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« On a créé cette culture du football à Guam »

Propos recueillis par Guillaume Vénétitay
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En quatre ans, Gary White a changé la sélection de Guam : l’équipe qui prenait des valises est maintenant respectée. Il raconte ses méthodes, entre chant indigène, scouting intense et création d’une culture football.

Salut Gary. Tu peux nous rappeler la situation de ta sélection dans ces qualifications pour la Coupe du monde 2018 ?On joue jeudi à Oman. C’est notre dernier match dans ce groupe D. On peut au mieux finir troisième, les deux premières places qualificatives sont hors d’atteinte, mais ce groupe permet aussi de se qualifier pour la Coupe d’Asie 2019, et on est toujours en course.

Vous aviez pourtant connu un super démarrage avec deux victoires, et pas mal de médias s’étaient intéressés à Guam.Je sais que ça va sembler direct, mais on s’attendait à gagner contre le Turkménistan (premier match gagné 1-0 à domicile, ndlr). C’était l’objectif de chaque joueur ou membre du staff avant ce match. On était contents de l’attention des médias, car ça a mis en lumière notre gros travail. Mais nous, on avait un objectif : être en tête de ce groupe difficile (Iran, Oman, Turkménistan, Inde et Guam, ndlr) après les 2 premiers matchs, de juin à septembre dernier. C’était un match dur contre le Turkménistan, une très bonne équipe. Et c’était fantastique en dehors du stade, de voir les supporters qui avaient été géniaux. Mais la minute d’après, on était concentrés pour le match contre l’Inde.

Ce match qui a suivi contre l’Inde a été l’un des meilleurs, non ?On a joué un football fantastique, c’était comme regarder l’équipe d’Espagne ! On a joué avec beaucoup de mobilité, de mouvement, une super assise défensive…

Notre victoire face à l’Inde, on a joué un football fantastique, c’était comme regarder l’équipe d’Espagne !

C’est le moment dont je suis le plus fier, car tout ce qu’on avait travaillé se retrouvait sur le terrain. Et c’est la meilleure preuve pour un coach, car on se demande quel impact on a. J’étais comme un père fier de ses enfants. C’était incroyable de voir le changement avec une équipe de Guam qui, avant que j’arrive, restait derrière et essayait de prendre le moins de buts possibles. Contre l’Inde, on gagne donc 2-1. Ils ont réduit le score dans les arrêts de jeu. Dans les vestiaires, mes joueurs étaient dévastés parce qu’on avait pris ce but !

Ils ne faisaient pas la fête ?Ils auraient peut-être dû, ils venaient de battre une équipe d’un pays de 1,2 milliard d’habitants. Durant les 90 minutes de ce match, il y a plus de gens qui sont nés en Inde qu’il n’y a d’habitants à Guam (165 000 habitants, ndlr). Ça te donne une idée des disparités et des différences de ressources. En tout cas, ça a montré cette nouvelle mentalité de l’équipe et même autour. Il y a dix ans, les gens seraient descendus dans la rue pour fêter cette victoire !

Avant ton arrivée, Guam avait justement la réputation de se prendre de sacrées défaites…Guam jouait contre des équipes comme Hong Kong et perdait 15-0. La première fois qu’on a joué Hong Kong sous ma responsabilité, on n’a perdu que 2-1. C’était un match très accroché, le premier signe du nouveau Guam : on est là pour être compétitifs.

Comment tu t’es retrouvé à être sélectionneur de Guam en 2012 ?Je travaillais au club des Seattle Sounders en MLS. J’étais aussi directeur technique pour l’État de Washington. Avant, j’avais été coach des Bahamas et des Îles vierges britanniques, donc j’avais déjà deux expériences en tant que sélectionneur. On m’a présenté Richard Lai, le président de la Fédération de Guam. Je vais être honnête avec toi, je ne connaissais pas du tout Guam avant de le voir. Il voulait des conseils, car il était à la recherche d’un coach parlant anglais. Et en fait, juste après notre rencontre, il m’a proposé le job. Ce n’était pas vraiment mon plan, je comptais plus coacher une équipe de MLS.

Pourquoi accepter de prendre une équipe qui ne prend que des valises ?Ça semblait une très bonne opportunité.

Je regarde toujours trois choses avant de prendre un poste : le soutien des dirigeants, posséder un centre d’entraînement, et avoir une base de joueurs pour réussir.

Je regarde toujours trois choses avant de prendre un poste : le soutien des dirigeants, posséder un centre d’entraînement, et avoir une base de joueurs pour réussir. Il y avait ces trois choses et je me suis dit que je pouvais avoir un impact. Et c’est ce qu’on a réussi. Et puis, Richard Lai est très inspirant. Il était si passionné pour changer le destin de cette sélection. Avant, ça n’allait nulle part, et les défaites étaient larges. Mais je pense que ces défaites ont été une bonne chose pour lui, ça lui a donné un coup de pied au cul et il a travaillé plus dur.

Qu’est-ce que tu trouves en arrivant sur place ?Quand je suis arrivé, ils étaient sur la 4e étape du programme Goal. Ici, on a sûrement des installations parmi les meilleures d’Asie. On a un centre d’entraînement de classe mondiale que le président Richard Lai a brillamment construit en utilisant les fonds de la FIFA de la manière dont ils sont censés être utilisés. Ils ont organisé des bonnes ligues de jeunes, des bons clubs de jeunes, des structures. La seule chose dont ils avaient besoin, c’était d’une filière d’élite pour les joueurs et des victoires au niveau international avec l’équipe nationale.

