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Le Tiercé dans le désordre

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Le Tiercé dans le désordre

Les grands électeurs de la Fédération française de football sont appelés aux urnes ce samedi 18 juin pour choisir leur nouveau président, qui pourrait bien être le même que l'ancien : Fernand Duchaussoy. Présentation du bonhomme et des deux autres candidats : Noël Le Graët et Eric Thomas.

Fernand Duchaussoy : le favori

Qui est-ce ? Le profil du Fernand, c’est celui de Jean-Pierre Escalettes, son prédécesseur. Jean-Pierre était professeur d’anglais, Fernand faisait dans la physique-chimie. Les deux ont exercé comme dirigeant dans un petit club avant de monter les échelons : district, ligue, fédération. Escalettes prend la tête du foot amateur de 1995 à 2005 avant d’être remplacé par Duchaussoy.

Le contexte. Le problème, c’est que Fernand Duchaussoy ne peut pas vraiment se prévaloir de cet héritage. Quand Escalettes démissionne, le 23 juillet 2010, c’est le Fernand qui prend sa place en interim, avant d’être élu pour de vrai président de la FFF le 18 décembre, à 79,4% (presque un mauvais score vu les résultats des élections précédentes). Entre temps ont eu lieu les états généraux du football, critiqués par un bon paquet du monde amateur pour leur côté trop Parisien. Mais pour le grand public, la chose passe pour un succès et le mode de gouvernance de la fédération est modifié : le football professionnel prend plus de poids dans la désignation des dirigeants. Sur l’autoroute dont il dispose vers sa réélection, Duchaussoy prend quand même un beau ralentissement : l’affaire des quotas. Soit il était au courant et cela signifie qu’il a cautionné, soit il n’était pas courant et cela veut dire qu’il n’a aucune crédibilité, boulevard de Grenelle. Malgré ce coup dur, il reste l’immense favori de ce scrutin du 18 juin.

Son programme. « Ce système, ce n’était pas le mien » . Le titre de son interview publiée dans L’Equipe cette semaine illustre bien le premier point de son programme. Duchaussoy veut faire oublier qu’il est un pur et dur, un président qui a connu exactement le même parcours que tous les autres présidents avant lui. Il met donc en avant ses envies de réforme dans l’organisation de l’instance, pour gommer « ces dysfonctionnements [qui] nous ont amenés au désastre de la Coupe du monde » . Mais le Fernand veut aussi se démarquer du Noël, son grand rival. Alors que Le Graët appuie sur sa connaissance des mécanismes économiques, Duchaussoy souhaite développer les aides au football amateur. En cela, il chasse sur les terres d’Eric Thomas, le troisième candidat.

Noël Le Graët : l’outsider

Qui est-ce ? Le moins que l’on puisse dire c’est que le personnage n’est pas franchement un inconnu. L’ancien maire socialiste de Guingamp incarne le prototype du baron du football. Grand boss de la LNF et de la LFP durant les années 90, on lui doit la fameuse DNCG. A la fois respecté et controversé, l’homme d’affaires (une success story dans l’agro-alimentaire) parle le langage des conseils d’administration davantage que celui des conseils fédéraux. Son principal handicap, une image tenace de sous-marin du foot pro.

Le contexte. Vice-président, ce titre ne semblait plus lui suffire. Les nouveaux statuts de la FFF avec un mode d’élection légèrement plus ouvert, lui ont offert pour une fois l’occasion de venir tenter sa chance. Il imagine aussi que la légitimité du nouveau président en sortira grandie, lui permettant de réaliser de grandes choses. Politicien, il dut également imaginer que ce type de campagne jouerait en sa faveur, proche dans l’esprit des sénatoriales et de la notabilité municipale. Il n’a donc pas hésité à dégommer quelques flèches empoisonnées peu ordinaires dans le milieu feutré du ballon rond, notamment envers un « Fernand » accusé d’incompétence et de négligence. Responsable des questions économiques et des contrats pub à la fédération, il a d’ailleurs autre chose à proposer que Knysna et les quotas ( il a affirmé au passage que les « binationaux » étaient « une fierté » ) comme bilan.

Son programme. Il est finalement assez simple. La FFF est une entreprise et il faut la gérer comme telle. Le foot amateur représente à peu près ce que la charité occupe comme place dans la vie du bon croyant, bonne conscience et frais minimaux. Pourtant malgré ses gages constants envers le foot pro, notamment en promettant de faire le ménage dans la maison FFF, il ne semble pas avoir réussi à rallier les pontes de la LNF sur son projet pourtant taillé sur mesure pour leur plus grand bonheur. Sa candidature et son programme auront finalement eu la même vertu que ceux d’Eric Thomas, c’est à dire de rappeler quelques évidences quand le favori surfe encore sur les bonnes intentions et les envolées lyriques. Seulement dans le foot, encore très marqué par sa culture des patronages catholiques et des associations municipales, parler d’argent reste encore un tabou.

Eric Thomas : le petit poucet

Qui est-ce ? C’est sans doute à la fois le point faible et le point fort du président de l’Association française du football amateur (AFFA) : on ne sait pas vraiment qui il est. Point faible car les grands électeurs (dirigeants de ligues et de districts) auront forcément du mal à voter pour un candidat qui n’est pas l’un des leurs. Point fort car, justement, le fait de n’être que vice-président d’un petit club de province (Montlouis-sur-Loire) lui donne plus de crédibilité pour faire passer le message du Foot d’en bas.

Le contexte. Depuis l’échec de la liste Tatane (candidature refusée car l’un des membres n’était pas licencié à la FFF), celle d’Eric Thomas est la seule qui sort des candidatures classiques (aucun dirigeant de district ou de ligue n’y apparaît, seulement des présidents de clubs ou des joueurs). Thomas a lancé l’AFFA en réaction aux états généraux du football, en octobre dernier pour s’insurger contre la limitation du pouvoir du football amateur à la fédération. L’affaire des quotas et la remise en cause de la candidature Duchaussoy a permis de le sortir de l’anonymat. Depuis, il écume les rédactions et les plateaux de télévision, regrettant à chaque fois le refus du président actuel de participer à un débat démocratique.

Son programme. Les idées d’Eric Thomas sont connues depuis quelques mois maintenant, puisqu’elles étaient publiées sur le site Footdenbas bien avant l’élection. En cinq points ( « apporter un nouveau souffle au monde amateur » , « redonner du sens au football » ,…) le programme envoyé aux grands électeurs aligne trente propositions concrètes. L’AFFA veut améliorer la redistribution des revenus au monde amateur, donner le droit de vote aux 18 000 présidents de clubs, publier les comptes de la FFF, en gros, changer radicalement le fonctionnement d’une institution pachydermique. Et c’est sans doute pour ça que l’AFFA ne gagnera pas.

Thomas Pitrel et Nicolas Kssis Martov

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