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L’Argentine et l’art de la guerre

Par Maxime Brigand, à Doha
L’Argentine et l’art de la guerre

Longtemps calme et assez pauvre en situations, le Pays-Bas-Argentine de vendredi soir a explosé sur ce qui fait la force et la faiblesse de l’Albiceleste : le chaos. Un chaos qui aura, malgré tout, engendré une bouffée d’air frais et ramené le foot à des choses simples. Est-ce que ce sera suffisant pour gagner un Mondial ? Bonne question, alors que l’Argentine s’apprête à croiser le fer avec sa petite sœur européenne : la Croatie.

Lautaro Martínez quitte le rond central, tête baissée. Quatre types en orange viennent sur son chemin et tentent de le bousculer. Un homme en noir armé d’un drapeau s’interpose et laisse son patron, qui ne contrôle plus grand-chose depuis près d’une heure, brandir un carton jaune en direction de Denzel Dumfries. Après avoir parfaitement pris Emiliano Martínez à contre-pied, Luuk de Jong croise au même moment Lautaro Martínez aux abords d’une surface de réparation et lui glisse quelques mots. Debout dans ses six mètres, Andries Noppert, lui, fait rebondir un ballon contre la pelouse et attend l’attaquant de l’Argentine. Sympa, il lui amène le ballon, ce qui ne fait pas poiler le buteur de l’Inter, qui le repousse des deux mains avant de feinter lui renvoyer le ballon en pleine pomme. À droite de Lautaro Martínez, non loin de la ligne de touche, Emiliano Martínez est à genoux. Puis, après avoir vu son pote tromper Noppert et alors qu’un troupeau fonce en direction du héros, il s’effondre, tête en avant, de tout son long. Lionel Messi sera le seul à venir le relever pendant qu’un remplaçant argentin viendra tirer la langue à Dumfries, ce qui fera définitivement exploser un quart de finale joué au-dessus d’un feu depuis la 75e minute.

 Je n’ai pas envie de juger leur approche, mais ce que je sais, c’est qu’en deuxième période, ce match est devenu très laid. Il a été souvent interrompu, il est devenu très difficile à jouer, l’arbitre n’a pas aidé, nous avons souffert… Mais on a réussi à s’en sortir pour le peuple.

Le déclencheur ? Un ballon arraché dans les airs par Emiliano Martínez sur le crâne de Luuk de Jong, alors que l’Argentine menait 2-0 depuis quelques secondes. Tout ne pouvait être que gestion pour la bande de Lionel Scaloni, qui a vu ses gars monter leurs premières marches du Mondial en servant à leurs adversaires un cocktail de génie – depuis qu’il est arrivé au Qatar, Lionel Messi, libéré d’un poids énorme depuis la victoire de la Copa América 2021, fait survivre la figure du numéro 10 à l’ancienne et on ne peut que l’en remercier – et d’agressivité mise au service du contrôle – dans cette Coupe du monde, l’Albiceleste a été l’une des équipes les plus actives sans ballon et l’une des plus efficaces dans son contre-pressing. Tout n’a finalement été que chaos et, tout à coup, ce Pays-Bas-Argentine est devenu ce que Scaloni a appelé dans la foulée du coup de sifflet final un match « moche ». Il l’a expliqué ainsi : « Les Pays-Bas ont joué d’une façon inattendue. Maintenant, chaque équipe et chaque entraîneur décident de la façon dont ils veulent jouer. Je n’ai pas envie de juger leur approche, mais ce que je sais, c’est qu’en deuxième période, ce match est devenu très laid. Il a été souvent interrompu, il est devenu très difficile à jouer, l’arbitre n’a pas aidé, nous avons souffert… Mais on a réussi à s’en sortir pour le peuple. »