Qu’est-ce que tu as fait en premier ?La vraie première chose à avoir, c’était le pays derrière nous. J’ai fait en sorte qu’on ait un surnom : j’ai demandé à mon bureau de trouver quelques noms liés aux peuples indigènes. Ils sont revenus avec plusieurs noms et on a retenu Matao. Ce qui veut dire que vous êtes le chef de la société Chamorro, le plus grand leader du clan, le plus fort, le plus noble. Ça a tout de suite attiré les locaux. Avant chaque entraînement, on entonne le chant Infresi, qui est connu dans toute l’île, une sorte de serment envers l’histoire Chamorro et le territoire de Guam. Ici, c’est une culture américaine, mais il y a toujours cette base de l’histoire Chamorro. Tu dois utiliser ça. C’est le rôle d’un sélectionneur : amener cette spécificité nationale dans l’équipe de football.

Comment ça a été accueilli dans un territoire américain ?Quand je suis arrivé, le foot n’était pas le sport le plus populaire du pays. Il y avait le foot US, le baseball, le basketball… Au service de l’immigration, on m’a dit que j’étais trop petit pour être un joueur ou entraîneur de foot. Parce que le gars pensait que je parlais de NFL. Le football devait être 3e ou 4e en matière de popularité. En quatre ans, on s’est hissé facilement à la première place. C’est le seul sport qui s’est professionnalisé, la seule équipe qui a une grande affiche à l’aéroport, le seul sport où les joueurs sont devenus célèbres, on me reconnaît dans la rue. C’est vraiment bien de voir les supporters de Guam rester 3h après le match pour avoir des autographes. On a créé cette culture du football.

Comment as-tu procédé avec les joueurs ?À Guam, tu n’es pas dans l’un des meilleurs clubs du monde qui va au supermarché et achète un arrière gauche parce qu’un autre s’est blessé.

Tu dois utiliser ce que tu as, en tirer le meilleur et obtenir les premiers succès. C’est ça, le coaching, le management.

Tu dois utiliser ce que tu as, en tirer le meilleur et obtenir les premiers succès. C’est ça le coaching, le management. Tu dois donner une opportunité aux gens de prouver leur valeur. Au début, j’ai réuni la précédente sélection pour une réunion. Je leur ai parlé de mon programme, de ma philosophie, des valeurs, ce que j’attends des joueurs et ce qu’on allait essayer de faire. Je voulais avoir ce groupe de mon côté, car c’était les seuls que j’avais, je n’avais rien d’autre. Je voulais me concentrer sur leurs forces et non leurs faiblesses.

Tu parlais de nouvelle mentalité aussi. Comment tu as fait ?Avant moi, il y avait des coachs japonais, ils faisaient de leur mieux, mais leur mentalité, c’était de ne pas prendre trop de buts dans la défaite. Pour moi, on doit jouer un match pour gagner. On a mis cette idée dans la tête des joueurs. Et quand on change la philosophie et qu’on dit d’attaquer, de gagner, vous seriez surpris de voir combien les joueurs adhèrent rapidement. Nos joueurs ont commencé à gagner quelques matchs.

C’est comme ça que tu as pu prendre des joueurs sélectionnables pour les USA ?Une fois que j’avais gagné quelques matchs, j’ai posé la question à la direction technique : est-ce qu’on a vu tous les joueurs sélectionnables ? La réponse était non, et c’est d’ailleurs toujours non. On avait une liste de joueurs, mais je ne pouvais pas les approcher avant d’avoir des résultats.

Comment ont-ils réagi ?J’ai commencé à contacter les premiers joueurs de notre liste.

Le premier, c’était Ryan Guy, qui jouait en MLS aux New England Revolution à l’époque. Ça m’a pris 4 mois pour le convaincre de venir jouer avec nous.

Le premier, c’était Ryan Guy, qui jouait en MLS aux New England Revolution à l’époque. Ça m’a pris 4 mois pour le convaincre de venir jouer avec nous. Sa première réaction, c’était : je veux intégrer l’équipe des USA. Au départ, on lui laisse un peu le temps et après, on ré-attaque (rires). AJ DelaGarza du LA Galaxy m’a dit que je devrais avoir un tatouage sur la tête avec marqué « Persévérance » . Ils étaient là : « Ok, je viendrai, mais arrête de m’appeler. » On a un groupe de joueurs éclectiques. On a des joueurs qui peuvent devenir professionnels à l’avenir, on a un joueur comme AJ qui joue avec Steven Gerrard. Mais ils viennent tous aux rassemblements et ils croient au projet.

Tes prochains objectifs avec Guam, c’est quoi ?Quand j’ai pris l’équipe, on était 197e au classement FIFA, on est monté jusqu’à la 140e place. Au début, c’était important, car il montrait la progression. Maintenant, le classement importe moins, il faut gagner des choses.

À l’avenir, tu te vois encore avec Guam et continuer ton parcours singulier ?Ce match contre Oman, c’est le 60e match de sélectionneur, j’ai 41 ans, je commence à faire ça depuis longtemps, c’est une expérience incroyable, voyager à travers le monde, essayer différentes méthodes. Étant jeune, je regardais les avions, la fumée dans les airs et je me demandais où allaient ces gens. Je n’ai jamais voulu être ordinaire, c’est ce qui m’a motivé. Après cette campagne de qualifications, si j’arrive à les mener dans les derniers tours de la Coupe d’Asie, je pense que ce sera l’heure pour moi de me tourner vers les clubs, en Europe. J’adore être avec les joueurs au quotidien. Être sélectionneur c’est difficile, c’est beaucoup de temps d’observation, de négociation avec les agents ou les clubs pour libérer les joueurs. Tu n’as pas trop de temps avec les joueurs, quelques jours et ils s’en vont.

Dans cet article :
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Propos recueillis par Guillaume Vénétitay

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