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Le grand Antonio

Par Maxime Brigand
Le grand Antonio

Il a déjà vingt-six piges, mais n'était surtout personne il y a quelques années. Sa vie ressemblait alors à celle de n'importe quel mec qui joue au foot pour le plaisir et qui taffe à côté pour oublier. Lui était maître nageur et s'appelle Michail Antonio. Sauf qu'aujourd'hui, il est en passe de connaître sa première sélection internationale avec l'Angleterre. Plongeon.

Ce jour-là, personne ne s’y attendait, sauf peut-être lui. Sa vie n’est aujourd’hui plus la même, mais certaines histoires vous reviennent toujours dans la gueule. C’est comme ça. La voix est fatiguée, les souvenirs fébriles, mais il parle toujours de son ancien gamin comme d’un « joueur différent » . Billy Smith a maintenant soixante-treize ans, se bat avec les dernières mèches blanches qui font de la résistance sur son crâne, mais, au fond, il s’en fiche. Il parle de ce 28 août 2016 comme d’un nouveau jour particulier. Hier, il regardait Alan Pardew ou Ian Wright courir sous ses yeux après les avoir repérés.

Cette fois, l’histoire raconte la trajectoire d’un gamin que Billy a une nouvelle fois découvert dans un parc de Londres. Un gosse du quartier de Wandsworth qui cavale avec le maillot de son idole Ian Wright, justement. Il s’appelle Michail, est lui aussi d’origine jamaïcaine et sera rapidement ramené par Billy Smith au Tooting & Mitcham United F. C., son Imperial Fields et sa pelouse déchirée. C’était au début des années 2000 et Michail Antonio n’était alors qu’un gamin anonyme. Aujourd’hui, c’est un vent de fraîcheur, la seule surprise de la première liste internationale livrée par Sam Allardyce dimanche dernier en vue du déplacement en Slovaquie, pour le compte des éliminatoires à la Coupe du monde 2018 et surtout une petite bombe. Comme l’Angleterre aime en créer. Et comme Smith aime en préparer.

« La non-league m’a appris à jouer contre des hommes »

« Vous voyez comment il est aujourd’hui ? Je vous assure que le Michail que j’ai connu était le même, se rappelle Billy Smith. La seule différence, c’est qu’il était plus enrobé que musclé, mais il était déjà puissant, rapide et plutôt costaud dans les airs. » Le fil s’étire pour dessiner la route de Michail Antonio.

Michail était un gamin qui n’avait qu’une envie : s’en sortir par le foot et pas autrement.

C’est la nouvelle belle histoire du foot anglais, celle d’un joueur qui évoluait encore en Isthmian Football League – un championnat de non league qui couvre les régions de Londres et du sud-est de l’Angleterre – lors de la saison 2007-2008. Le récit aussi d’un type qui, pour assurer financièrement, cumulait ses courses sur le terrain avec un job de maître nageur à la piscine du coin. « J’ai connu Ian Wright qui était plus fou que Michail. Lui, c’est plutôt un gentleman si vous voulez, un gamin qui n’avait qu’une envie : s’en sortir par le foot et pas autrement » , complète Smith. Le parcours d’Antonio raconte aussi qu’à l’âge de quatorze ans, il a refusé les avances de Tottenham par la voix de sa mère, Cislyn, histoire de se consacrer à son parcours scolaire.

Une autre version explique que ce sont plutôt les différentes académies qui ont envoyé bouler le gosse pour « sa petite taille » . Dans tous les cas, voilà l’Angleterre face au nouveau cas d’un joueur pré-international qui a été rejeté par son système de formation classique.

Mon jeu est plus décousu, plus brutal et je le sais. C’est aussi ce qui fait ma force.

Comme si c’était devenu la norme. « J’ai beaucoup d’amis qui étaient plus grands que moi à l’école et qui ont pu intégrer les académies des clubs professionnels, mais aujourd’hui, aucun n’a percé. Et aucun d’eux n’a jamais porté un maillot de la sélection. Jouer en non-league m’a appris à jouer contre des hommes. Je ne suis pas le genre de joueur qui a été affiné par le système, qui a répété les passes, les centres, qui est propre sur lui et qui doit tout faire parfaitement tout le temps. Mon jeu est plus décousu, plus brutal et je le sais. C’est aussi ce qui fait ma force » , expliquait Antonio il y a quelques semaines.

Les chocolats, les doutes et Coppell

La suite n’est qu’une histoire de caractère et de connexions. Car Billy Smith, son entraîneur à Tooting & Mitcham United jusqu’en 2008, connaît du monde, ce qui lui vaut aujourd’hui le surnom de Sir Billy à l’Imperial Fields, le pré où jouent les Terrors. Alors, une fois qu’il a détecté le talent d’Antonio, Billy appelle ses proches, d’Alan Pardew à son pote Steve Coppell, alors entraîneur à Reading. C’est simple : Coppell a fait débuter Pardew et Wright, les deux premiers poulains de Smith, alors qu’il était à Crystal Palace. L’histoire doit donc se répéter avec Michail Antonio.

