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  • Ma vie de joueur pro
  • Épisode 8

Loïc Puyo : « La plus belle expérience de ma vie »

Par Loïc Puyo, avec Jérémie Baron
9 minutes
Loïc Puyo : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>La plus belle expérience de ma vie<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Passé par la Ligue 1, la Ligue 2 et le National, installé jusqu'à cet été au Macarthur FC en Australie, le milieu de terrain Loïc Puyo (32 ans) prend la plume, depuis un an, afin de raconter pour So Foot son quotidien de joueur. Pour ce huitième volet, il signe une dernière carte postale au pays des kangourous avant de refermer son chapitre océanien.

Lorsque début juillet 2020, ma compagne Diane m’a poussé à accepter l’offre du Macarthur FC, je ne pensais pas qu’un an plus tard, je serais dans l’avion pour revenir en France avec autant de fierté et de bonheur en moi. De la fierté, déjà, car dans le contexte de la Covid-19, il n’était pas facile de se projeter dans une aventure de vie d’une telle ampleur. Je savais ce que je quittais, mais je ne savais évidemment pas ce que j’allais trouver. Je partais à l’autre bout de la planète, alors même qu’elle avait presque arrêté de tourner, vers un univers totalement inconnu. Le fait d’avoir pu partager cette aventure à deux restera ma plus grande fierté. Et je ne la remercierai jamais assez d’avoir sacrifié autant de choses pour m’accompagner et me soutenir. J’ai énormément appris en tant que joueur de foot, mais surtout en tant qu’homme.

J’ai découvert des méthodes d’entraînement, de management, de vie de vestiaire. Le coach (Ante Milićic) préparait des séances vidéo avant chaque entraînement pour annoncer ce sur quoi on allait travailler pendant la séance. Notre analyste vidéo, Kate, était impressionnante. Je n’avais jamais vu une telle précision dans le travail. Cette utilisation de la vidéo se faisait également avant chaque rencontre : c’est par ce biais que nous apprenions les compositions officielles, même si bien sûr il y avait des tendances. Tout était nouveau. J’ai adoré l’ambiance dans l’équipe, je n’ai jamais ressenti d’animosité, de jalousie, de concurrence malsaine. Les plus jeunes ont toujours eu un profond respect pour les anciens, et l’inverse était vrai. Les jeunes devaient nettoyer le vestiaire après chaque entraînement, porter les valises à chaque déplacement, nettoyer le minibus, passer en dernier ou très très tôt le matin pour les soins. Ce sont des détails, mais ils se sont perdus depuis bien longtemps en France.

Sur un malentendu…

Ma saison en A-League peut se résumer en une succession de changements de statuts et d’opportunités imprévues. Cela s’est vérifié dès la quatrième journée. Je sortais alors d’un bon premier match dans un derby de Sydney et de 60 minutes plus qu’anonymes face à Central Coast sanctionnées par une non-entrée en jeu la semaine suivante contre Wellington. Je sentais la hiérarchie s’établir, et ma place de titulaire semblait fragile. Mais lors de cette précédente rencontre, notre défenseur central Aleksandar Jovanović était sorti à la suite d’une commotion cérébrale. Je pensais que ce n’était pas grand-chose, mais tous les tests de mémoire qu’il a eu à passer la semaine suivante n’ont pas levé tous les doutes. Je me suis donc retrouvé, la veille du match, dans le onze titulaire, alors que je n’étais pas censé débuter. Résultat ? Victoire 2-1 à l’extérieur avec un premier but et une première passe décisive à mon compteur ! J’ai été élu homme du match, mon but a été désigné le plus beau du week-end et a même été nommé dans les plus remarquables de la saison. Je me suis retrouvé dans l’équipe type de la semaine en Australie !

Les clubs attendent le mercato, changent quasiment toute l’équipe et repartent sur un nouveau cycle. Les équipes ne construisent pas du tout sur le passé.

Peu importent les résultats, l’état d’esprit dans l’équipe est toujours resté le même : tous soudés, tous ensemble et dans la bonne humeur. Peut-être est-ce le lot des ligues fermées, et donc sans réelle pression du résultat. C’était la première fois que je commençais une saison avec l’absence de menace de relégation. Et j’ai senti, chez les joueurs ayant évolué en Europe, que ce format ne leur plaisait pas forcément. Ça s’est ressenti sur la fin du championnat. Les équipes qui avaient fait des résultats médiocres avaient lâché. Alors parfois, elles jouaient libérées et battaient des bonnes équipes, mais la plupart du temps, ça se terminait par de cuisantes défaites avec une motivation toute relative de la part de certains joueurs. En gros, j’ai l’impression que les clubs attendent le mercato, changent quasiment toute l’équipe et repartent sur un nouveau cycle. Les équipes ne construisent pas du tout sur le passé. Hormis le Sydney FC qui ne bouge quasiment pas et truste tous les ans l’une des deux premières places du classement…

J’ai bien sûr eu des déceptions, des frustrations, mais ça n’a jamais duré bien longtemps. Exemple lorsque le coach ne m’a pas pris dans le groupe pour un match à Adélaïde, et ce, sans aucune explication. En France, j’aurais ruminé toute la journée, j’aurais été désagréable. Pourtant ce jour-là, j’ai connu l’une de mes plus belles journées : je me suis levé à 5 heures du matin pour assister à la qualification du PSG face au Bayern, puis Diane est venue me chercher, je suis allé à l’eau à pied avec ma planche sous le bras et me suis retrouvé à vingt mètres d’un grand banc de dauphins. C’était magique. On a ensuite pris notre petit déjeuner face à l’océan, et je suis retourné surfer au milieu des dauphins en fin de matinée. À la suite de ça, je me suis posé et me suis rendu compte de la chance que j’avais. Cela a d’ailleurs failli me jouer des tours, lors du match retour contre Newcastle.

