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Larsonneur, peau de pêche

Par Maxime Brigand
Larsonneur, peau de pêche

20 ans, 70 kilos et une étiquette arrachée : l'été dernier, Gautier Larsonneur a démarré la saison dans la peau de troisième gardien du Stade brestois. Cinq mois plus tard, le gosse du club est numéro un et a mis tout le monde d'accord. La recette ? Du travail, un port de pêche et une bonne dose de folie. Portrait.

Il y a cinq mois, Gautier Larsonneur, vingt piges et soixante-dix kilos d’insouciance, s’est avancé sur la piste de Bollaert, à Lens, comme on entre dans une pâtisserie. Que peut ressentir un gardien au moment d’enfiler une veste de numéro un avec son club de cœur ? « On aspire tous à ça, on bosse pendant des années pour avoir cette opportunité… Je voulais y goûter, j’y ai goûté et maintenant, je ne veux pas m’arrêter. » Ça se tient, presque facilement : le 8 août dernier, le fils du club, imbibé de la sensibilité propre aux gardiens de but, a débuté chez les grands lors d’un premier tour de Coupe de la Ligue, face au Paris FC. Depuis, Larsonneur a balayé la concurrence, fait sauter l’étiquette de numéro trois qu’on lui avait collée sur le front en début de saison et a surtout compilé dix-sept titularisations dans les buts du Stade brestois. Le voyage à Lens, fin août, comme un coup au plexus de son entraîneur, Jean-Marc Furlan : « J’étais assis sur mon siège et je me suis dit : « Mais qu’est-ce qu’il est en train de nous faire ? » Il m’a coupé le souffle. »

Ce jour-là, Brest décroche sa première victoire de la saison (4-2) et en profite pour faire descendre des tribunes les supporters d’un RC Lens en pleine crise. Furlan, vingt ans de circuit sur le CV, comprend : « On avait recruté Julien Fabri cet été, j’ai aussi fait le forcing pour conserver Donovan Léon que je voulais installer numéro un. Et Gautier est arrivé et a mis tout le monde à l’heure, moi le premier. En agissant comme il l’a fait, c’est comme s’il voulait nous dire : « Vous n’aurez pas le choix, ce sera moi. » » Alors, à son sujet, on parle désormais de limites, d’un plafond de progression qui n’existerait pas et d’un potentiel qu’on dit illimité. Éric Assadourian, le directeur du centre de formation brestois, tente de freiner : « C’est quelqu’un qui reste très proche des jeunes, il vient expliquer aux gamins qu’en bossant beaucoup, on a une chance de s’en sortir. Mais notre plaisir viendra quand il aura fait dix ou quinze ans de carrière. Là, ça voudra dire qu’on a tout bien fait. Sinon, on aura raté quelque chose. »

La fureur

La faille, justement : l’angoisse d’un poste solitaire, où l’idée est de détruire le plaisir là où celui du reste des hommes, habillés différemment, est de le créer. « Quand tu fais trois ou quatre matchs, on attend toujours le moment où ça va craquer, relance Furlan. Lui, ça fait dix-huit matchs qu’il est là et j’attends toujours. » Être impénétrable, voilà ce que recherche Gautier Larsonneur là où Gianluigi Buffon racontait, lors de l’hiver 2014, le but encaissé comme une atteinte à la pudeur. Il dit : « Ça a commencé lors des repas de famille, quand il manquait un gardien. J’y ai pris goût à force de prendre des frappes. En fait, ça me plaisait de prendre des buts et je me suis donné l’envie de ne plus en prendre. Progressivement, j’ai réussi à dominer les anciens et à inverser les rôles. J’ai débuté le foot pour ça : je détestais prendre des buts, ça me rendait furieux. » Jean-Marc Furlan affine le portrait : « La clé, c’est ses compétences stratégiques. C’est une question qui délimite la frontière qui te permet de basculer vers le très haut niveau : est-ce que tu es un grand stratège ? Gautier, lui, c’est un meneur de jeu. Si tu le mets numéro dix, c’est pareil. »

Gautier, lui, c’est un meneur de jeu. Si tu le mets numéro dix, c’est pareil.

En réalité, Larsonneur est un gardien de son époque : jeu long précis, position haute, participation à la construction. L’idée vient de loin, de ses débuts à l’US Plougonvelin où il aimait « prendre le ballon pour essayer de dribbler tout le monde » en passant par les tournois avec les jeunes du Stade brestois, rejoint à l’âge de onze ans, lors desquels il n’hésite pas à demander à ses éducateurs de passer quelques minutes dans le champ. Réflexe à canaliser. « S’il a rapidement compris les choses qui le rendraient efficace, il a toujours eu l’habitude de sortir de ses cages pour venir jouer au milieu de terrain lorsque son équipe était en phase offensive. Forcément, il a pris quelques lobs… »

