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Lesage : « J’ai toujours été un joueur d’instinct »

Propos recueillis par Matthieu Pécot
7 minutes
Lesage : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>J’ai toujours été un joueur d’instinct<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Jean-Michel Lesage est de retour dans le business. Caché sous le maillot de l’US Créteil-Lusitanos depuis l’été 2010, le plus beau pied gauche français des années 2000 sort de sa planque avant la réception de Bordeaux, samedi en 16e de finale de la Coupe de France.

Dans les travées du stade Jules-Deschaseaux, il était parfois surnommé « Boum-boum Jean-Mich » en référence au cocktail « spontanéité-puissance » de ses frappes. Mais s’il a su se faire une place pour l’éternité dans le cœur des supporters ciel et marine, Jean-Michel Lesage n’a jamais réussi à étendre sa notoriété au-delà de la Seine-Maritime, la faute à une timidité qui lui a parfois mis des bâtons dans les protège-tibias.
Aujourd’hui âgé de 34 ans, le Cristolien continue de sévir, treize ans après ses débuts chez les pros. Ses débuts, parlons-en. Un doublé contre le PSG pour son premier match en Ligue 1 (3-1), puis un match énorme face à Bordeaux dix jours plus tard (3-0), où sa folle chevauchée ponctuée par une offrande pour Mickaël Debève fait encore chavirer le cœur de ceux qui s’en souviennent. Interview d’un homme né avec un silencieux à la place du pied gauche.

Comment abordes-tu ce match face à Bordeaux ?Ce sera un moment spécial pour nous car on est habitués à jouer devant très peu de monde. Les gens ne se déplacent plus pour venir nous voir à Duvauchelle (Ndlr : il y avait 400 spectateurs le 20 décembre dernier lors du succès 4-0 contre Martigues). Pour Bordeaux, 7000 billets ont déjà été vendus. Pour ce qui est du match en lui-même, je ne l’appréhende pas du tout même si on va affronter une superbe équipe. Si on passe, ce ne sera qu’une surprise de plus dans l’histoire de la Coupe de France. Nos jeunes sont un peu excités, on va faire en sorte que cela ne se transforme pas en n’importe quoi.

Créteil est aujourd’hui dans le ventre mou de National (13e). Est-il à sa place ?Sincèrement, oui. On a raté le bon wagon en perdant des matches importants. A domicile, on a laissé filer pas mal de points.

Ça peut sembler surprenant quand on voit les « noms » que vous alignez : Helder Esteves, Maxime Partouche, Chiguy Lucau…Il faut aussi reconnaître qu’on a eu pas mal de blessés, ce qui fait qu’on n’a jamais vraiment pu mettre la grosse équipe. Il y a donc un peu de malchance. A côté de ça, on se fait plaisir sur le terrain. Notre jeu est basé sur le mouvement, et moi, j’ai pas mal de liberté dans mon positionnement et mes déplacements. Je prends du plaisir.

Ce qui explique que tu as mis 9 buts cette saison et que tu es 4e du classement des buteurs…Oui, on me fait confiance. Il y a eu quelques coups de pied arrêtés et des tentatives de loin. Je tire quand je le sens. Parfois de très très loin, mais j’ai toujours été un joueur d’instinct. Je regarde parfois les vidéos de mes buts sur internet. Il m’arrive de me dire : « Mais comment t’as pensé à faire ce geste-là ? »

Le National est un championnat que tu as découvert il y a un an et demi. Souffres-tu de sa facette « amateur » ?C’est un championnat carrément moins médiatisé que la Ligue 2. Il y a un manque d’ambiance dans les stades. Lors des avant-matches, tout ça me manque. Le fait de voir qu’il y a du monde dans le stade quand tu arrives pour t’échauffer, c’est quelque chose de fort et dont je ne me lassais pas. Ça me permettait de me concentrer. Même à l’extérieur, l’animosité était nécessaire pour me motiver.

Quand tu as commencé ta carrière à Créteil, pensais-tu que tu reviendrais dans le Val-de-Marne pour la finir? Je suis un vrai Cristolien ; ici, c’est chez moi. Mais mon club restera toujours le HAC. Mon désir était de finir là-bas mais ça n’a pas pu se faire. J’ai joué plus de douze ans pour Le Havre mais le président (Jean-Pierre Louvel) et l’entraîneur (Cédric Daury) ont fait le choix de ne pas me prolonger. Je me serais bien vu rester deux ans de plus. J’ai tellement donné pour le club que je pensais que tout allait se faire naturellement…

Comment Louvel et Daury s’y sont-ils pris pour dire au meilleur buteur de l’histoire du HAC d’aller voir ailleurs ?On m’a simplement dit que le contrat n’était pas renouvelé car le club misait sur la jeunesse. Malgré ça, ils ont recruté plusieurs trentenaires. Jérémy Hénin, qui a encore donné plus que moi au HAC, était un peu dégoûté. Moi, je me dis que ces moments font partie de la vie.

