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La Ligue des nations va-t-elle tuer le foot des nations ?

Par Nicolas Kssis-Martov
La Ligue des nations va-t-elle tuer le foot des nations ?

La Ligue des nations. La grande idée de l'UEFA. Sortir de la logique des matchs amicaux qui semblait s'essouffler pour instaurer une nouvelle compétition internationale. Bien sûr afin de renouer avec le « public » et surtout récolter de nouveaux droits télé. Tout a été écrit sur cet énième stratagème commercial. Pourtant, cette usine à gaz ne risque-t-elle pas finalement d'enterrer encore davantage le foot des nations, sa singularité, sa spécificité et pour tout dire son rôle exceptionnel ?

Le format et le nom des compétitions ne sont pas anodins. Une coupe n’est pas un championnat. Une ligue n’a rien à voir avec une Fédération. En décidant de tout mélanger, l’UEFA a peut-être pris une très bonne décision sur le plan comptable, elle a probablement commis une grave erreur historique. La Ligue des nations consiste tout simplement à banaliser les rencontres internationales pour les rendre profitables. C’est-à-dire à les faire entrer, ou du moins se rapprocher, dans l’ordinaire du football des clubs, et ainsi en affadir grossièrement le sens profond. La dimension symbolique – et pour tout dire politique – de ce sport, va donc finir par se diluer au milieu du flot des retransmissions et des mercatos.

Un tacle trop appuyé d’un défenseur andorran

Naturellement, la décision prise par Infantino et Platini se comprend aisément. La rencontre amicale n’a certes plus bonne presse : elle agace les entraîneurs, épuise les joueurs, peine à trouver son audience télé. Par ailleurs, l’UEFA a aussi besoin en permanence de maintenir l’équilibre dans son rapport de force avec les grands clubs. Ceux-là mêmes qui brandissent la menace permanente de la scission, sans oublier les récriminations contre la « perte » des capés durant la saison pour les phases qualificatives. Pour justifier la prééminence des sélections nationales, il faut que désormais, chaque match pèse, sinon les stars à crampons seront de plus en plus tentées de se réserver uniquement pour les grandes occasions, voire de négocier leur absence directement auprès du sélectionneur. Et qui paiera pour regarder évoluer des formations au rabais ?

Le calendrier surchargé entre championnats « locaux » et coupes européennes, gavées de tours préliminaires et de poules aller-retour, compresse de facto les créneaux libres pour les confrontations entre nations. Les employeurs de nos pros n’ont en outre guère envie de composer avec une hypothétique blessure de leur « salarié » sur un tacle trop appuyé d’un défenseur andorran qui livre, lui, les 90 minutes de sa vie. De fait, il ne faut pas se tromper, cette Ligue des nations n’est pas une adaptation ou une innovation, c’est d’abord une défaite. Car elle place les rencontres internationales – amicales ou non – en dessous des impératifs des clubs. Ce n’est sûrement que le début, puisque le Mondial 2022 au Qatar en hiver imposera un long processus de négociations entre les divers acteurs.

Calendrier parallèle, rythme particulier

Il faut en effet se souvenir que les grandes fédérations internationales, nonobstant leurs défauts, ont d’abord existé au contraire pour unifier le foot et accorder une onction incontestable aux rencontres amicales qui commençaient à se multiplier entre sélections nationales. FIFA et UEFA avaient pour mission de s’assurer que ce foot des nations resterait à part et surtout au-dessus. L’instauration de la Coupe du monde visait dans la même perspective à libérer le foot de la possible tutelle olympique pour proposer en face sa version de la confrontation « non armée » des peuples dans les stades. Un niveau international avec son rythme, son calendrier, ses phases qualificatives, ses repères et à sa façon son « universalisme » . Un calendrier parallèle, un rythme particulier.

Le foot des nations s’inscrivait de la sorte non seulement dans une autre temporalité, mais il échappait également à la seule logique sportive. Les matchs amicaux ou même de phases qualificatives offraient à des pays la possibilité de se croiser sur les terrains, avec d’autres préoccupations ou justifications que de respecter la hiérarchie de la puissance de frappes des avants-centres. En instaurant un système de ligues et de poules par classement, y compris avec un système de montée et descente, l’UEFA vient basiquement de fragmenter ce champ ouvert. Il faut que le match international reste exceptionnel, et non pas qu’il devienne un duplicata des grands ou petits championnats.

Parenthèses enchantées

Le problème demeure de comprendre à quoi sert le foot des nations aujourd’hui… Une ligne de palmarès sur une fiche Wikipedia ? Une plus-value pour le capé lors du transfert ? Finir premier de sa poule sera sûrement un objectif pour le sélectionneur, la Fédé, ou certains téléspectateurs. Toutefois, les matchs amicaux racontaient autre chose. Avec leur beauté et leur danger, comme un France-Algérie au Stade de France ou un Angleterre-France post-attentat. En se « professionnalisant » avec la Ligue des nations, les rencontres internationales perdent leur âme dans une routine qui va rapprocher la vie d’un groupe de 23 du quotidien de la L1. Les sélections nationales, en se retrouvant, se vivront-elles encore comme des parenthèses enchantées, ou cauchemardesques, d’où naîtraient le mystère des miracles ou les fiascos d’une Coupe du monde ? Jean Jaurès avait écrit en son temps : « Un peu d’internationalisme éloigne de la patrie ; beaucoup d’internationalisme y ramène. » Espérons que nos équipes nationales survivront à ce trop-peu.

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Par Nicolas Kssis-Martov

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