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Luis García, la fin de l’Espagne qui perd

Par Swann Borsellino, avec Robin Delorme
5 minutes
Luis García, la fin de l’Espagne qui perd

Il part comme il est arrivé : par la petite porte, mais avec classe. Après 17 ans de courses folles, de buts de génie, d’échecs, de pouce dans la bouche et de but fantôme, Luis García a décidé de raccrocher les crampons. L’occasion de revenir sur le parcours d’un homme qui a réussi l’exploit de faire rêver l’Angleterre tout en laissant l’Espagne indifférente.

A Spanishman in England. Si Sting n’avait pas eu envie de conter la vie de l’écrivain anglais Quentin Crisp, fraîchement arrivé à New-York en provenance de Londres, il aurait pu s’attarder sur le cas de Luis Javier Garcia Sanz. Un nom qui en jette pour un homme comme on en voit peu et qui incarne mieux que quiconque le proverbe « Nul n’est prophète en son pays » . Ancien pensionnaire de la sacro-sainte Masia, ce Catalan pur souche a dû quitter la terre mère pour exister. Oui, celui qui est devenu international espagnol a le cœur rouge, mais rouge Reds, pas rouge Roja. En trois années passées à Liverpool, de 2004-2007, Luis García est devenu ce qu’il n’aurait jamais pu être en Espagne : un mythe vivant. « En Espagne, il a été grand, mais en Angleterre, c’est une légende » titrait très justement Marca après que le bonhomme de 35 ans, alors à l’Universidad Nacional, au Mexique, a annoncé qu’il mettait un terme à sa carrière. « Luis García, he drinks sangria, he came from Barça to bring us joy / he’s five-foot seven, he’s football heaven / So please, don’t take our Luis away » , chantaient les supporters des Reds dans les travées d’Anfield. Finalement, le Senor Garcia s’en est allé. Mais il laisse derrière lui un paquet d’anecdotes, de jolis buts et une histoire qui est celle de l’Espagne que l’on ne connaît plus aujourd’hui : celle qui ne gagne pas.

Luis le Vampire vs Luis le fantôme

Il y avait donc un Luis de génie avant Suárez sur les rives de la Mersey. Et parce que toutes les belles histoires ne commencent pas forcément bien, c’est en se voyant refuser un but tout à fait valable face à Bolton à l’occasion de son premier match que Luis García a rencontré les supporters de Liverpool. Lors de ce premier rencard, l’Espagnol porte le maillot un peu trop grand, péniblement rentré dans le short, le cheveu mi-long, mais pas encore le serre-tête. Le toucher de balle lui, est déjà soyeux. C’est là la force de Luis García et le pourquoi de son entrée dans la légende : quand beaucoup peinent à s’adapter à la Premier League, au changement d’ambiance, d’environnement, le môme de Badalone a de suite pris sa place dans une équipe de Liverpool plus sexy que jamais, même avec Djimi Traoré, Xabi Alonso, Gerrard, Kewell… C’est peu dire qu’on sait s’amuser avec le ballon chez les Reds cette année-là. D’ailleurs, on s’amuse tellement que quelques mois après l’arrivée de l’Espagnol, les hommes de Benítez ramassent la Ligue des champions après une rencontre devenue légendaire. Mais si, de cette C1 2004-2005, beaucoup retiennent Smicer, Gerrard, Benítez ou même Finnan, ils sont autant à manquer de respect à Luis García. Un homme qui a torturé le Bayer Leverkusen en huitièmes de finale. Un crack qui a crucifié Gianluigi Buffon aux trente mètres en quarts. Un taré qui peut se targuer d’avoir planté ce fameux « but fantôme » ou « but tout droit venu de la Lune » pour José Mourinho, lors de la demi-finale tendue face à Chelsea. En somme, le parcours de Luis García, c’est une jolie frise chronologique sur laquelle l’Espagnol a pris soin de mettre les buts splendides en rouge, les moments inoubliables en bleu et les coups durs en vert. Sa mine face à Charlton, son coup de tête à l’entrée de la surface face à Anderlecht, sa praline face à Chelsea en FA Cup, son match d’Anglais teigneux face à Everton, sa blessure face à Arsenal. Tout un tas d’événement qui ont construit Garcia l’homme et le joueur et qui l’ont mené jusqu’à la Coupe du monde 2006 avec l’Espagne.

Le loser maison

C’est donc via un petit communiqué publié discrètement en pleine ébullition autour du Ballon d’or que Luis García a déclaré « qu’il était temps de mettre fin à un chapitre important de sa vie et de passer à la page suivante » . Autant dire que la nouvelle est passée un peu inaperçue dans un pays où Cristiano fait couler l’encre et la salive. Son pays. Celui qui devait mettre Zidane à la retraite, mais qui a quitté le Mondial 2006 en huitièmes de finale. Celui qui ne cesse de gagner depuis que la génération lose de Luis García, Joaquín ou Albelda a laissé la place à la jeunesse. C’est en cela que l’ancien de Liverpool est un paradoxe vivant. Il est un gagnant aux pieds magiques au nord de l’Europe et un perdant magnifique plus au sud. Il est un frais retraité regretté dans son pays d’adoption où il n’a passé que trois ans, et un néo-inactif parmi tant d’autres dans son pays natal où lui, le natif de Badalone, commune de la périphérie barcelonaise, a réalisé le rêve de tout petit gars de Catalogne : revêtir la tunique blaugrana. Entre 1997 et 2003 – là encore, pas la meilleure période pour le Mes que – Luis García vagabonde de prêt en prêt, entre Barcelone et ailleurs. Finalement, ce n’est qu’un an avant son départ de Liverpool qu’il prend son pied en Espagne. Pour la seule et unique fois. Nous sommes en 2003, les jeunes Iniesta et Valdés rejoignent l’effectif pro dirigé par Frank Rijkaard, Ronaldinho et Quaresma viennent d’arriver et vont côtoyer Marc Overmars et Michael Reiziger. Cette année-là, le Barça termine deuxième de Liga derrière le grand Valence et Luis García plante huit buts. Un vague souvenir dans la tête des supporters barcelonais, gâtés pourris depuis. Gageons pour Luis García que, comme Quentin Crisp, il deviendra une icône après la publication tardive de ses mémoires. De toute façon, il ne marchera jamais seul, Luis.

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