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Luzenac : le droit peut-il vaincre le foot ?

Par Nicolas Kssis-Martov
Luzenac : le droit peut-il vaincre le foot ?

Vous aviez oublié Luzenac, ce miraculeux club de l'Ariège catapulté chez les pros avant d'être assassiné par la DNCG puis la LFP ? Voila qu'une décision de justice vient de ressusciter ce cadavre exquis. Du moins dans le droit, et malheureusement uniquement sur le papier. Parce qu'aujourd'hui en République, cela fait belle lurette que les seigneurs du ballon rond ne se soucient plus guère de se plier aux injonctions de Marianne.

Donc, alors que cette brave Ligue continue son habile stratégie de déstabilisation des ultras avec son combat opportuniste contre l’homophobie, voilà que Luzenac revient hanter sa mauvaise conscience. On avait presque oublié l’épisode, qui avait pourtant mobilisé, y compris les politiques à la veille de la Coupe du monde au Brésil en 2014. Dans un foot où l’histoire défile de plus en plus vite, l’actualité se fane rapidement. Sauf que la justice suit son cours, certes au ralenti, mais inéluctable. Un parcours de première instance en appel puis en cassation qui ignore les impératifs et les cycles du sport, fut-il professionnel, fut-il le premier dans le cœur des Français.

Bref, notre charmant village de moins de 700 habitants au pied des Pyrénées, qui se rêvait donc en Hoffenheim tricolore, est en effet officiellement rétabli dans ses droits, c’est-à-dire de pensionnaire légitime, puisque résultant de ses performances sur le rectangle vert, de notre Ligue 2. Pour faire court et jacter dans le patois des tribunaux, la deuxième chambre administrative de la cour administrative d’appel de Bordeaux a retoqué, près de deux ans plus tard, la décision du tribunal administratif de Toulouse, qui pour sa part, trois ans après, avait validé le refus en août 2014 de la LFP de laisser les potes de Fabien Barthez, enfant du pays, venir s’installer à la table des hautes instances du foot pro français. Si vous avez suivi, accrochez-vous, le feuilleton n’est pas fini, à la sauce série policière de France 3. La LFP s’est évidemment pourvue auprès du Conseil d’État, dont le moins que l’on puisse se souvenir reste que ses attendus profitent rarement aux moins puissants. Rien de tout cela ne doit amuser les big boss, le foot pro déteste plus que tout que qui ce soit, même au nom de la justice, se permette de se mêler de ses affaires de famille.

Gilets jaunes du foot avant l’heure ?

Toutefois, du coup, Jérôme Ducros, président de la SASP de Luzenac, ne cache pas sa joie et surtout son sentiment de revanche quasiment social face à ces gros messieurs qui le toisaient de leur mépris de classe, et du haut de leur loge VIP. Prédécesseur bien involontaire de Jean Lassalle ou des Gilets jaunes, voilà qu’il peut afficher désormais de nouvelles prétentions : « Il va falloir discuter. Parce qu’à terme, la Ligue doit nous réintégrer en Ligue 2. » Il s’agit, on le devine, d’abord d’une posture. D’un point de vue purement légal, il a gagné, comme un salarié réintégré dans son entreprise ou un supporter qui a vu son interdiction de stade cassée au tribunal. Le réel se révèle moins équitable. D’abord en presque cinq ans, Luzenac, qui évolue désormais en Régional 1 (D6), a perdu toute capacité économique et sportive pour tenir son rang, sans peur du ridicule, à un tel niveau. Enfin en allant jusqu’au bout de la logique, qui faudrait-il dégager de L2 ? Sous quels motifs ou critères ? Et quid du championnat entamé et de son classement ? Une injustice en chasserait d’autres. Jérôme Ducros peut faire le matador sans risque, en laissant pour le coup les autres endosser un inévitable mauvais rôle. On sait par ailleurs, il ne s’en est pas caché, que son entêtement était surtout motivé par l’espoir d’un dédommagement, après tout légitime, et sera peut-être la touche finale de cette triste comédie.

Le foot au révélateur des tribunaux

Néanmoins, il n’en reste pas moins que cet épisode sert de terrible révélateur sur l’évolution du foot et sur ce qu’il est devenu au fil du temps. Luzenac a permis en particulier à nombre de bonnes âmes de comprendre que la DNCG ne servait pas qu’à éviter les faillites et garantir la pérennité de nos glorieux FC ou AS. Elle protégeait ou promouvait un modèle qui finalement ferme les portes de l’élite à tout un foot, toute une France, au nom de nécessités très spécifiques, sans tenir compte d’aucune autre considération qu’économique, ni le patrimoine (demandez au Red Star et ses exils à Beauvais) ni le rôle social n’y occupent le moindre rôle. Un paradoxe amusant quand on voit les mêmes grands clubs français pleurer devant une possible réforme de la C1 qui les excluraient quasiment tous de fait, sauf un PSG hors-sol, les renvoyant à un statut de Luzenac européen. On est toujours puni par là ou l’on a péché.

Enfin, surtout, voilà la démonstration parfaite du statut si atypique que s’est construit le foot pro, à l’abri des foudres de la République et de ses valeurs, et qui se préoccupe plus de ses droits télé que du droit public. Que ferait la LFP si, par hasard, le Conseil d’État confirmait la sentence qui vient de tomber ? Qui aura le dernier mot ? Le pouvoir régalien ou le foot roi ?

Par Nicolas Kssis-Martov

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