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Marc Pfertzel : « J’adore ce nom : Union »

Propos recueillis par Julien Duez
9 minutes
Marc Pfertzel : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>J&rsquo;adore ce nom : Union<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Entre 2011 et 2014, Marc Pfertzel a défendu les couleurs de l'Union Berlin à 92 reprises, faisant de lui le Français le plus capé de l'histoire des Eisernen. Surtout, il a eu le privilège de disputer le derby de la capitale allemande face au Hertha. Un événement rare puisque ce samedi (18h30), les deux équipes s'affrontent pour la cinquième fois seulement en match officiel. Et pour la première fois dans l'élite.

La dernière fois qu’on t’a vu sur un terrain, c’était il y a deux ans au FC Sète. Qu’est-ce que tu deviens aujourd’hui ?J’ai passé mes diplômes d’entraîneur et commencé à exercer l’année dernière avec la réserve de Sète. Cette saison, je suis passé entraîneur et manager général de l’équipe première du FU Narbonne, qui évolue en R1. On a l’objectif de monter en N3 d’ici deux-trois ans et de stabiliser le club.

Pas de retour aux sources chez toi en Alsace donc.Eh ! J’ai vécu dix ans dans le froid en Allemagne (rires), je suis donc allé chercher la chaleur. C’était mon objectif d’après-carrière de toute façon : m’installer dans le Sud.

Tu es arrivé à l’Union Berlin en 2011, ta deuxième aventure en Allemagne après quatre ans passés à Bochum. Comment tu t’es retrouvé là-bas ?

Sincèrement, on était mieux armés que certains clubs de Ligue 1. Ensuite, j’ai visité la ville et j’ai accroché tout de suite.

Honnêtement, je n’étais pas chaud de jouer en D2. Monsieur, qui avait l’expérience de la Bundesliga et de la Serie A, pensait qu’il avait encore le niveau pour accrocher un club de première division, en Allemagne ou en Italie. Et puis je me suis rappelé que j’avais 30 ans et que je sortais d’une saison galère à Kavala, en Grèce (il a rompu son contrat au bout de quatre mois, N.D.L.R.) où, même si je jouais souvent, ce n’était pas le même niveau, la même intensité. Alors j’ai rencontré les dirigeants et vu les infrastructures… sincèrement on était mieux armés que certains clubs de Ligue 1. Ensuite, j’ai visité la ville et j’ai accroché tout de suite.

C’est comment Berlin par rapport à la Ruhr ?Bien, mais attention, je me sentais très bien aussi à Bochum ! J’adorais la mentalité des gens là-bas, c’est très carré. On n’est pas là pour te vendre du rêve, quand on te dit A, c’est A, et B, c’est B. Les gens sont très travailleurs et sincères, même s’ils peuvent paraître froids au départ. C’est un pays qui m’allait très bien. Et au niveau sportif, avec le recul, je pense même que la D2 allemande est plus difficile à jouer que la Bundesliga ou la Serie A : plus de physique, plus d’engagement.

Au cours de tes années à Köpenick, tu as eu la chance de vivre le derby face au Hertha, ce qui est assez rare pour être souligné, puisque les deux équipes ne se sont affrontées que quatre fois en championnat avant de se retrouver ce week-end.

Quand je suis revenu à l’Union, au moment de sortir sur le terrain pour m’échauffer avec les remplaçants, les supporters ont commencé à siffler, une vraie bronca. Et quand ils m’ont vu, ça s’est arrêté net.

Ce match, c’est plus qu’un derby normal. La rivalité est toujours présente, parce que ce sont deux clubs au profil très différent. L’Union, c’est le club du peuple, avec moins de moyens qu’au Hertha. D’ailleurs j’apprécie énormément ce nom : Union. En tant que joueur, tu la ressens vraiment. J’ai passé trois ans là-bas et peu importe le résultat, on ne s’est jamais fait siffler. L’amour du public pour son équipe est total. D’ailleurs, ils ont une expression qui dit : einmal Unioner, immer Unioner. Ce qui veut dire qu’à partir du moment où tu portes ne serait-ce qu’une seule fois le maillot du club, tu es gravé en lui à jamais. Un exemple pour t’expliquer : après mes trois saisons à Berlin, j’ai signé pour une pige à Sandhausen, toujours en D2. Quand je suis revenu à l’Union, au moment de sortir sur le terrain pour m’échauffer avec les remplaçants, les supporters ont commencé à siffler, une vraie bronca. Et quand ils m’ont vu, ça s’est arrêté net. Mieux encore : quand je suis passé devant le kop, ils m’ont carrément applaudi. J’avais les frissons, je n’avais jamais vu ça auparavant.

Malheureusement, ton seul derby à domicile s’est soldé par une défaite (1-2), à cause d’un coup franc direct de Ronny à un quart d’heure du terme.(Silence) Si tu veux comprendre où j’avais mis les pieds, dis-toi qu’après le match, on a fait le tour du terrain, et le public, au-delà de la déception, nous a applaudis comme si on avait gagné. Parce que ce qu’ils veulent, c’est que tu représentes leurs couleurs et que tu ne triches pas. À partir du moment où tu mouilles le maillot, on ne te fera jamais aucun reproche, un peu comme à Marseille.