Le plaisir du chaos et des émotions

Un premier chiffre : après la 75e minute, 27 fautes ont été sifflées (9 ont été commises par l’Argentine, 18 par les Pays-Bas). Un second : entré à la 66e minute, Leandro Paredes, qui a évidemment été un chef de gang hors pair pour mettre des bûches dans le feu (il a notamment posé deux tacles en cinq secondes à la 89e minute avant de canarder – si fort que ses deux jambes ont décollé du sol – le banc hollandais), a bouclé la soirée avec le statut de deuxième plus gros tacleur de la rencontre. Lionel Scaloni avait envoyé l’ancien joueur du PSG sur le terrain pour garder le contrôle, il l’a plutôt vu faire basculer tout son clan dans une rencontre électrique où elle n’est pas passée loin de tout perdre, où Lionel Messi aurait pu – dû ? – être expulsé dans les arrêts de jeu s’il avait reçu un carton jaune un peu plus tôt après une main volontaire, mais où on a surtout pris notre pied. Dans une Coupe du monde jouée à l’ère du contrôle et du calcul, à une époque où il est possible de se plaindre du fait que la majorité des aspérités du jeu ont disparu – chaque petit geste peut être vu, revu, et encore revu dans un car ; les joueurs ont tellement été arrosés aux statistiques que beaucoup d’entre eux ne tentent plus de dribbles ou de passes risquées par peur d’avoir un 73% de dribbles réussis ou un 82% de passes réussies sur leur feuille de match – et alors que l’on sentait que le Lusail Stadium ne demandait qu’à exploser pour de bon, une vague de réactions profondément humaines est tombée sur le Mondial, vendredi soir.

Attention : toutes ces images ne seront pas un super exemple pour les gosses, et le match n’a pas été le plus propre techniquement de l’histoire, mais cette rencontre est montée à un degré de tension assez rare pour l’époque. C’est aussi, et avant tout pour ça que l’on est un jour tombé dingue de ce sport : pour le tacle brutal qui vient prendre la suite d’un dribble fin ou d’une passe envoyée dans un angle impossible, pour une guerre psychologique entre un gardien et un buteur, pour une merveille de combinaison sur coup franc sortie alors que les flammes sont les plus brûlantes, pour des coachs aux approches différentes qui se fichent pas mal de ce que l’un pense de l’autre. C’est également pour cette raison que le Mondial livré jusqu’ici par Lionel Messi mérite d’aimanter tous les regards. À 35 ans, après une vie passée à devoir « tout contrôler » et à ne « profiter que partiellement des moments vécus », le joueur du PSG n’a jamais semblé aussi humain. Contre l’Australie, lors des huitièmes, on l’avait déjà vu bousculer un Australien – Aziz Behich – afin de le pousser à faire une faute quelques secondes plus tard qui fera tout basculer. Face aux Pays-Bas, Messi a poussé le bouchon encore plus loin en chambrant les Néerlandais – Edgar Davids et Louis van Gaal en tête – et se prenant le bec avec Wout Weghorst en zone mixte après avoir assumé ses responsabilités crampons au pied (un match de dingue entre les lignes, une passe décisive, un but, un premier tir au but transformé pour donner le ton de la séance à ses coéquipiers…).

Cette Argentine ne vit que pour et par le chaos : il peut lui permettre de contrôler ses rencontres, du moins d’en maîtriser le tempo et de ne quasiment rien subir (si elle a craqué sur ses deux seuls tirs cadrés concédés vendredi soir, l’Argentine est l’une des nations qui a reçu le moins de flèches depuis le début de la Coupe du monde et n’a d’ailleurs engendré que 1,9xG contre elle – personne ne fait mieux), mais il peut aussi l’envoyer dans des scénarios dangereux (merci Paredes). Elle fait en tout cas du bien à l’époque et ramène le foot à ce qu’il est par essence : un sport d’émotions, profondément psychologique, encore plus dans un tournoi qui appartient aux hommes en short avant d’être la propriété de ceux en costume ou en survêtement. Est-ce que ça suffira à gagner un tournoi quatre ans après le sacre français du contrôle permanent ? Peut-être. Avant ça, l’Argentine, qui semble paniquer à chaque fois qu’elle mène tranquillement au score (plusieurs explications à ça, dont, pour vendredi soir, le fait que l’agressivité positive des 70 premières minutes est devenue une agressivité assez irréfléchie avec plusieurs coups francs dangereux concédés), a rendez-vous avec sa petite sœur européenne, qui est peut-être plus brillante collectivement, mais qui n’a jamais manqué de malice dans la montée des cols : la Croatie. Aux armes !

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