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Dans le Grand Est, la chasse aux insultes est ouverte

Par Alexandre Plumey
6 minutes

Les clubs de la Ligue du Grand Est de football ont reçu un mail provenant de leur commission de discipline régionale, le 24 août dernier, qui les a d’abord surpris puis fait sourire. Le courrier classait 74 insultes en quatre catégories et autant de sanctions financières et disciplinaires. Sauf que ce barème n’aurait pas dû être communiqué. 

Dans le Grand Est, la chasse aux insultes est ouverte

« Et sac à merde, c’est une insulte ? », questionnait Bernard Campan, alors aux prises avec un huissier de justice dans Les 3 frères, film sorti en 1995. Eh bien pour la Ligue du Grand Est de football, la réponse est visiblement oui, étant donné que « gros sac » est considéré comme un « propos blessant ». Tout comme « grosse merde » est classé comme « injurieux » dans le barème récemment transmis aux clubs. Et le prononcer sur un terrain revient à devoir s’acquitter d’une amende de 0 à 51 euros, en plus de purger de 3 à 12 matchs de suspension. À noter que c’était 500 francs, selon l’huissier de justice dans l’œuvre du 7e art, soit 76 euros. Comme quoi, tout n’a pas augmenté avec l’inflation.

Heureusement que le mail était daté du 24 août, sinon j’aurais crû à un poisson d’avril.

Un dirigeant

Plus sérieusement, pour cette rentrée sportive 2025, la LGEF vient d’envoyer un mail à tous les clubs des 9 districts qu’elle régit leur présentant « un lexique non exhaustif des propos qui sont considérés comme inappropriés sur un terrain », sous la forme d’un tableau où figure également un barème financier et disciplinaire pour chaque propos. « Heureusement que le mail était daté du 24 août, sinon j’aurais crû à un poisson d’avril », rigole un dirigeant, souhaitant rester anonyme parce que « bon, on ne sait jamais avec les arbitres. Nous, on joue la montée. » Ne jamais insulter l’avenir, certes. Ni l’arbitre d’ailleurs. C’est tout l’enjeu du courrier, de prime abord pédagogique, signé par le président de la commission de discipline régionale, Éric Mode.

Le prix des mots

Une missive a priori pédagogique, mais qui à la lecture « peut donner le sentiment de ‘‘mettre à prix’’ l’insulte envers l’arbitre ou son adversaire », juge Éric Borghini, ancien président de la Commission fédérale des arbitres de la FFF et toujours président de la Ligue Méditerranée (1)« On peut imaginer qu’un joueur qui a un peu d’argent de côté se dise : « Bon, ben pour 75 euros, je vais lui faire un doigt d’honneur ou lui dire que c’est un… après je vous laisse mettre le terme que vous voulez. » 75 euros et de 3 matchs à 6 mois de suspension, c’est en effet le barème présenté pour un majeur tendu vers l’arbitre.

Sur ce tableau, on peut y trouver 74 insultes réparties en quatre catégories : propos blessants – propos grossiers/injurieux – propos obscènes – propos discriminatoires. Libre à chacun ensuite de se faire une idée de cette classification et de la sévérité des sanctions en corrélation avec la vulgarité du propos. Elles vont de zéro à 150 euros d’amende et de 2 matchs à 7 mois de suspension. « Mais ce qui me gêne en envoyant ce lexique aux principaux intéressés, c’est qu’il est, de fait, non exhaustif, reprend Borghini, avocat pénaliste de formation. Et il ne faut pas douter de l’imagination des acteurs du jeu. Pendant un temps, un entraîneur, ici (dans sa Ligue), répétait toujours au même arbitre qu’il ne s’était pas amélioré depuis la dernière fois. Autrement dit, qu’il restait nul. Ce n’était pas une insulte directe, mais c’était tout de même offensant pour lui. »

1800 matchs de suspension cumulés l’an dernier

Sans banaliser l’insulte, un acteur du jeu plutôt virevoltant balle au pied de Régional 1 du Nord-Est fait lui aussi part de son scepticisme. « Ils mélangent tout. Ils n’ont jamais joué au foot pour penser ça. Ce n’est pas parce que je dis “Putain” ou “Nique ta race” quand je me fais choper par-derrière que je le pense vraiment. Très souvent, on se croise au club-house en après-match et c’est fini. » Tout en précisant, qu’il « ne parle pas de la dernière colonne (les propos discriminatoires). Là, c’est chaud. Mais le reste… Ça va quoi. Laissez-nous jouer. On n’est plus en primaire. » De l’aveu même d’un arbitre : « Si on doit faire la guerre à chaque insulte, les matchs vont durer 4 heures, rigole-t-il jaune. D’autant que dans notre appréciation, évidemment qu’il y a aussi une gradation qui dépend du scénario du match. » 

Les insultes et menaces proviennent toujours dans un contexte d’énervement, rarement gratuitement. Donc, un joueur énervé ne pensera pas au barème.

Un arbitre

Même son de cloche chez un collègue plus expérimenté, habitué à siffler dans des divisions supérieures : « Les insultes et menaces proviennent toujours dans un contexte d’énervement, rarement gratuitement. Donc, un joueur énervé ne pensera pas au barème, aux 50 euros d’amende sur le moment et il continuera. » Car il faut reconnaître que les incivilités sont de plus en plus nombreuses sur les rectangles verts et les hommes en noir restent principalement visés. Il suffit de passer un dimanche derrière la rambarde pour s’en rendre compte. Sans forcément faire office de bons ou de mauvais élèves à l’échelle nationale, les joueurs officiant au niveau Ligue, de Reims à Colmar, ont cumulé 1 800 matchs de suspension après leur passage en commission de discipline la saison dernière. 293 joueurs et 61 entraîneurs ou dirigeants ont été exclus pour propos blessants, grossiers ou injurieux en un an.

Durcissement des règles dans la Ligue régionale

L’envoi de ce tableau avait-il vocation à les calmer à l’aube de cette nouvelle saison ? « Non, c’est une initiative malencontreuse de la commission de discipline, regrette le président de Ligue du Grand Est de football, Yann Leroy. Ce document est une base de travail interne pour les commissions afin d’avoir une certaine uniformité au sein de notre grand territoire. En aucun cas, il n’aurait dû être communiqué aux clubs. Je le déplore. » L’expéditeur voulait se faire mousser en pensant bien faire… sauf que finalement, il s’est pris un savon. « Je vais tout vous dire, quand j’ai appris ça, j’ai été assez énervé. Ils n’ont pas mesuré que cet envoi avait plus de chances d’être détourné, plus pris à la légère qu’au sérieux. » Et le fléau, lui, est sérieux.

Face à ça, la LGEF est l’une des premières ligues nationales à suivre une préconisation de la FFF datant de cet été concernant le durcissement des règles du carton blanc, sanction destinée à calmer un joueur trop véhément et le sortir 10 minutes (2). « Un carton blanc est désormais assimilé à un carton jaune, détaille le président Leroy. Il peut donc se cumuler avec un autre jaune. Autrement dit, un joueur peut passer en commission pour un jaune et un blanc dans le même match. En pro, il prendrait deux jaunes puis un rouge. Là, c’est pareil. » Le message est passé. Et comme avec un arbitre, rien ne sert de contester.

Bleus : l’Amérique se mérite

Par Alexandre Plumey

Tous propos recueillis par AP.

(1) Son successeur, Jean-Claude Puyalt, n’a pas répondu à nos sollicitations.
(2) Dédié aux auteurs de contestations d’une décision arbitrale. Le joueur exclu ne peut être remplacé sur la période. Son équipe joue donc temporairement en infériorité numérique.

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