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Lille sans trésor
Interdit de recrutement mi-décembre par la DNCG, le LOSC se déplace ce samedi en Coupe de France au Mans, un club qui avait payé cher ses ambitions démesurées dans les années 2000, pour atterrir aujourd'hui en National 2. Un destin en forme d'avertissement pour les Dogues, qui, s'ils sont encore loin d’être tombés aussi bas, auraient remis leur futur entre les mains de fonds d'investissement. Un pari périlleux.
S’il y a bien une chose que Gérard Lopez avait promis au moment de prendre la présidence du LOSC, c’est de l’argent. Beaucoup d’argent. Pour être précis : « Une enveloppe d’investissement comprise entre 140 et 160 millions d’euros » à en croire des informations rapportées par des proches du nouveau grand manitou du LOSC, dévoilées par la presse luxembourgeoise début juillet. En théorie, un joli pactole, qui se révèle beaucoup plus mince que prévu quand la DNCG décide de réexaminer les comptes du club à la mi-décembre. Pour lui asséner dans la foulée une interdiction stricte de recrutement. De quoi se demander si les sommes que Lopez a injecté dans le LOSC ne sont pas susceptibles de se transformer en un vénéneux cadeau empoisonné.
Les doutes de la DNCG
Pour tenter d’y voir plus clair, il faut déjà essayer de décrypter l’attitude de la DNCG dans la gestion du dossier lillois. Mi-juin, la Direction nationale du contrôle de gestion avait tardivement validé le budget du LOSC, après avoir exigé « un certain nombre de garanties… qui permettent d’assurer l’équilibre économique du club » . Des garanties qui, six mois plus tard, semblent s’être finalement révélées bien trop fragiles aux yeux de l’institution. « Plusieurs éléments ont pu inciter la DNCG à revoir son avis sur la solidité du projet lillois » , relève l’économiste du sport Pierre Rondeau. « Déjà, il y a eu le désengagement du Crédit du Nord fin novembre, qui ne veut plus héberger les comptes du LOSC. » Rien de dramatique en soi puisque, comme le précisera un membre de la direction lilloise, cette fermeture de compte n’affecte pas le secteur professionnel du club : « La banque ne souhaite plus gérer le compte de l’association LOSC (ndlr, le support légal du club, dont le rôle principal consiste à gérer le fonctionnement du centre de formation du LOSC),mais la société anonyme (SA, en charge du secteur professionnel), c’est-à-dire le club, conservera le sien dans cet établissement… Par ailleurs, nous n’avons aucune opération de crédit ou d’investissement auprès du Crédit du Nord, puisque le budget de l’association est financé à plus de 95% par le club. »
Reste que le timing laisse songeur, alors que le LOSC, à la dérive en Ligue 1 malgré les 70 millions d’euros injectés lors du mercato estival, inquiète. « Cela indique probablement qu’il y a des doutes sur la solidité financière du projet » , confirme Pierre Rondeau. La dégringolade sportive des Dogues n’a, elle, pu que renforcer les inquiétudes de la DNCG quant au futur des Nordistes : « La DNCG s’intéresse non seulement à la dimension économique, mais aussi sportive. Elle peut autoriser un projet déficitaire, si elle estime qu’il engendrera à terme des résultats sportifs positifs, qui permettront à un club de rembourser ses dettes. Elle a choisi en juin de laisser le bénéfice du doute au projet lillois, qui visait à acheter des joueurs prometteurs pour les revaloriser à la revente. Mais, au vu des résultats récents et après le départ fracassant de Bielsa, elle estime sans doute que le projet sportif du club n’est tout simplement plus pérenne. » Pour définitivement trancher la question lilloise, l’organisme de contrôle a peut-être aussi zieuté sur ce qui se faisait ailleurs en Europe. Et notamment du côté de l’UEFA, qui a été sans indulgence avec l’AC Milan. Les comptes du club lombard sont tout sauf conformes au fair-play financier. Les garanties économiques qu’il présente n’ayant pas du tout satisfait l’UEFA, le Diavolo pourrait être exposé à plusieurs sanctions dans les mois à venir.
Le mauvais exemple milanais
Milan, avec qui le LOSC partagerait la particularité d’avoir eu recours à des fonds d’investissement pour se recapitaliser. Dans le cas du club lillois, trois emprunts obligataires – soit une dette émise sur les marchés financiers – ont été contractés entre janvier et juin. Mais l’identité même des créanciers, qui n’a pas été dévoilée par le LOSC, reste officiellement inconnue. Un mystère finalement partiellement résolu par France Football, qui affirmait fin août que Manchester Securities Corp, une entreprise de courtage new-yorkaise, faisait partie des bienfaiteurs du club lillois. Cette société est affiliée au puissant fonds spéculatif Elliott Management, un fonds vautour réputé pour être impitoyable auprès des organismes qui ne remboursent pas ses clients dans les temps impartis. Ce fonds s’est aussi distingué cet été en prêtant 300 millions d’euros à… l’AC Milan. Problème : la saison des Rossoneri ne devrait pas leur permettre de se qualifier pour la lucrative Ligue des champions, alors qu’Elliott attend d’être intégralement remboursé avec intérêts dès octobre 2018. Un calendrier intenable, qui a même conduit le Diavolo à entamer des négociations avec la banque JP Morgan pour qu’elle rachète sa dette auprès d’Elliott et définisse un nouvel échéancier pour que le club rembourse les sommes empruntées.
Les fonds du débat
Pas de bon augure pour le LOSC, même si on ignore encore le montant des taux d’intérêt et les échéances de remboursement exigés par les créanciers des Dogues. Une zone d’ombre de plus. Et un signe supplémentaire que l’association entre un club de football et un fonds d’investissement semble au mieux hasardeuse, au pire catastrophique : « C’est un couplage qui semble assez aberrant… » poursuit Pierre Rondeau. « On l’a vu avec des fonds comme Colony Capital au PSG, où le projet a rapidement sombré… Les fonds recherchent une gestion lucrative à court terme et c’est presque impossible dans le football. Leur faire confiance, c’est assumer un risque qui semble surdimensionné. » Dans le cas du LOSC, si les résultats ne s’améliorent pas rapidement et que la valeur marchande des joueurs de l’effectif ne remonte pas, les conséquences pourraient être désastreuses : « Si les investisseurs n’y retrouvent pas leur compte, les fonds peuvent simplement se retirer du club et, là, il y a un vrai risque de faillite. » Voire de relégation administrative. Un naufrage auquel les Lillois ne sont cependant pas encore condamnés. Même si, quoi qu’il arrive, les créanciers des Dogues ressemblent désormais autant à un atout qu’à une menace. Qui fait planer une inquiétante épée de Damoclès au-dessus du domaine de Luchin.
Par Adrien Candau
Propos de Pierre Rondeau recueillis par AC.