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L’Italie de tous les paradoxes

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L’Italie de tous les paradoxes

A ne plus rien y entraver. En dix mois, à la louche de juillet l'an dernier au printemps 2007, les footballeurs italiens ont raflé les deux trophées les plus prestigieux de la planète football. La Squadra Azzurra a brodé une quatrième étoile sur le paletot de la Nazionale et un Milan AC à forte coloration autochtone (sept titulaires issus de la péninsule) s'est rapproché des Merengue du Real en s'accaparant une septième coupe aux grandes oneilles. Rien de moins ? Rien que ça ! Et pourtant le Calcio connaît une crise de confiance sans précédent, comme le confesse Marco Giampaolo, le coach de Cagliari. L'Italie gagne encore mais tous les clignotants sont au rouge.

On ne compte plus, ces dernières années, les dérives des tifosi avec en point d’orgue l’ahurissante intifada sicilienne de Catane le 2 février dernier mettant aux prises sept cents (!) raggazzini aux flics locaux qui aboutira à la mort de Filippo Raciti. Au lendemain du drame, toute la Botte se promettait une profonde remise en cause avec comme mesure symbole un ajournement de trois semaines du Campionato. Ma che niente. Trois jours après le décès de l’inspecteur-chef catanais, au lendemain même de son enterrement, tous les caciques de la Federcalcio et de la Lega s’entendaient pour faire reprendre la messe du dimanche après-midi dès la fin de la semaine. Leur manière à eux de célébrer le deuil probablement. Le gouvernement de Berlusconi, en fin de règne, capitulait et parvenait juste à faire appliquer en partie le décret Pisanu, histoire de ne pas irriter le tifosi-électeur. Résultat : quelques matchs à huis clos et l’équipe de Catane obligée d’errer sur le territoire dans des stades vides jusqu’à la fin de la saison. Le football transalpin a raté là, en ces jours d’hiver indien, une occasion unique de fomenter sa révolution copernicienne. Forcément salvatrice…

Outre le feuilleton des plus turbulents de ses supporters, la faiblesse endémique des structures centrales du pays (Etat, fédération et Ligue) et la série grand public que fut le Moggipoli, le pays quadruple champion du monde (tout de même) connaît surtout un traumatisme moral qui affecte aussi le jeu lui-même et la passion de ceux qui le suivent. Jusqu’alors, au même titre que l’Espagne ou l’Angleterre voire certains pays du Sud européen (Portugal, Turquie, Grèce), tout ce qui concernait la balle ronde relevait presque de la mystique religieuse sous ces latitudes. Avec les affluences qui en découlent. Aujourd’hui, le Campionato se traîne à la…sixième place rayon affluence (en dessous des 20 000 spectateurs de moyenne) du continent derrière la Bundesliga, la Premier League, la Liga et même, ô tristesse, la Ligue 1 et la division one (le deuxième étage anglais). Le signal d’alarme aurait dû être tiré depuis longue lurette mais la maïeutique n’est pas l’option première langue chez les dirigeants transalpins.

Paradoxalement, l’exode de quelques-unes des bonnes pointures de la Botte aura plus fait pour une prise de conscience collective que les diverses crises de cette dernière paire d’années. Rossi (l’ex-espoir de Man’ U de Parme à Villarreal), Abbiati (à l’Atletico), De Sanctis (à Séville), Donati (de l’Atalanta au Celtic), Grosso (à Lyon) et surtout quatre des cinq meilleurs buteurs de la saison qui vient de s’achever : Luca Toni (au Bayern), Christian Rigano (de Messine à Levante), Lucarelli (un des cas les plus étonnants : le canonnier de Livourne qui incarnait le club toscan exilé à Donetsk), Rolando Bianchi (23 ans de la Reggina à Manchester City) sont partis rejoindre les Roma (Monaco), Maresca (Séville), Zambrotta (Barcelone), Cannavaro (Real), Tommasi (Levante) et autres Pistone (Everton) et Cudiccini (Chelsea). Douze italiens évoluent ainsi désormais dans la Liga…
A croire que l’Italie est devenu un pays exportateur. Aujourd’hui, le débat fait rage et inquiète. Certains postes paraissent, par exemple, souffrir d’une pénurie préoccupante. Les défenseurs centraux ne sont plus légion même si le jeune Domenico Criscito semble marcher sur les pas de Franco Baresi. La plupart des charnières centrales des grands clubs sont désormais composées par des étrangers et lorsque Materrazzi pointe aux abonnés absents pour le match contre la France, on pense illico à faire sortir Nesta de sa retraite. Pareil pour les arrières droit : au mondial, Lippi avait « remixé » Zambrotta de ce côté-là de l’échiquier pour faire face à l’indigence. Sans atteindre les sommets anglais, le poste de gardien de but va également devenir source d’anxiété. Derrière Buffon, le néant ou des goals quadragénaires. On exagère à peine…

