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Mario Coluna, le capitaine s’en va

par William Pereira
Mario Coluna, le capitaine s’en va

Affecté par la mort de son ami et fils spirituel Eusébio il y a plus d'un mois, Mário Coluna s'est éteint à 78 ans. Il a succombé à un arrêt cardiaque à Maputo (Mozambique). Il laisse derrière lui une famille, un grand palmarès et un titre. Celui de capitaine des capitaines.

Ce n’est plus une page que l’on tourne, mais un livre qui se ferme. Moins de deux mois après le décès d’Eusébio, Mário Coluna a rendu l’âme à l’âge de 78 ans. « O Monstro Sagrado » (le monstre sacré) n’a pas résisté à un arrêt cardiaque faisant suite à une grave infection pulmonaire. Comme son ami, il est mort chez lui. Mais là où la Panthère Noire était avant tout un enfant du Portugal, le capitaine emblématique de Benfica et de la Selecção se voulait mozambicain. C’est là-bas qu’il est né, mais aussi là-bas qu’il a voulu retourner après des débuts laborieux à Benfica, barré par José Aguas à la pointe de l’attaque, poste auquel il évoluait depuis ses premiers pas dans le foot à 15 ans. Avant cet âge, le Monstre Sacré ne rêvait pas de terrains verts, de Wembley ou de Coupe des clubs champions. Bien sûr, il aimait caresser le ballon pieds nus sur la terre battue de son quartier du Nord de Lourenço Marques (devenu Maputo), il était même très bon à ça. Mais le seul endroit où il se voyait vieillir était un garage. Mécanicien automobile, voilà ce qu’il voulait être avant de comprendre qu’il avait un don pour le sport, et pas seulement le football. Sosie d’Apollo Creed, Mário Coluna a poussé le mimétisme jusqu’au bout en embrassant une éphémère carrière de boxeur amateur entre 15 et 16 ans. Dans le même temps, il attire l’attention sur les terrains accidentés de Lourenço Marques, où il plante banderille sur banderille. Le football commence à prendre le pas sur le reste, mais o Monstro Sagrado fait un petit détour par le saut en hauteur qu’il quitte rapidement avec le record national en poche. Bref, Coluna est un athlète et un footballeur complet. Trop complet pour rester seul en pointe.

Une finale de C1 avec le pied en miettes

C’est du moins ce pensait le légendaire entraîneur Otto Gloria. Arrivé à Benfica la même année que Coluna (1954), le Brésilien a décidé de repositionner son jeune prodige au milieu de terrain. Gloria est persuadé que ses qualités physiques seraient plus utiles dans l’entrejeu que devant, où le Monstre Sacré ne pouvait exploiter tout son potentiel. Il voit doublement juste. Mário Coluna court partout, râtisse, relance et débloque même des situations grâce à une frappe lourde ainsi qu’une vision de jeu rare. Mais au-delà de son apport purement tactique au jeu benfiquista, le repositionnement de Coluna permet à ce dernier de mûrir et prendre ses aises, jusqu’à devenir le leader incontestable et incontesté du vestiaire. De fait, Otto Gloria a en partie créé la légende du Monstre Sacré, ce capitaine emblématique qui mènera Benfica vers l’Olympe du football européen quelques années plus tard. Avec et sans Eusébio. Mais s’il a engrangé 19 titres (sans compter les trophées obsolètes) tout au long de sa carrière, c’est bien dans la défaite que Coluna a forgé sa réputation. En 1963, alors que les Aigles disputent leur troisième finale de C1 consécutive face au Milan AC à Wembley, Mário Coluna est victime d’un tacle de boucher. Il s’en sort avec une fracture du pied à une époque où les changements ne sont pas encore autorisés. En dépit du bon sens, le capitaine serre les dents et termine la partie sur une jambe. Il gagne ce jour-là le respect de toute la noblesse footballistique. La même qui lui rendra hommage lors de son jubilé benfiquista le 8 décembre 1970.

Le jour où Coluna a adopté Eusébio

« Sur le terrain, j’étais le seul à parler. Les autres devaient se taire, même Eusébio » , était-il fier de dire. Sur le terrain, Mário Coluna jouait le rôle de l’entraîneur. Il replaçait ses coéquipiers, changeait de formation et donnait des ordres comme il le sentait. O Monstro Sagrado aimait son rôle de leader et ne se contentait pas d’endosser ce costume entre les quatre lignes. Mais le plus étonnant, c’est que ses pairs n’ont jamais contesté cette autorité, un peu comme si une aura divine l’enveloppait. Une aura qui un jour a poussé la mère d’Eusébio à lui faire confiance. « Peu après son arrivée à Lisbonne, Eusébio m’a remis une carte dans laquelle sa mère, qui venait de donner son accord pour qu’il quitte Lourenço Marques, me désignait comme responsable de son fils. J’ai donc été le père d’Eusébio jusqu’à sa majorité » , racontait-il encore dans le numéro 113 de So Foot.

Après avoir terminé avec succès l’éducation du meilleur joueur portugais de tous les temps et un petit passage par l’Olympique lyonnais, Mário Coluna retourne chez lui pour mettre ses talents de meneur à disposition de son pays, le Mozambique libre. D’abord député, puis ministre des Sports, c’est finalement… dans le football que le Monstre se reconvertit en ouvrant une académie visant à révéler les talents de ce jeune pays. Ce que le sport lui a donné, Mário Coluna lui a rendu. Un juste retour des choses.

par William Pereira

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