- Euro 2012 – Irlande/Russie
L’Irlande reprend la main
Remise de sa traumatisante élimination face à la France il y a près d'un an, la sélection irlandaise, toujours emmenée par Trapattoni, est ambitieuse avant d'affronter une Russie mal en point.
Il faut s’imaginer l’Irlande en automne : un froid humide, un crachin quasi continu et la nuit qui tombe dès 16 heures, tristesse. En 2009, en pleine crise économique, une calamité de plus s’est abattue sur le peuple vert en cette maudite période de l’année, avec l’échec de la sélection nationale à se qualifier pour la phase finale en Afsud. Un psychodrame qui n’en aurait pas été un si la qualification des Bleus à leurs dépens n’avait pas été entachée d’une faute d’arbitrage flagrante, avec cette fameuse main d’Henry amenant le but décisif de Gallas. Inutile de revenir sur ce fait de jeu qui a depuis été maintes et maintes fois décortiqué, analysé, critiqué. Juste, mettons-nous deux secondes à la place des Irlandais, la frustration a forcément été immense. La colère aussi, avec un mouvement anti-Français très fort les mois qui ont suivi. Mais la grande force de l’Irlande, c’est qu’elle a su sauter la case dépression et est tout de suite parvenue à rebondir, sous l’impulsion de son sélectionneur Giovanni Trapattoni.
Dès le mois de mai, après deux succès probants en amical face à deux mondialistes, le Paraguay (2-1) et l’Algérie (3-0), l’expérimenté Italien se disait confiant quant aux chances de qualification de son équipe pour l’Euro. Pour l’instant, ses joueurs lui donnent raison, puisqu’ils ont décroché deux succès en autant de matchs pour débuter la campagne de qualification. C’était contre l’Arménie et Andorre, ok, mais cela leur offre tout de même la première place et un ascendant psychologique certain sur leurs prochains adversaires et concurrents directs, les Russes, défaits à domicile par la Slovaquie (le 3e larron prétendant à la qualif). La recette magique du Trap’ pour effacer le traumatisme Henry ? Ne rien changer. Garder la même ossature de joueurs, le même système tactique, la même mentalité. Après tout, il a bien raison, avant cet échec des barrages, son équipe avait réussi un honnête parcours de qualification et il eut été dommage et stupide de vouloir tout chambouler sous prétexte qu’une malheureuse mimine avait contrecarré ses plans.
L’Irlande du Trap’ version 2010, c’est donc du gros classique, avec les deux tiers de l’équipe constitués d’incontournables : l’inamovible Shay Given dans les cages, O’Shea, Dunne et Kilbane en défense, Whelan et McGeady au milieu et la doublette Doyle et Keane chargée d’animer l’attaque. Les nouvelles têtes sont rares. Citons notamment l’émergence de Paul Green, de Keith Fahey et de Cillian Sheridan. On l’a vu l’an dernier, les Verts jouent un football d’insulaires, avec beaucoup d’engagement et de cœur, à défaut de génie. Rien d’étonnant quand la grande majorité des joueurs évoluent dans le ventre mou de la Premier League, voire de Championship, dans des clubs aussi glamour que Stoke City, Wolverhampton, Hull, Portsmouth, Preston ou Derby County. Les seuls exotismes viennent d’Europe de l’est, avec l’ex-grand espoir du Celtic, Aiden McGeady, parti cet été doubler son salaire au Spartak Moscou, et un autre joueur formé au Celtic, Cillian Sheridan, étonnamment débarqué au CSKA Sofia.
La volonté de Trapattoni, c’est de pouvoir disposer d’un onze habitué à subir le jeu, et tant pis s’il faut se passer des services d’Andy Reid, le trapu tripoteur de Sunderland. Il veut également un onze habitué à jouer régulièrement, et tant pis s’il faut se passer des services de Darron Gibson, barré par la concurrence à MU. Parmi ses cadres, seuls deux d’entre eux disposent d’un passe-droit : Shay Given et Robbie Keane. Le premier doit faire face à l’émergence de Joe Hart à City, le second est englué dans l’effectif pléthorique des Spurs. Mais ces deux-là sont trop importants pour Trapattoni, qui est devenu, depuis l’arrêt d’Otto Rehhagel, le doyen des sélectionneurs européens. A 71 ans, cette campagne de qualification est probablement l’un de ses ultimes défis. L’affaire est jouable, dans une poule B où les deux autres candidats crédibles aux premières places, Russie et Slovaquie, semblent à leur portée. A vérifier avec les matchs de vendredi (Russie) puis de mardi (Slovaquie).
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