Au niveau international, certaines statistiques accentuent le désarroi national. De 1989 à 1999 (dernière année de la Coupe des coupes), l’Italie ne fut absente qu’une fois de la finale de la coupe de l’UEFA en 1996 (pour 8 victoires, 6 places de finaliste et 4 finales intégralement vert-blanc-rouge). En Ligue des champions, pour la même période, les Italiens ne rateront que deux finales sur onze possibles (91 et 99) pour quatre victoires et cinq finales. A côté, la Coupe des coupes fait presque figure de parent pauvre avec trois victoires et deux finales. Depuis l999, hormis l’usine à Dorian Gray du Milan AC (trois finales dont deux sacres), c’est la bérézina. La Juve, si brillante dans la péninsule, n’existe presque plus au niveau continental et le nouvel Inter, fort de ses deux derniers titres, semble suivre le même chemin. Mercredi dernier, les Nerazzurri se sont fait proprement hacher menus par le Barcelone des Fab 4 (0/5) lors du trophée Gamper. Une débâcle qui fait suite à leur piteuse élimination du printemps dernier en Ligue des champions contre Valence…

Si le football fut longtemps une affaire de cycles, il obéit aujourd’hui à l’implacable logique des moyens investis. Porto et Liverpool, les outsiders vainqueurs de la “Champions” ces dernières années appartiennent aussi au G14. Aujourd’hui, le pouvoir de l’argent se situe clairement plus de l’autre côté de la Manche et des Pyrénées que derrière le massif alpin. Une preuve ? Les sélections anglaise et espagnole ne gagnent jamais rien et leurs clubs brillent. Par-delà la compétition sans pitié au niveau européen, l’Italie doit également faire face à cette crise morale profonde symbolisée par l’affaire Moggi. La rémission semble néanmoins pour bientôt, comme si le championnat de l’an dernier avec tous ces clubs pénalisés, la Juve en B pour expier et un Inter des plus pimpant comme champion, avait agi comme un aggiornamento nécessaire et vital.

L’exercice qui vient de reprendre depuis deux journées semble promettre des lendemains qui pogotent. Pour la première fois depuis longtemps, ni le Milan, ni la Juventus ne sont les favoris, c’est l’Inter ; une nouvelle génération d’entraîneurs offensifs détient les rênes : Spaletti (Roma), Prandelli (Fiorentina), Monaco (Udinese), Giampaolo (Cagliari) ; La Juve, sans sa triade, sera auscultée sous toutes les coutures ; La Roma (2 victoires en 2 matchs) et la Fiorentina apparaissent déjà comme des outsiders redoutables et le Napoli est de retour, témoin sa victoire fracassante dans le fief de l’Udinese hier soir (5-0)…

Hier, symboliquement, sept mois jour pour jour après le drame de Catane, on rejouait à guichets fermés pour la première fois au San Massimino dans le quartier du Cibali. Le Catania Calcio retrouvait ses terres et les siens. La veuve de l’inspecteur-chef Filippo Raciti a même donné le coup d’envoi. Comme un symbole du renouveau ?

Par Rico Rizzitelli

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