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Neven Subotic, l’Américain

Par Charles Alf Lafon
Neven Subotic, l’Américain

Pas sélectionné pour disputer les prochains matchs éliminatoires de la Serbie, la carrière internationale du défenseur du Borussia Dortmund est probablement terminée, si l'on en croit les déclarations du sélectionneur Dick Advocaat. Une situation qui n'est pas sans rappeler son passé chez l'Oncle Sam.

À bientôt 26 ans (il les aura le 10 décembre), Neven Subotić en a vraisemblablement terminé avec la sélection. Un manque apparent de patriotisme qui a un tout petit peu énervé Dick Advocaat, en charge de la Serbie depuis juillet. « Mon échange de mails et de SMS avec Subotić ne laisse aucun doute sur le fait qu’il n’aime pas jouer pour l’équipe nationale, a expliqué le Hollandais à Reuters. Je pense que c’est mieux de garder les joueurs avec une telle attitude loin de l’équipe afin de les empêcher de perturber la bonne atmosphère que nous avons. » La définition même de l’hôpital qui se fout de la charité, quand on se souvient qu’en 2010, le gros Dick a démissionné de son poste à la tête de la Belgique, pour reprendre la Russie un mois plus tard.

Quoi qu’il en soit, Subotić serait donc un traître. Un postulat renforcé par le fait qu’il a déjà tourné le dos à une sélection nationale. En l’occurrence, les États-Unis. Rembobinons. Subotić est né en 1988 dans la ville de Banja Luka, à l’époque en Yougoslavie, aujourd’hui en Bosnie-Herzégovine. Deux ans plus tard, son père, Zeljko, part travailler en Allemagne. En 1994, alors que la guerre a déjà éclaté, il le rejoint, avec sa mère et sa sœur. Mais Zeljko perd son permis de travail en 1999, et deux choix s’offrent à eux : retourner en Bosnie ou partir. Étant donné que leur pays d’origine se remet à peine, ils choisissent de s’envoler pour le pays des possibilités, les États-Unis.

Goal, naissance d’un prodige

Dans un premier temps établis à Salt Lake City, les Subotić déménagent à Bradenton pour que leur fille, Natalija, puissent continuer sa carrière de tenniswoman en devenir. C’est là que la vie de Neven bascule. Un jour, il va au parc pour jouer au foot et voit une équipe. Il demande alors aux deux coachs s’il peut s’entraîner avec eux. Ils répondent que leurs joueurs ont deux ou trois ans de plus que lui. Neven ne se démonte pas, rétorque qu’il a déjà joué avec eux par le passé, et finit par participer à l’entraînement. Grande idée. Il s’avère que les coachs en question sont John Hackworth et Keith Fulk, tous deux assistants du sélectionneur des U17 américains. Ils décident d’emmener leur trouvaille dans leurs bagages et, après avoir obtenu un passeport américain, Subotić dispute la Coupe du monde U17 au Pérou avec la Team USA. « Il n’y a aucun doute sur le fait que si je n’avais pas été à ce parc ce jour-là, les choses auraient pu tourner différemment. Mais peut-être pas. Peut-être que j’habiterais toujours aux États-Unis et je travaillerais au McDonald’s. Personne ne sait vraiment. C’était le destin d’une certaine manière » a-t-il ainsi expliqué dans Deutsche Welle. Dans la foulée, il signe à Mayence à l’été 2006 et s’aguerrit pendant une saison avec la réserve.

Pas vraiment du goût de Thomas Rongen, alors en charge des U20 américains. « Il n’a pas suffisamment progressé là-bas, pas suffisamment pour qu’il appartienne, selon nous, à l’équipe » déclare-t-il à l’époque. « Il n’est pour l’instant pas avec nous, et nous avons besoin d’avancer et de regarder les joueurs qui peuvent faire le job. » Un véritable camouflet pour le pauvre Neven : « Rongen a certainement dit des choses décourageantes et fausses à mon sujet, concède-t-il à ESPN. Quelques mois après avoir dit que je n’étais pas assez bon pour les U20, j’ai disputé une très bonne saison et j’ai commencé à recevoir des appels de plusieurs pays pour les équipes nationales. » En effet, entre-temps, Subotić est devenu titulaire dans l’axe à Mayence, meilleure défense de 2. Bundesliga, sous les ordres d’un certain Jürgen Klopp. Qui l’emmène avec lui à Dortmund. Pour la sélection, Subotić a l’embarras du choix : Serbie, Bosnie-Herzégovine, et même Allemagne, sur un malentendu administratif. Mais certainement pas les États-Unis. « Jamais dans ma vie, je n’ai vu un coach critiquer publiquement un joueur. Je ne sais toujours pas ce qu’il a vu dans les autres joueurs, et qu’il n’a pas vu en moi. »

Avant le McDo, la ferme

Subotić aimait pourtant passionnément son pays d’adoption. « On pouvait venir en Amérique ou retourner en Bosnie, et en Bosnie j’aurais probablement été fermier à l’heure actuelle. L’Amérique était comme une seconde chance de faire quelque chose de nous-mêmes » pose-t-il à l’époque. Et sur le site de la Fédération US, le jeune Neven va plus loin : « Je suis un Américain. Si vous portez l’écusson une fois, vous n’allez pas en porter un autre. Cela serait comme poignarder dans le dos, je dirais. Je suis un Américain jusqu’à la fin. » Mais Neven ne sera plus jamais américain. « Quand je suis allé le voir à Dortmund, il m’a dit : « Coach, quelque chose est arrivé et on m’a manqué de respect » » a expliqué Keith Fulk dans Sports Illustrated. Je pense que Neven n’a jamais oublié cela. C’était le gros point. Il était loyal, donc il aurait joué pour les États-Unis. » Il a fini par choisir la Serbie. Où on ne lui a jamais vraiment fait confiance, barré par Vidić et Luković, puis Biševac et Nastasić. Alors il ne sera sans doute plus jamais Serbe non plus. Mais ce n’est pas un traître, il a simplement été trahi par des traîtres. Comme toujours.

Par Charles Alf Lafon

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