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Manolo Portanova : l’Italie a un effroyable talent
Condamné en décembre dernier à 6 ans de prison ferme par le tribunal de Sienne, Manolo Portanova est en attente d’une énième audience pour contester cette décision. Alors qu'il est toujours sous contrat avec le Genoa, son destin est désormais entre les mains de la justice. Sa carrière de footballeur continue pourtant de s'écrire en pointillé.
« Qu’est-ce que vous voulez que je vous dise, je suis innocent, c’est tout. » Le visage fatigué, le regard dans le flou, Manolo Portanova se présente devant une dizaine de journalistes à la sortie du tribunal de Sienne. Le milieu de 23 ans vient d’être condamné à six ans de prison ferme pour « viol en réunion et violence non légitime » dans une affaire qui remonte au printemps 2021. Rappel des faits : dans la nuit du 30 au 31 mai, Portanova se rend à une soirée dans un appartement du centre-ville de Sienne, en Toscane. Accompagné par son petit frère, un ami et son oncle, il(s) aurai(en)t emmené une jeune étudiante de 21 ans dans une chambre de ce logement et l’aurai(en)t forcé à se déshabiller pour avoir des rapports sexuels, en « utilisant de la violence pour parvenir à leur fin ».
Affaire non conclue
Pour cette deuxième audience au tribunal de Sienne en décembre dernier – soit près d’un an et demi après les faits -, Ilaria Cornetti, la magistrate en charge de l’affaire, revient sur cette sombre soirée printanière : « La jeune femme aurait été giflée à de nombreuses reprises, subissant plusieurs lésions physiques et psychiques. Celle-ci se serait plainte, suppliant ses présumés agresseurs d’arrêter, appelant sa copine présente à la soirée, demandant de l’eau, mais sans réponse. » Elle précise par ailleurs que la victime « a manifesté à plusieurs reprises son non-consentement » et « qu’elle aurait alors été frappée et forcée, se transformant en automate qui faisait ensuite ce qu’on lui demandait de faire ». Un viol en réunion qui aurait pris fin après que les cris de supplice de la jeune étudiante ont alerté plusieurs personnes à cette soirée, dont un homme qui serait rentré dans la chambre et aurait demandé à la bande de se stopper. Après de longues heures d’audience, le tribunal de Sienne condamnait donc Manolo Portanova (ainsi que son oncle Alessio Langella) à six ans de prison pour viol en réunion et blessures intentionnelles. Le cas de « l’ami » Alessandro Cappiello sera évalué dans les prochaines semaines, tandis que pour le petit frère Portanova (mineur au moment des faits) qui aurait filmé la scène, le dossier a été transmis au tribunal pour mineurs de Florence.
« À la fin de cette audience, elle s’est immédiatement mise à pleurer et m’a dit qu’elle était heureuse que la justice ait cru en elle », témoigne l’avocat, Jacopo Meini. « Elle a voulu remercier infiniment toute l’équipe qui a travaillé pour elle et qui a souffert avec elle. Je suis très heureux, car la difficulté de ce type de procès réside dans la rapidité avec laquelle les enquêtes doivent être menées », a avancé l’avocat de la plaignante, avant de conclure : « Le procureur et la police ont été très rapides pour saisir les téléphones et entendre les témoins à deux reprises. » Présente durant cette audience pour soutenir cette jeune femme en tant que partie civile, Claudia Bini, l’avocate de l’association Donna chiama donna qui lutte contre les violences faites aux femmes, s’est aussi félicitée de cette sanction : « J’espère que les accusés chériront cette condamnation et qu’elle sera pour eux une occasion de grandir personnellement en utilisant la notoriété qu’ils ont pour diffuser un message qui n’est pas toxique, mais en faveur du respect des personnes. » Une décision immédiatement contestée par le clan Portanova, « toujours présumé innocent », comme aime le préciser son avocat Gabriele Bordoni qui avait par ailleurs proposé en septembre une indemnisation à la victime présumée, mais que celle-ci a refusé.
