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Le nouveau vieux Brésil de Dunga

Par Markus Kaufmann
6 minutes
Le nouveau vieux Brésil de Dunga

Il y a longtemps, dans une galaxie éloignée, tout déplacement de la Seleção était un événement en soi. Les exploits des talents brésiliens grandissant au pays, jusque-là légendaires, devenaient réels lors des rendez-vous internationaux, qui permettaient de mettre une conduite de balle sur ces noms énigmatiques. Cette semaine, le Brésil de Dunga s'est rendu au Stade de France. Et si la liste de l'ex-milieu défensif comporte un tas de joueurs locaux, il n'y avait aucune promesse. Elias, Jefferson, Souza… Mais qui sont tous ces types ?

En 1994 puis en 1998, le Brésil du capitaine Dunga s’était hissé jusqu’à la finale de Coupe du monde avec respectivement 12 et 8 joueurs venus de son propre championnat. Dunga lui-même a joué 7 années dans le championnat local (Internacional, Corinthians, Santos, Vasco de Gama). Alors, voir une liste composée de 5 joueurs du championnat brésilien n’est pas vraiment une surprise (6 si l’on compte Diego Tardelli, parti en Chine il y a deux mois). Mais alors que le monde attendait futur et promesses de la part de la Seleção, Dunga est allé piocher de l’expérience au pays : ces six joueurs présentent une moyenne d’âge de 29 ans. Avec la Copa América qui arrive en juin au Chili, Dunga pense au présent.

Le milieu, voilà le point d’interrogation de la composition de cette Seleção. Depuis des années, la Seleção souffre au milieu lorsqu’elle se retrouve obligée de construire. Si Luiz Gustavo est devenu indiscutable devant la défense, la question est : qui pour accompagner la hiérarchie et le sens de l’ordre du gaucher ? Certains aimeraient voir l’habileté d’Hernanes, dont la carrière est en dents de scie depuis son arrivée à l’Inter. D’autres demandent au moins le rythme de Fernandinho, les percées de Ramires ou encore le savoir-faire de Lucas Leiva. Mais non, c’est le mystérieux Elias qui s’est installé dans le double pivot, et l’inconnu Souza a enfilé le costume de remplaçant officiel. Si les deux intriguent autant, c’est parce qu’ils présentent tous les deux une particularité toute brésilienne : ce sont des milieux défensifs verticaux, une spécialité du championnat local. Dans une Ligue où l’axe est fait pour être percé balle aux pieds, tout milieu défensif capable d’aller marquer ou porter le surnombre peut se faire un nom. Un style un peu aléatoire, où les champions du monde se nomment Matuidi et Ramires. Mais en Europe, visiblement, cela ne marche pas pour tout le monde…


Elias (Corinthians, 29 ans)

Attaquant de formation, Elias (29 ans, 1m73) a connu la gloire à Corinthians entre 2008 et 2010 sous les ordres de Mano Menezes, qui le sélectionne ensuite en 2011 pour la Copa América. Sérieux défensivement, sa verticalité en a fait un héros à Corinthians, mais n’a jamais suffi pour faire la différence face aux défenses européennes. À l’Atlético et au Sporting, il aura d’ailleurs été déplacé à plusieurs positions différentes, vu son physique d’ailier de débordement. Envoyé à l’Atlético Madrid pour 7 millions d’euros en 2011, il ne s’impose pas et atterrit à Lisbonne au Sporting, « un grand d’Europe largement supérieur à l’Atlético » . C’était six mois avant l’arrivée de Diego Simeone… Transfert record (9 millions), clause de 40 millions d’euros, mais seulement une saison et demie et une fin en prêt au Flamengo. Revenu au Corinthians, en Seleção, il doit son costume de titulaire à sa mobilité, qui lui permet de couvrir les espaces laissés par le quatuor offensif de Dunga, mais qui permet aussi de donner des solutions de repli au ballon en phase de possession. Toujours disponible, mais rarement pertinent : son manque de vision du jeu et de justesse limite fortement la mise en place d’une possession de balle élaborée.


Souza (26 ans, São Paulo)

Plus jeune (26 ans), Josef de Souza Dias est un autre milieu ayant tenté l’Europe sans y prendre goût. Formé à Vasco de Gama, la tige (1m88) rejoint Porto en 2010, où il dispute 20 matchs en deux saisons. Trois millions dans un sens, puis trois millions dans le sens inverse : retour à la maison au Grêmio, puis à São Paulo. Il connaît sa première sélection sous le règne de Dunga en octobre dernier, à la suite d’une blessure de Ramires. Élu meilleur milieu du Brasileirão 2014, Souza est un milieu défensif polyvalent, lui aussi porté vers l’avant. Dans un style tout aussi vertical, il est bien plus puissant, mais aussi plus anarchique techniquement.