Banana bread, baleines et melting pot

L’équipe avait été vite dévoilée, et je n’étais pas dedans. Je n’étais même pas concerné par les rotations. Cette semaine-là, il y avait une manche du championnat du monde de surf au nord de Sydney, à une heure de mon domicile de Bondi Beach. Et le matin du match, voyant que les conditions étaient optimales, j’ai proposé à ma compagne d’aller assister à la compétition. Elle a été surprise, car je ne bouge normalement jamais le jour du match : je reste concentré. Nous sommes partis de la maison à 6h30 avec du banana bread en guise de petit déjeuner. On a passé tout la matinée sur la plage à regarder les surfeurs. J’avais rendez-vous à 16h pour un match à 18h. Il fallait donc que je rentre vers 13h à la maison pour manger et repartir, car il me restait encore une heure de route pour arriver au stade. Juste avant la causerie, mon coéquipier Liam Rose me demande si je pense être titulaire. Je ne comprends pas pourquoi il me dit ça, mais ça n’a pas loupé : lors de la présentation, je vois mon nom avec les titulaires ! J’ai eu un coup de chaud. Levé à 6 heures du mat’, deux heures de voiture pour aller voir du surf, une heure pour venir au stade et je commence titulaire ! À l’arrivée, je marque mon deuxième but de la saison et réalise l’une de mes meilleures prestations.

© Macarthur FC

J’ai toujours surfé lors de mes vacances en France, sur la côte landaise. Mais ici, c’est une culture encore différente. Le surf est une religion, un état d’esprit. Il existe des centaines de spots rien qu’autour de Sydney. Des l’âge de 5 ans et jusqu’à 70 ans, on voit tout le monde à l’eau. Le nombre de pratiquants est impressionnant. Le surf a ses codes, ses « règles » , imposés par les locaux. C’était assez marrant de se frotter à ça. J’ai pas mal progressé, mais pas encore assez à mon goût ! Malgré certaines frustrations, au foot, j’ai vécu des moments de vie inoubliables. Et c’est exactement ce que j’étais venu chercher. Le foot, mais pas que.

Grâce à cette saison en Australie, j’ai pu découvrir des endroits uniques, survoler la barrière de corail, marcher sur la plage avec le sable le plus blanc au monde, ressentir l’atmosphère magique de Byron Bay – le paradis des surfeurs hippies -, traverser un camping pour aller surfer et croiser des dizaines de kangourous en pleine nature, apercevoir des baleines à seulement une centaine de mètres de notre plage de Bondi Beach, nager au milieu des dauphins, dîner dans l’opéra de Sydney… Et puis j’ai eu la chance de faire des rencontres assez uniques. Mes coéquipiers, déjà. Des joueurs et des hommes aux expériences diverses, qui ont connu des Coupes du monde, des centaines de match au compteur en Liga ou en Premier League, des carrières en Corée du Sud, en Inde, en Malaisie, en Russie… Un melting pot incroyable qui permet d’apprendre et de découvrir.

De Gaston-Petit à Sydney

La communauté française à Sydney étant assez énorme, nous avons pu créer des amitiés extra-foot. Et pour Diane, c’était important qu’elle puisse se sentir entourée. Je me voyais mal la laisser seule pendant trois jours pour un match à l’extérieur sachant que tous les déplacements étaient longs et pas en jet privé. Mais de par sa notoriété, elle a fait la connaissance de plein de copines qui l’ont idéalement entourée. Et moi, personnellement, j’ai rencontré deux fans de foot français, qui travaillent depuis une petite dizaine d’années en Australie et m’ont contacté à mon arrivée pour me proposer leur aide : un supporter de Châteauroux, Arthur, et un fan de Strasbourg, Jérémy. J’ai rarement vu des mecs aussi calés en foot. Ils connaissaient tout de la A-League, ce qui m’a bien aidé au départ pour avoir des infos sur le fonctionnement. Ils sont venus assister à tous mes matchs à domicile. Avec Jérémy et sa compagne Manon, on a créé une amitié vraiment très forte. Ils ont été là pour Diane à chaque instant.

Jérémy m’a énormément soutenu pendant mes moments de doute, notamment quand je me suis retrouvé sur le banc et que je ne parvenais pas à inverser la tendance dans l’esprit du coach, et m’a permis de ne pas trop me prendre la tête. Il m’a expliqué qu’ici ça fonctionnait comme ça, qu’il n’y avait pas toujours de logique dans les choix, mais que ça allait finir par tourner. Même si j’avais le soutien de mon entourage en France, le fait d’avoir quelqu’un sur place m’a beaucoup aidé. On a parlé des heures et des heures de foot, de politique, de l’Australie, de la manière dont ils étaient arrivés, si la France leur manquait, etc. Cela a aussi participé à mon bien-être et à mon épanouissement : j’ai réussi à trouver l’équilibre parfait entre le foot et la vie en dehors. Arrivé en fin de contrat, je suis donc rentré avec les valises pleines de souvenirs, de joies et de moments inoubliables. Je ne sais pas ce que l’avenir me réserve, mais je suis persuadé d’avoir fait le meilleur choix de ma carrière et d’avoir vécu la plus belle expérience de ma vie.

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Par Loïc Puyo, avec Jérémie Baron

Photos : Macarthur FC

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