On ne sait pas vraiment quand il est dans une pièce, mais on a toujours cette sensation qu’il regarde avec attention, qu’il apprend en permanence pour progresser.

Et voilà comment, en octobre 2008, le gamin de Wandsworth se voit propulser chez les Royals contre 25 000 livres. « Pour l’occasion, Michail m’avait acheté une boîte de chocolats » , se marre aujourd’hui Billy Smith. De son côté, Steve Coppell raconte avoir « été le voir plusieurs fois lorsqu’il jouait en non-league. Il avait vraiment quelque chose de différent des autres et c’est cette différence qui m’attire dans les championnats amateurs. Il avait une certaine fraîcheur dans son attitude, son approche, ses manières sur le terrain et je l’ai retrouvé ensuite. Michail, on ne sait pas vraiment quand il est dans une pièce, mais on a toujours cette sensation qu’il regarde avec attention, qu’il apprend en permanence pour progresser, progresser et encore progresser. »

C’est sur ce mode qu’Antonio s’est progressivement fait un nom. Entre ses nombreux prêts (dont le plus intéressant à Southampton), la suite de ses aventures (à Sheffield Wednesday et Nottingham Forest), et enfin la découverte de la Premier League, à West Ham, où il a débarqué en septembre dernier.

J’ai toujours pensé dans un coin de ma tête que j’étais un joueur de Premier League, mais lorsque je ne jouais pas lors des premiers mois, j’ai commencé à douter.

Tout commence alors par de rares apparitions, une légère difficulté à montrer ses dispositions au plus haut niveau et une incapacité pour Slaven Bilić à définir le meilleur poste de sa recrue dans son 4-2-3-1. Antonio entre une première fois à l’Etihad Stadium de Manchester le 19 septembre 2015, doit attendre le 12 décembre contre Stoke (0-0) pour connaître une première titularisation au poste de milieu gauche et trouve enfin sa place de l’autre côté avec un premier but contre Southampton (2-1) pour le Boxing Day. Ce jour-là, il tombe, ne sait pas trop comment il touche le ballon, mais marque et parle en sortant du terrain de « la fin de la plaisanterie après des premières semaines d’invisibilité » . Pour ne plus jamais vraiment ressortir de la feuille de match de Bilić. Voilà ce qu’il explique dans le dernier numéro de FourFourTwo : « J’ai toujours pensé dans un coin de ma tête que j’étais un joueur de Premier League, mais lorsque je ne jouais pas lors des premiers mois, j’ai commencé à douter. Il faut saisir l’opportunité, c’est ce que j’ai fait et voilà.(…)Jouer arrière droit avant m’a permis de comprendre comment un défenseur pense. Le reste, c’est mon style qui fait la différence. »

Vidéo

La vanne de l’Etihad Stadium

Et voilà. Dimanche dernier, dans les couloirs de l’Etihad Stadium de Manchester, Antonio discute avec la presse de la défaite des Hammers contre City (1-3). C’est lui qui a marqué le but des siens, comme lors du premier match de Premier League au stade olympique de Londres contre Bournemouth (1-0). D’un coup, l’un des physios du club débarque et lui dit qu’il est convoqué par Sam Allardyce. « J’ai rigolé, je lui ai dit que c’était une bonne vanne et j’ai repris ma discussion avec le journaliste. Il m’a répété : « Tu es convoqué. » Je n’ai réalisé que quelques minutes plus tard et j’ai été faire un câlin avec notre cuisinier, Tim De’Ath. C’était hyper fort. » , expliquait Antonio cette semaine lors de sa première conférence de presse avec un polo des Three Lions.

Cette fois, Antonio a gagné son pari de « devenir international » et a débarqué à St. George’s Park, le centre d’entraînement national anglais, avec la banane, ce qui fait du bien à un groupe encore miné par sa destruction à l’Euro 2016. Lui est détaché, explique en interview que « l’Angleterre a besoin de joueurs affamés et non de joueurs qui pensent qu’ils doivent être là grâce à leur réputation » , parle de son refus des convocations passées de la Jamaïque et claque des vannes. Il vit surtout sa première convocation internationale alors qu’il n’a débuté en Premier League que l’an dernier, à vingt-cinq ans. Costaud.

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Par Maxime Brigand

Propos de Billy Smith recueillis par MB, ceux de Steve Coppell tirés du Daily Mail, ceux de Michail Antonio tirés de FourFourTwo.

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