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Mais c’est quoi, la ferveur turque ?

Par Florian Lefèvre, à Istanbul
Mais c’est quoi, la ferveur turque ?

À Istanbul, les ambiances sont réputées pour être extraordinaires. Concrètement, qu’est-ce qui caractérise la culture tribune en Turquie ? On est allé au derby Galatasaray-Fenerbahçe, et on a interrogé des joueurs pour mettre des mots sur la ferveur turque.

Il était 13h59 jeudi dernier à Istanbul, quand la terre a tremblé. Le séisme de magnitude 5,7 sur l’échelle de Richter, qui s’est déclenché à une soixantaine de kilomètres au sud de la mégapole turque, s’est fait sentir quelques dizaines de secondes. Bilan : huit blessés selon les autorités et des dégâts matériels, dont la pointe d’un minaret qui s’est effondrée. À l’instar de Tokyo ou San Francisco, Istanbul est une zone sismique à risque majeur. Les séismes de faible magnitude, imperceptibles pour la population, se produisent constamment. Pour sentir des secousses ce samedi soir, il fallait se diriger au Nord-Ouest sur la rive européenne vers la Türk Telekom Arena : soit l’épicentre du derby entre Galatasaray et Fenerbahçe, où 52 000 personnes ont vibré.

Tout le stade debout, de la première à la dernière minute

Arrivés au stade sous escorte policière trois heures avant le début du match, les 2 500 fans du Fenerbahçe ont été les premiers à entrer dans l’enceinte. Puis, les supporters de Galatasaray quasiment tous habillés en jaune orangé et rouge bordeaux ont garni le chaudron du champion de Turquie. Et lorsque retentit la chanson Gerçekleri Tarih Yazar, à dix minutes du coup d’envoi, les écharpes en satin tournent au-dessus des têtes, les voix portent et les frissons parcourent l’échine.

Sur le terrain, le match est fade (0-0). En tribune, tout le stade est debout de la première à la dernière minute. Les sifflets sont assourdissants à l’encontre d’Emre – le capitaine du Fener, qui a vécu une jeunesse dorée à Gala – quand il frappe les corners, peut-être encore plus lorsque Mario Lemina s’écroule dans la surface et que l’arbitre n’indique pas le point de penalty. Pour autant, il aura manqué des buts, ou au moins un vrai élan offensif de leur équipe pour que les supporters de Galatasaray prennent totalement feu. Finalement, dans ce derby d’Istanbul, les chants les plus impressionnants ont raisonné juste avant le match.

« Ils ne vont pas à un spectacle, ils font le spectacle ! »

Pour mettre des mots sur la ferveur turque, le mieux est encore de donner la parole à ceux qui la vivent de l’intérieur depuis plusieurs années. « Ici, quand les gens partent au stade, ils ne vont pas assister à un spectacle, ils font partie du spectacle ! Ils savent qu’ils peuvent influencer l’arbitre, déstabiliser l’adversaire… En fait, ils viennent jouer avec toi » , assure Ricardo Faty, qui entame sa cinquième saison en Türkiye Süper Lig.

Qui sont les plus grands supporters stambouliotes ? Arrivé en Turquie en 2016, Adrien Regattin – qui a goûté dans un autre genre à la ferveur corse – avance une hypothèse. « La première année, Beşiktaş, c’était une ambiance de fous ! Je pensais qu’ils étaient au-dessus. Mais les deux dernières saisons, c’était plus impressionnant à Galatasaray parce qu’ils ont gagné le titre. En fait, tout dépend de la saison qu’ils font… » « S’il y a des mauvais résultats, 30% de supporters vont rester à la maison, reprend l’ancien Toulousain. Ils sont tellement amoureux de leur club qu’ils ne supportent pas de le voir perdre. »

« Le nid de guêpes »

Après avoir gravi les divisions locales, le Franco-Turc Fatih Öztürk, 32 ans, joue aujourd’hui pour Kasımpaşa, l’un des cinq clubs d’Istanbul en D1 (avec Gala, Fener, Beşiktaş et İstanbul Başakşehir). « Être dans un nid de guêpes, c’est perturbant, avoue le gardien. Et pour ça, les plus impressionnants sont les supporters du Beşiktas. Il peut y avoir 100 000 personnes, tant que tu t’entends, il n’y a pas de problème. Mais s’ils ne sont que 50 000, et que tu n’entends pas ton coéquipier… »

Vidéo

Ainsi, le 11 mai 2013, le match de championnat Beşiktaş-Gençlerbirliği est entré dans le Guinness World Records pour son acoustique phénoménale : 141 décibels ! Dix de plus que ceux ressentis à quelques mètres d’un réacteur d’avion (1). D’autant plus impressionnant que le record a été établi dans le stade İnönü (32 000 places), l’ancienne forteresse des Aigles noirs partiellement à ciel ouvert.

Bouchons d’oreilles et vertiges

Pour jouer en Turquie, mieux vaut donc maîtriser le langage des signes. Mais pour certaines oreilles, cette ambiance électrisante peut franchir les limites du supportable. Il y a deux ans, lors d’un match de Ligue des champions Beşiktaş-RB Leipzig, Timo Werner a été pris de vertige et a dû quitter le terrain dès la 32e minute de jeu malgré des bouchons d’oreilles. « Le bruit, c’est un brouhaha continuel » , remet Ricardo Faty, qui a vécu un « moment incroyable » le jour où il a inauguré le Vodafone Park de Beşiktaş avec Bursaspor en 2016. « Ce ne sont pas des vuvuzelas, des sifflets ou des trompettes, ce sont des vrais sifflets avec les doigts. Pour moi, cela donne encore plus de puissance. Et ça, c’est propre à la Turquie. » La ferveur turque, c’est avant tout une expertise en sifflement.

Par Florian Lefèvre, à Istanbul

tous propos recueillis par FL

(1) L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a fixé le seuil de niveau sonore dangereux à 85 dB pendant huit heures consécutives ou plus de 100 dB pendant quinze minutes.

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