On ne te sent pourtant pas rancunier envers le HAC.Non, car j’ai ce club dans la peau. J’ai marqué son histoire, mais je lui dois également énormément. Je ne cracherai jamais sur le HAC même si la manière dont on m’a traité à la fin de mon contrat ne m’a pas rendu très heureux. Toutes ces années passées au Havre m’ont par exemple permis de rencontrer mon meilleur ami, Nicolas Douchez. J’ai aussi de grosses affinités avec des gars comme Nicolas Dieuze, Steve Mandanda, Souleymane Diawara ou Guillaume Hoarau.

Penses-tu que ton record de buts inscrits pour Le Havre (76 réalisations) tombera un jour ?Déjà, c’est une fierté pour ma famille et moi. Il sera difficile à battre dans le sens où les joueurs restent de moins en moins longtemps dans le même club. Guillaume Hoarau aurait pu le battre. Il a quand même mis 28 buts en une seule saison ! Le petit Ryan Mendes pourrait aussi le battre. Mais il n’aura pas le temps, tous les clubs sont déjà dessus. Lui, il est pétri de qualités. Il me fait beaucoup penser à Lassana Diarra dans la manière dont il se comporte. Diarra, quand il était tout jeune, il m’impressionnait déjà. Je savais qu’il finirait par atteindre le niveau qui est le sien aujourd’hui. Mendes a ce qu’il faut pour faire parler autant de lui.

Comment expliques-tu que tu t’es révélé buteur sur le tard, à l’âge de 28 ans ?Thierry Uvenard et aussi un peu Jean-François Domergue sont les deux entraîneurs qui se sont dit que me faire jouer attaquant serait une bonne idée. Avant cela, j’ai toujours été dans un couloir. Dès qu’on m’a mis devant, ça a marché. J’ai fini deux fois de suite meilleur buteur de Ligue 2 (2006 et 2007). Avec Kandia Traoré, c’était l’entente parfaite. Le truc que tu ne peux connaitre qu’une fois dans ta carrière. On ne se parlait jamais, on ne se regardait jamais, mais au final, on se trouvait à chaque fois. Lui marquait des retournés, moi je tentais tout ce que je voulais et ça rentrait. Kandia et moi finissons co-meilleurs buteurs du championnat en 2007 et malgré ça, on ne monte pas. Il y a des trucs qui ne s’expliquent pas.

Que réponds-tu à ceux qui pensent que tu n’es qu’un pied gauche ?Je préfère avoir un très bon pied gauche que deux pieds moyens.

Tu as toujours été discret en dehors du terrain, même quand tu marquais beaucoup de buts. Pourquoi n’as-tu jamais eu envie de flamber un peu ?Je suis timide, c’est comme ça. Ce qui est certain, c’est que ce que j’ai fait, je ne le dois pas à la pub qu’on a pu me faire dans les journaux. Parfois, il y a des joueurs qui n’ont rien fait de particulier et qu’on décide d’encenser. Leur carrière décolle à partir de là. Il y a d’autres joueurs qui sont au contraire plus discrets et sur qui on devrait s’attarder. Mais je suis lucide sur le joueur que je suis. Je ne dis pas que j’aurais pu être international. De toute façon, le HAC est un club qui fournit généreusement toutes les équipes de France, sauf la A. Quand tu es joueur du HAC, tu ne penses pas à l’équipe de France.

Tu as un Wikipedia en français, anglais, italien et aussi… en polonais. Comment ça se fait ?Ça, je sais pas mais un jour, un ami est parti à l’étranger, je ne me souviens plus dans quel pays. Cet ami est entré dans un bar qui se trouvait dans une petite rue. A l’intérieur du bar, les gens laissaient des messages sur les murs. Mon ami m’a dit qu’il y avait écrit quelque chose comme ça : « Je t’aime le HAC. Je t’aime aussi le meilleur joueur Jean-Michel Lesage. » Moi, je suis loin d’être LE grand joueur français de ces dernières années, alors c’est le genre de chose qui me fait plaisir. Savoir que mon nom est écrit sur le mur d’un pays dans lequel je n’ai sûrement jamais mis les pieds, ça me rend fier. Savoir que des gens se souviennent de moi me fait dire que ce que j’ai fait dans ma carrière avait un sens.

Créteil – Bordeaux, samedi à 18h, stade Dominique-Duvauchelle

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Propos recueillis par Matthieu Pécot

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