OM : 90 minutes de solitude
L'OM parti pour couper l'herbe sous le crampon lyonnais se retrouve à poil comme le bizut toulousain, même tarif et même sentiment d'impuissance contre un Liverpool juste à son niveau. La lunette de Valbuena à Anfield était donc un accident de l'histoire, l'exception qui confirme cette foutue règle : les clubs français appartiennent définitivement au Tiers état européen. Marseille 0 – Liverpool 4 un soir de décembre sous le mistral, 90 minutes qui en disent beaucoup sur la paupérisation des clubs français.
44ème minute, Marseille mené de deux buts depuis un moment est déjà mort cliniquement, le légiste termine de remplir la paperasse, ça lui prendra 80 minutes, à son rythme le légiste. 44ème minute, Gaël Givet obtient sa dispense, un mauvais coup imperceptible qui tombe comme une grâce présidentielle. A ce moment là, le foot français a un peu la tronche de Gaël Givet : résigné, les canines de travers, brave mais pouilleux.
Le foot français demande juste à sortir, parce qu’il ne se sent plus à sa place, parce que Torres lui a cassé les reins sur chaque prise de balle, parce Monaco 2004 c’est déjà de la nostalgie. Le foot français a un vilain mal au crâne, ce n’est pas un éventuel Doliprane demain soir à Glasgow qui pourrait changer l’affaire.
Le foot français peut se chercher des excuses, jalouser le sac de billes du voisin et demander à Canal de lui filer une rallonge sur son argent de poche, le mal est plus profond. Les clubs français ont le moral de Gaël Givet, même plus dans les chaussettes, plutôt sous la semelle. Alors, ils se racontent des histoires, le foot c’est un peu de réalité et beaucoup de fiction, sinon on n’y croirait pas vraiment ou alors on supporterait le Milan AC, le Real ou Liverpool. Il se dit que sur un match tout est possible, et il a raison. Sur un match, Marseille a battu Liverpool et Toulouse a même obtenu un nul au CSKA Sofia.
Il suffisait à Marseille d’un point pour rejoindre le top 16 européen, pas mal comme promotion expresse pour un club qui vient juste d’intégrer le Top 16 français. L’OM s’accrochait à cette bouée arithmétique, au souvenir du match aller pour mieux se cacher la vérité. La démonstration même improductive infligée par Porto lors de sa venue au Vélodrome était là pour rappeler qu’on ne rivalise pas comme ça avec les rentiers de la C1. Ce soir, l’OM a pris sa leçon de caste. Il aura interro en UEFA à la rentrée pour vérifier ses connaissances.
Faut-il vraiment revenir sur le match, chercher les coupables ou croire que si la main de Mandanda avait repoussé le penalty de Gerrard un mètre plus à gauche le sort en aurait été différent ? Aujourd’hui on s’acharnera sur la charnière Rodriguez-Givet, une charnière de jubilé, bonne pour les archives d’ESPN dira-t-on. Il faudra aussi toucher un mot du match médiocre de Cana, les appuis dans le ciment sur le slalom de Torres. L’Albanais a passé son temps à allumer des chandelles comme dans du très mauvais Bernard Laporte. Aujourd’hui Ziani passera devant le conseil de discipline : Et pourquoi tu n’es pas à ton niveau sochalien petit branleur ? Aujourd’hui on se rendra compte que Cissé effectue toujours le même appel contre appel sur la droite depuis la CFA d’Auxerre, la vitesse en moins. Aujourd’hui, Gerets expliquera qu’à deux zéro, il lui restait comme seules options un Nasri blessé, un Cissé neurasthénique ou un Salim Arrache content de prendre Gerrard en photo avec son portable.
En seconde période, les Anglais en fourbe auront laissé le ballon 60% du temps à leur victime. Comme pour dire : Bon les mecs montrez-nous toutes vos lacunes, montrez-nous à quel point les clubs français ne savent pas prendre le jeu à leur compte, à quel point ils n’arrivent pas à se rebeller, à oublier leur petit catéchisme de centre de formation.
Hier soir, il ne manquait pas seulement aux Olympiens du ballon et du physique, il leur manquait un minimum de folie, ce grain qui déplace un match sur le terrain de l’irrationnel. Si les matchs européens restent une science exacte, le football français est mal barré. A Lyon de rendre ce raisonnement totalement fumeux, et pas seulement en sortant les Rangers.
Alexandre Pedro
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