Jefferson (Botafogo, Brésil, 32 ans)

À la suite du dernier Mondial, le dernier à coup sûr de Júlio César, Diego Alves devait enfin avoir sa chance. Le gardien félin aux réflexes surhumains, leader au sein d’un Valence revenu au premier plan, allait enfin pouvoir s’asseoir sur le trône d’un poste si énigmatique. Mais c’est raté : Dunga lui préfère Jefferson, éternel gardien remplaçant depuis 2003. Comme Júlio César, Jefferson a des pieds de milieu, met des petits ponts aux attaquants venant le presser, et sort des exploits sur sa ligne. Des exploits qui ne dépasseront l’échelle locale que le temps de quatre modestes saisons en Turquie entre 2004 et 2008. Le reste de sa carrière, Jefferson l’a passé à défendre les cages de Botafogo (plus de 300 matchs disputés). Spectaculaire et démonstratif, Jefferson doit certainement sa place au penalty arrêté face à Leo Messi en octobre dernier (2-0). Mais qui dit que Diego Alves, le grand spécialiste, ne l’aurait pas arrêté lui aussi ?

Vidéo

Diego Tardelli (Sandong Luneng, Chine, 29 ans)

Au Brésil, il y a eu Romário, Bebeto, Ronaldo et Adriano. Mais ces dix dernières années, le pays des écarts a aussi connu Luís Fabiano, Julio Batista et Fred. Dans cette seconde catégorie des numéros 9 aux carrières de baroudeurs et aux mouvements de camionneurs, Diego Tardelli Martins est certainement le plus rigolo. Un prénom d’Argentin, un nom d’Italien (son père l’a nommé ainsi en hommage à Marco Tardelli après le Mondial 82) et 9 clubs différents. Des passages décevants à São Paulo, Betis, São Caetano, PSV, Flamengo. Puis deux saisons fantastiques pour l’Atlético Mineiro entre 2009 et 2011, l’Anji Makhatchkala en Russie, Al-Gharafa au Qatar, à nouveau l’Atlético Mineiro et enfin le Shandong Luneng en Chine depuis février. Sélectionné par Dunga dès 2009, Tardelli avait été écarté de justesse de la liste du Mondial sud-africain. Jamais appelé par Scolari, il est revenu avec le retour de Dunga. L’occasion de planter un doublé aussi improbable que son personnage lors du Superclásico contre l’Argentine. En attendant, Leandro Damião essaye de se relancer au Cruzeiro.


Danilo (Porto, 23 ans)

Cela fait maintenant quatre ans que Danilo attend que Maicon et Dani Alves lui fassent une place sur le si prestigieux côté droit de la Seleção. Quatre ans depuis cette Copa Libertadores remportée à 19 ans avec Santos. Aujourd’hui, il incarne avec Filipe Luís le nouvel équilibre des latéraux brésiliens. Des joueurs puissants, rapides, solides défensivement et intelligents offensivement. En un mot, mesurés. Capitaine d’un jeune Porto très attractif, le joueur de 23 ans rappelle Maicon dans la « patience » de ses débordements, son coup d’œil sur les centres et son ouverture sur le reste du jeu (transversales, pauses, etc). Un futur cadre, si Dunga le veut.


Roberto Firmino (Hoffenheim, 23 ans)

Et puis, enfin, il y a Firmino. Le plus jeune, le moins associé au championnat brésilien et aussi le plus connu en Europe. Parti à 19 ans après une saison en seconde division sous les couleurs de Figueirense, le milieu offensif atterrit en Bundesliga à Hoffenheim en janvier 2011. Après deux saisons et demie correctes, il explose la saison dernière : 16 buts et 12 passes décisives. Habile techniquement, bon devant le but et excellent en soutien d’un attaquant, Firmino sait aussi travailler au pressing. Passes en profondeur, contres à cent à l’heure et grosse participation au milieu : Firmino s’éclate à Hoffenheim, et a bien commencé la fête avec la Seleção. Appelé par Dunga en octobre dernier, il claque sa première lucarne dès le mois de novembre contre l’Autriche. Forcément, cela suffit pour que le Brésil rêve d’un nouveau quatuor offensif de feu, après l’efficacité de Rivaldo-Leonardo-Ronaldo-Bebeto en 1998 et les rêves avortés de Ronaldinho-Kaká-Ronaldo-Adriano en 2006. Neymar, Firmino, Oscar et Lucas ?

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