« Il n’a plus rien à faire sur un terrain de foot »
Quelques heures après la décision du tribunal de Sienne, le Genoa communique : « La condamnation de Manolo Portanova est un cas unique dans le monde du football italien, il n’y a pas de précédent, et nous étudions comment nous comporter, en partant toujours du principe que, jusqu’au jugement final, la présomption d’innocence s’applique. » Officiellement, donc, Portanova est toujours un joueur du Grifone (sous contrat jusqu’en 2024), s’entraîne même régulièrement avec le groupe professionnel, mais reste éloigné des pelouses de Serie B le week-end (depuis le mois de décembre, il n’a jamais été convoqué pour un match).
Tifosi del Bari in rivolta contro il possibile acquisto dal Genoa di Manolo Portanova, condannato a sei anni per stupro. Stessa pena a Verona per cinque ex giocatori della Virtus, riconosciuti colpevoli di violenza sessuale di gruppo su una ragazza di 19 anni pic.twitter.com/taQOWl68Lk
— Tg3 (@Tg3web) January 31, 2023
Présumé innocent donc selon son avocat, mais par pour tout le monde. Au mercato hivernal, Portanova est annoncé du côté de Bari. Réponse cinglante des tifosi : « Nous ne sommes pas un centre de réinsertion. » Pour les supporters de la Vieille Étoile du Sud, la possible venue de l’ancien Bianconero (4 matchs avec la Juve) est inconcevable. « Quand on a appris la nouvelle, on s’est dit qu’il fallait tout faire pour l’en empêcher. On a fait des banderoles, discuté avec certains dirigeants pour leur dire qu’ils commettraient l’irréparable en le signant », explique Alessio, tifoso des Galletti et abonné au San Nicola depuis 2004. Son opinion est radicale sur le cas Portanova : « Il a été condamné en première instance pour viol en réunion. Ok, il existe la présomption d’innocence, et l’enquête est toujours en cours, mais on parle d’un potentiel violeur. Il y a des jeunes filles qui viennent au stade, on ne voulait pas les voir scander son nom. Ce type n’a plus rien à faire sur un terrain de football. Je trouve ça dingue qu’il soit toujours sous contrat avec son club. » À 23 ans, Manolo Portanova doit encore attendre quelques semaines (la troisième audience devrait avoir lieu au mois de septembre) pour savoir si la suite de sa vie sera sur un terrain ou derrière des barreaux.
Une ligue contre le justiciable ?
En mars dernier, l’international espoir italien (qui ne participe évidemment pas à l’Euro en cours) – accompagné de son père et de son avocat – organise une conférence de presse dans laquelle il clame de vive voix son innocence. « Je pense que mon silence a duré trop longtemps. Je souffre de voir ce qui se dit à mon sujet. Il y a encore quelques mois, je n’avais qu’un seul rêve, vêtir le maillot du Genoa et faire honneur à mon père (son paternel est un ancien joueur professionnel, Daniele Portanova, qui a joué au Genoa, NDLR). Mais là, je dois renoncer à mon rêve d’enfance », expliquera le présumé coupable, avant que son paternel en rajoute une couche : « Avant d’être jugé par un tribunal, mon fils a été jugé par les médias. C’est pour cela que nous avons organisé cette conférence, car Manolo souffre de cet acharnement. Si je me présente face à vous, c’est que je suis persuadé que mon fils n’est pas un violeur. Si mon fils avait fait une chose pareille, je n’aurais pas eu besoin de la justice, je m’en serais moi-même chargé. »
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Une conférence de presse jugée « irrespectueuse pour la victime » par l’avocat de la défense. « Cette réponse médiatique de Portanova a provoqué une véritable douleur chez ma cliente, et ils tentent d’affirmer que le viol n’a pas existé et que les juges se trompent. La présomption d’innocence ne justifie pas un déversement continuel de boue », avancera Jacopo Meini. Coupable ou pas, pour Claudia Bini, cette affaire met en exergue un véritable problème dans la Botte. « Il existe malheureusement encore énormément de faux mythes en Italie, et c’est bien triste, que les femmes mentent, que la parole ne suffit pas et qu’il faut des preuves. Que les femmes l’ont aussi bien cherché, indirectement. Il faut lutter contre ces idées erronées et dangereuses. » Pour rappel, nous sommes en 2023.
Par Tristan Pubert
Propos de Claudia et d'Alessio recueillis par TP.