Au match retour, ça s’est un peu mieux passé puisque vous faites match nul (2-2) au Stade olympique.Je m’en rappelle bien et j’ai toujours les boules parce que j’étais malade ce jour-là et j’ai dû suivre le match depuis le banc de touche. Mais quel spectacle dans les tribunes ! Il y avait 20 000 supporters de l’Union, on n’entendait qu’eux. Et c’était comme ça à chaque match. Je garde le souvenir d’un déplacement au Dynamo Dresde où on gagne 0-4, c’était le même genre de frisson.

Et comment la définirais-tu, cette rivalité entre Hertha et Union ?

J’ai vécu des matchs Lazio-Livourne, ça c’est de la vraie haine ! Avec le centre-ville barricadé avant la rencontre, les vitrines des magasins protégées parce que ça pétait…

Même si le Mur est tombé, tu sens toujours que c’est l’Ouest qui joue contre l’Est. Et nous, on était ceux qui venaient de l’Est. Sans aller jusqu’à nous traiter de puants, c’est vrai qu’à l’Ouest, ils ont le sentiment d’être plus à la mode, plus chic, plus classe… Cette différence se ressent toujours aujourd’hui, même dans la façon de parler ou de penser. Ce n’est pas un problème, ça fait partie de l’histoire. Dans trois ou quatre générations, on ne le sentira peut-être plus autant. Ce qui est sûr, c’est que ce n’est pas de la haine. J’ai vécu des matchs Lazio-Livourne, ça c’est de la vraie haine ! Avec le centre-ville barricadé avant la rencontre, les vitrines des magasins protégées parce que ça pétait… À Berlin, il n’y avait pas de violence. C’est du folklore et ça ne dépasse pas la limite. C’est ça que j’apprécie.

Pendant tes années berlinoises, tu as eu l’occasion de croiser LA légende du club : Torsten Mattuschka. Un homme qui, deux ans auparavant, avait offert le derby à l’Union sur la pelouse du Hertha. Quel souvenir il t’a laissé ?C’était un très bon garçon, très plaisantin. Un mec qui ne se prend pas du tout au sérieux et avec un physique hors norme.

Dans quel sens ? Parce que de son propre aveu, c’est le genre de type qui prend deux kilos juste en passant devant un Macdo.C’est ça, il avait un physique de joueur de pétanque. En revanche, quelle qualité de passe incroyable et quelle dangerosité sur les coups francs aussi ! Un vrai bon joueur.


Au bout de dix ans, l’Union Berlin a fini par monter en Bundesliga cet été, avec un effectif beaucoup plus international qu’à l’époque. On dirait que le club revient de loin.C’est sûr, mais c’est logique : ils se sont donné les moyens pour. L’année où je suis arrivé, le stade n’avait pas encore sa nouvelle tribune principale, on se douchait dans les Algecos, il n’y avait pas encore de saunas ou ce genre de truc. Mais j’ai pu vivre cette transformation de l’intérieur et ça a été une preuve de plus de l’investissement du public dans son club. Aujourd’hui, tous les feux sont au vert pour qu’ils se stabilisent en Bundesliga et rivalisent avec le Hertha.

Finalement ce derby, c’est le match le plus marquant que tu as joué dans ta carrière ?

Le match le plus marquant que j’ai vécu, et même que j’ai joué probablement, c’était mon premier match de Serie A avec Livourne. À San Siro, contre l’AC Milan de Kaká, Maldini, Cafu et Shevchenko.

(Sans hésiter) Non. Le match le plus marquant que j’ai vécu, et même que j’ai joué probablement, c’était mon premier match de Serie A avec Livourne. À San Siro, contre l’AC Milan de Kaká, Maldini, Cafu et Shevchenko. Dans les tribunes, 20 000 supporters livournais qui ont fait le déplacement parce qu’ils sont anti-Berlusconi et 80 000 tifosi qui font tellement de bruit que tu n’entends pas ton coéquipier qui est à un mètre. Dans l’après-midi, impossible de faire la sieste parce que de ton lit, tu vois ce stade mythique avec ses airs de navette spatiale. À la fin, on fait un match de folie qui se termine sur un 2-2. Sur tous les plans, j’ai encore des frissons quand j’y repense aujourd’hui. À l’Union, c’était différent. Tu ne peux pas comparer un stade de 20 000 places avec un autre de 80 000. Mais c’était fort quand même.

Après avoir commencé ta carrière en pro à Livourne, on peut dire que tu as un truc avec les clubs dits populaires.C’est vrai que les deux se ressemblent un peu dans leur mentalité d’équipe du peuple. Là-bas, ce n’est pas le foot-business qui domine, c’était du vrai foot. Et je me retrouve bien dans cette identité d’équipe du peuple. Mais sans rentrer sur le terrain de la politique, ça je m’en fous, ce n’est pas mon dada. En revanche, le concept de Fédération, j’adore et j’adhère totalement. C’est d’ailleurs quelque chose que j’essaie d’insuffler aujourd’hui à Narbonne. Parce que le foot, c’est avant tout une aventure humaine que l’on vit tous ensemble. L’idée, c’est qu’on atteint nos objectifs si chacun y met du sien. Si tu penses être le meilleur, c’est que tu as tout faux. Sauf si tu es Messi ou Ronaldo. Mais pour l’instant, il n’y en a que deux dans le monde.

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Propos recueillis par Julien Duez

Photos : Iconsport et DR.

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