. Ils m’ont payé en LEK, la devise albanaise. Ça fait environ 300 euros… Quel footballeur est payé 300 euros, sérieusement ? C’était le prix de mon loyer, donc j’étais en déficit toute l’année. » À peine la digestion du copieux buffet engagée, les manieurs de ballon prennent donc place dans la salle de massage transformée pour l’occasion en auditorium. C’est aussi cela la force du stage, apporter des éléments divers et variés de sorte à étoffer un peu plus le sac de sport des athlètes. Debout devant un diaporama, les deux juristes balaient les sujets, de la nature du contrat à la rémunération minimum en passant par les pièges ou les clauses déconseillées.

Une mini-formation qui ne manque pas de faire réagir lorsque certains voient leurs situations illustrées par le duo de choc. En tête, l’ancien Titi parisien Massinissa Oufella. En 2018, le milieu de terrain de poche arborant un chignon façon Ademo de PNL avait signé son premier contrat pro avec le PSG. Mais, jamais intégré au groupe de Verratti, Neymar et Marquinhos, il n’a eu de professionnel que le nom. Pire, avec la dissolution de l’équipe réserve du décuple champion de France en 2019, le Franco-Algérien de 21 ans a passé l’intégralité de son contrat sur les terrains du Camp des Loges, ne prenant part à aucun match. « Je n’ai fait que jouer avec les jeunes, l’année dernière je m’entraînais même avec des 2004, voire 2005. » Une situation qui s’explique par une prolifération des contrats pros distribués à la pelle par les cadors d’Europe. Quand les juristes expliquent à « Massi » l’article 507 de la Charte des footballeurs professionnels, il tombe donc des nues. Selon le règlement, une quelconque mise à l’écart d’un groupe pro hors d’une période du mercato est interdite. En connaissance de cause, le jeune Parisien aurait donc dû bénéficier des mêmes conditions d’entraînement que les autres pros, sous peine de poursuites judiciaires pour le club. Le traitement qu’il a subi peut même légitimement être considéré comme du harcèlement moral. Paradoxalement, ce n’est donc qu’à la fin de son contrat qu’il a découvert l’adversité du football des grands.

C’est ça la réalité du foot pour la majorité. Des Mbappé, il n’y en a qu’un ou deux, ce n’est pas ça le football. On fait tout cela pour qu’ils retrouvent du travail au plus vite parce qu’une carrière ne dure pas éternellement.

Séance du soir et loups-garous à la pelle

Au fil de la formation, les juristes distillent des petites astuces pour sécuriser à l’avenir les arrières des footballeurs encore trop peu regardant sur la paperasse administrative. Mieux vaut par exemple limiter les risques de non-paiement en négociant une prime à la signature représentant plus de la moitié du salaire total à l’année. « On a l’impression qu’à l’UNFP, il n’y a que la cérémonie et les paillettes des Trophées. Mais le plus important, c’est ça ! Nous, on s’occupe des gars comme ça, c’est ça la réalité du foot pour la majorité, confie Stéphane Maté. Des Mbappé, il n’y en a qu’un ou deux, ce n’est pas ça le football. On fait tout cela pour qu’ils retrouvent du travail au plus vite parce qu’une carrière ne dure pas éternellement. » Tongo Doumbia, l’un des doyens, le sait bien. À 32 ans, l’ancien Toulousain sort d’une pige au Kazakhstan et souhaite trouver un dernier challenge. Il en profite aussi pour conseiller les plus jeunes. Grâce à lui, chaque participant du stage aura progressé au jeu du loup-garou, le passe-temps favori dans l’hôtel.

Alors que chacun regagne ses pénates pour se préparer en vue de la séance de la fin d’après-midi, tous ont déjà en tête les parties qui vont animer la fin de soirée, une fois le dîner et les massages passés. « Les meilleurs, c’est les mecs qui ont de la bouteille.(Rires.)Moi, j’ai fait villageois ou sorcière, mais je suis cramé en loup. Si Tongo te cible, tout le monde le suit », glisse Tediane Malbec. Et tout le monde le suivra encore ce vendredi 1er juillet lorsque l’équipe ira défier Valenciennes pour le premier des sept matchs de prépa de l’UNFP. Au programme, cinq Ligue 2 et deux Ligue 1. D’ici là, tous ont l’objectif de devenir le prochain Akim Zedadka. Passé par l’UNFP à l’été 2018, l’arrière droit avait ensuite décroché un contrat avec Marignane en National 1 avant de signer au Clermont Foot l’année suivante et de découvrir la Ligue 1 et la sélection algérienne. Une trajectoire qui peut leur permettre de garder espoir.

Dans cet article :
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Par Gabriel Joly et Harrel Mbadinga Obame

Tous propos recueillis par GJ et HMO.
Photos de GJ et Philippe Rossi.

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