Entraîneur des gardiens du Stade brestois et ancien portier du club, Julien Lachuer parle plutôt de « la fougue liée à la jeunesse » d’un jeune qu’il connaît depuis les U13. « Sa force, lorsqu’il arrive en compétition, c’est de jouer sur ses points forts : il prend les informations nécessaires avant la rencontre et, ensuite, il envoie les ondes positives à ses partenaires. On a plaisir à jouer avec Gautier, parce que les mecs sentent que derrière eux, il y a un gardien avec du charisme, une aura nécessaire pour ce niveau-là. Il rassure les joueurs les plus réservés, déconne avec les plus libérés, mais sait surtout se fondre dans n’importe quelle ambiance. En arrivant chez les pros, il n’a pas cherché à être un autre. » Ce à quoi l’ancien du groupe, Bruno Grougi, répond en évoquant un coéquipier qui « aime la vie » et qu’il faut « beaucoup moins remettre en place » qu’au moment de son arrivée dans le groupe pro, en 2015. Derrière lui, Gautier Larsonneur traîne surtout une réputation de brute de travail – premier arrivé le matin, dernier parti le soir, habitude qu’il avait déjà plus jeune lorsqu’il s’imposait des extras à la plage -, mais surtout l’allure du gendre idéal qui refuse de planquer sa chance lorsqu’il rentre au village et va prendre « le café avec les anciens » .

J’ai des goûts de luxe un peu : le homard, la langouste…

Comprendre Larsonneur, c’est alors revenir, aussi, au village, au Conquet, commune la plus occidentale du pays. Un port de pêche situé à trente minutes de Brest. « Je suis issu d’une famille de pêcheurs, j’ai été bercé là-dedans. Mon père part tous les matins en mer à 2h, il revient vers 17-18h et ensuite, ma mère prend le relais et va vendre les produits sur le port. Gamin, j’ai fait tout ce qu’on peut faire dans un port : la pêche à la canne, avec les filets… Mes parents m’ont laissé libre imagination pour mon avenir, m’ont toujours accompagné, mais footballeur, c’est bien autre chose que le boulot abattu par mon père ou certains de mes amis qui sont tous devenus, pour la plupart, des pêcheurs professionnels. » Vieille habitude, Gautier Larsonneur n’a pas changé. Le samedi matin, après le décrassage, il file aider sa mère sur le marché de Saint-Renan, y croise des supporters, parfois Jean-Marc Furlan. C’est la bulle qui explose, l’évasion, la possibilité de « faire autre chose » . Lorsqu’on lui parle crustacés, il n’hésite pas : « J’ai des goûts de luxe un peu : le homard, la langouste… »

Une bataille psychologique avec Anthony Martial

On lui demande alors s’il s’imagine retrouver son père dans quelques années, il se marre et préfère se recentrer sur le foot où le luxe est aussi une quête. « Il aime chercher, se battre pour la perfection » , résume Lachuer. Puis, la folie revient rapidement dans le débat et c’est un souvenir qui remonte : un quart de finale de Gambardella, joué en avril 2014, face à l’AS Monaco. Gautier Larsonneur a alors 17 ans et les réflexes d’un ancien. Pendant la séance de tirs au but, il va voir Anthony Martial, lui glisse qu’il a raté son match et qu’il va rater sa tentative. « C’est vrai que je l’ai branché, il a tiré à côté. Là, ça a joué en ma faveur, j’ai gagné mon duel avec lui, mais malheureusement, derrière, on a été éliminés. Bon, il nous avait quand même fait un mal fou sur le match… Comme Mbappé deux ans plus tard, d’ailleurs. » Un autre jour, il ira faire une bise à sa mère entre deux penaltys.

Parfait résumé du gamin, moins grand que les gardiens de sa génération, qui aura mis du temps à quitter « la vie de bourg » . Aujourd’hui encore, il avoue quitter Brest dès qu’il le peut, le temps d’un verre entre potes, d’une virée sur le port. Tout ça le lie à la région : le 18 novembre dernier, Brest se fait déboulonner à Lorient (4-2), un match qu’il a voulu jouer « en étant très nerveux » . Julien Lachuer, le confident à qui Larsonneur avait demandé un maillot il y a quelques années, raconte : « C’était un derby, il avait eu beaucoup de sollicitations dans la semaine et sur quelques interventions, il voulait booster l’équipe. Justement, l’équipe avait besoin à ce moment-là de sérénité. » Une scène déjà entrevue face au Paris FC, en août, par Éric Assadourian : « Sur ce premier match, après une bousculade, il avait voulu réagir à sa manière… Heureusement, l’arbitre a été tolérant. L’avantage, c’est que Gautier assimile vite, qu’il comprend ce qu’on lui dit. » Alors, il est rentré dans le rang, la dalle intacte, scotchant au passage les dirigeants d’un club qui ne voyaient pas vraiment Gautier Larsonneur sauter les haies à cette vitesse. Sourire de Jean-Marc Furlan : « En revanche, va falloir se méfier, c’est aussi un sacré joueur de ping-pong. »

Par Maxime Brigand

Tous propos recueillis par MB, sauf ceux de Bruno Grougi, tirés du Télégramme.

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