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Moses Simon, le guide des Canaris

Par Jérémie Baron
5 minutes
Moses Simon, le guide des Canaris

Il est meilleur passeur de Ligue 1 et forme un cerbère diabolique avec Ludovic Blas et Randal Kolo Muani : Moses Simon est le symbole d'un FC Nantes qui revit en ce mois de septembre. À 26 ans, le Nigérian est en train d'atteindre en Ligue 1 la reconnaissance qu'il mérite.

On aimerait parfois être dans la tête des joueurs de Ligue 1, que l’on voit à l’œuvre chaque week-end, lorsqu’ils foulent les rectangles verts de l’Hexagone. On aimerait, par exemple, savoir ce que ressent un latéral droit lambda de notre championnat, lorsqu’il voit débouler, pour la seizième fois d’une rencontre, une boule de nerfs d’un mètre 68, avec des cuisseaux de rugbyman, la puissance au démarrage et les coups de rein qui l’accompagnent, comme si le bougre repartait à chaque fois de plus belle pour achever son vis-à-vis. Ronaël Pierre-Gabriel, Léo Dubois ou Fabien Centonze, pour ne citer qu’eux, en ont fait l’expérience depuis août : Moses Simon n’est pas l’attaquant au registre footballistique le plus développé du circuit, n’a pas la heatmap la plus clinquante au coup de sifflet final, mais à le voir dévaler les lignes de touche dans son couloir gauche cette saison, on se dit qu’il est difficile d’y trouver une parade. Et l’on se demande ce qui a coincé dans le parcours du Super Eagle (une trentaine de capes) pour qu’il en soit encore rendu à jouer le maintien en Ligue 1 à 26 ans.

Pilon et Amsterdam

Antoine Kombouaré a trouvé l’analogie qui lui sied le mieux : « Avec lui, tu le mets sur un côté et tu as une fusée. » D’ailleurs, à chaque composition d’équipe depuis son intronisation en février, le Kanak couche systématique trois noms : ceux d’Alban Lafont, de Ludovic Blas et de Moses Simon. Preuve de l’endurance qu’a acquise ce dernier, mais aussi de la dimension qu’il a rapidement prise au club, depuis son arrivée à l’intersaison 2019 (il sera même élu meilleur joueur nantais de l’exercice 2019-2020, pour son premier à la Beaujoire). Si le jeu nantais penche souvent à gauche, le latéral Charles Traoré n’y est pas pour grand-chose. Et si les Canaris ont connu une grosse panne la saison passée, c’est aussi parce que leur dynamiteur en chef avait tout d’un coup du mal à allumer les mèches. « Il a du tempérament et on espère qu’il va continuer à « pilonner » ce côté gauche tout en étant efficace, pose Kombouaré, qui en a fait son tireur de coups de pied arrêtés. C’est le plus important. Les derniers mois, on le sentait costaud, et la grosse différence se fait à ce niveau-là, dans l’efficacité. » Cela se traduit, depuis la reprise, par un rythme de près d’une offrande par match (cinq en sept rencontres et presque une sixième mercredi) et surtout un rôle clé dans quasiment tous les pions inscrits par les Jaune et Vert en 2021-2022.

Une image, deux flops

Parmi tous les joueurs provenant du large réseau belge de Mogi Bayat, il faut bien que Nantes fasse quelques bonnes pioches de temps en temps, au milieu des cargaisons de flops régulièrement importés d’outre-Quiévrain (Yassine El Ghanassy, Anthony Limbombe, Kara Mbodj, Kalifa Coulibaly, Renaud Emond, Denis Appiah, Cristian Benavente…). Simon, lui, n’arrivait pas directement de Belgique, mais son parcours ne faisait pas rêver pour autant : sa première expérience dans un championnat majeur, à Levante – après une transaction à cinq millions – avait tourné court (2018-2019) avec une saison anonyme bouclée à un but et une passe décisive en 23 apparitions toutes compétitions confondues, pour ce qui ressemble à une erreur de casting dans le 3-5-2 de Paco López. « Soit le coach le mettait latéral gauche ou droit dans une défense à cinq, soit Moses était remplaçant », racontera même son coéquipier de l’époque Cheick Doukouré, pour 20 Minutes.

Phénomène à Gent, erreur de casting à Levante

De toute façon, la trajectoire de la bombe formée comme Ahmed Musa à la GBS Academy de Kaduna – malgré la réticence de son père pour le ballon rond – n’a pas toujours ressemblé à quelque chose de linéaire. Le 13 juillet 2013, un jeune Simon de dix-huit ans était à l’essai sous le maillot de l’Ajax – aux côtés de Kolbeinn Sigthorsson et Daley Blind notamment – et marquait même trois minutes après son entrée en jeu, lors d’un amical face à De Graafschap (3-0), après avoir tapé dans l’œil des Lanciers à l’occasion du tournoi de Toulon. Des histoires de gros sous auront raison de son aventure amstellodamoise, mais c’est ainsi que la porte de l’Europe s’est ouverte : l’itinéraire du natif de Jos (toujours comme Musa, mais aussi John Obi Mikel) est finalement passé par Trenčín, ville slovaque frontalière de la Tchéquie, avec une saison 2014-2015 de costaud (19 matchs, 6 pions, 7 assists) et le titre de champion (le premier du club) glané avant d’être acheté par La Gantoise pour moins d’un million, en janvier 2015.

Au pays de la Jupiler, l’ailier est devenu international, s’est construit une réputation de machine à perforer les défenses (7 réalisations et 4 passes en 20 matchs pour sa première demi-saison belge, par exemple), a fait tourner les têtes (« En 25 ans à Gand, je n’ai jamais vu un joueur avec un tel potentiel », disait le directeur général Michel Louwagie) et a noirci son CV d’un championnat et d’une Supercoupe (2015). L’occasion, aussi, de participer aux parcours européens des Buffalos, huitième-de-finalistes de la Ligue des champions contre Wolfsburg (2016) et de la Ligue Europa avec le scalp de Tottenham (2017). « Quand La Gantoise a éliminé Tottenham, les grands clubs européens, anglais et allemands se sont affolés sur Simon, racontait un proche pour 20 Minutes. Mais la direction de La Gantoise a fixé son prix à 20 millions d’euros ! Personne ne les a mis, et Moses a pris un coup au moral… Derrière, il a aussi chopé un virus en Afrique et a été mal fichu pendant cinq ou six mois. » Après un dernier exercice en demi-teinte et une Coupe du monde en Russie manquée pour une blessure à la cuisse, il y eut donc ce contretemps en Liga avant le redécollage sur les bords de Loire. Côtoyé à Gent, Thomas Foket parlait de Simon comme d’« un phénomène ». Il aura l’occasion de s’y frotter de nouveau, ce dimanche à Auguste-Delaune.

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