La gorge qui gratte
Quel mal ronge le football ? Nos footballeurs sont ils pris de folies passagères ? Qu’ont en commun l’italien Francesco Totti, le sénégalais El Hadji Diouf, le suisse Alexander Frei et nos compatriotes Sébastien Frey et Fabien Barthez ? Une curieuse passion ? Un dérèglement hormonal ? Voici quelques éléments de réponse, parfois tragiques, musicaux ou intellectualisés mais toujours salivants…
La tendance à cracher sur ses petits camarades de jeux est devenue pratique courante sur nos terrains, attardons-nous tout d’abord sur la définition du crachat :
Produit expulsé de la bouche, fait de salive seule ou mélangée à des sécrétions expectorées des voies respiratoires qui peuvent être purulentes, sanglantes, écumeuses en cas d’affections respiratoires.On donne couramment le nom d’ « expectoration » au crachat, par extension de sens, en langage familier.
On sait El Hadji Diouf grand amateur de musique et de mollards, cette double passion le pousserait donc à mettre en application sur la pelouse la très jolie chanson du très grand Léo Ferré sobrement intitulé le crachat :
Glaireux à souhait avec des fils dans l’amidonSe demandant s’il tombera du mur ou non
Le crachat au soleil s’étire
Son œil vitreux de borgne où la haine croupit
Brillant d’un jaune vert pâlot et mal nourriSous la canicule chavire
D’où viens-tu pèlerin gélatineux et froid
De quelle gorge obscure as-tu quitté l’emploiPour te marier à cette pierre
D’un gosier mal vissé ou d’un nez pituiteux
D’un palais distingué d’un poumon besogneuxOu d’une langue de vipère
Avant que de finir au plat sur ce granit
Etais-tu préposé au catarrhe au pruritOu bien à résoudre une quinte
Es-tu le doute du rêveur l’orgueil du fat
La solution d’un douloureux échec et matOu l’exutoire du farniente
Agacé par l’insecte au ventre crevant d’œufs
Décoloré, suintant, le crachat comateuxSur le trottoir enfin débonde
Tandis qu’agonisant sous des pieds indistincts
A l’aise enfin chez lui il me dit l’air hautain » Je suis la conscience du monde «
Francesco « gag-man » Totti et son physique d’acteur de film pour grandes personnes doit sûrement partager avec son compère du Calcio le portier Sébastien Frey, la lecture du plus que recommandé : Traité du fétichisme, A l’usage des jeunes générations de Jean Streff. Ainsi : « Dans le numéro 37 de Traverses consacrées au dégoût, Chaké Matossian, à propos « Du Crachat ou la puissance du visqueux » , distingue deux genres de cracheurs : « Au premier appartient l’homme dégoûté qui manifeste, par le crachat, l’écœurement provoqué par la vision, la sensation, le toucher et principalement l’indigestion d’un objet qui répugne au goût. Ce sujet pourra également cracher (au visage, sur le sol ou symboliquement) pour marquer son mépris. […] Au deuxième genre se rattache le cracheur faible, l’être répugnant que l’on évite, pour cela même que la substance dont il envahit l’atmosphère signale une débilité dont l’expansion risque de nous atteindre. La substance visqueuse projetée par ce corps abrite de mystérieux microbes, des virus et autres esprit animaux, dont on devine encore la puissance destructrice sous une apparente mollesse. »
Curieusement, le crachat est resté une prérogative masculine. En dehors des représentations sadomasochistes, il est en effet extrêmement rare de voir une femme cracher. »
Enfin, s’il peut dire et faire des conneries, notre Fabien national n’aura sans doute pas manqué ce terrible fait divers :
Un étudiant de l’université Carleton à Ottawa, qui participait à un concours du plus long crachat avec des amis, a tragiquement perdu la vie lorsque, en prenant le meilleur élan possible pour vaincre ses adversaires, il a fait une chute de 11 étages.
Ameer Jinah, 20 ans, est passé par-dessus la rampe du balcon de son appartement situé au 199, rue Kent, lorsque son élan a suivi son crachat. L’étudiant en génie civil célébrait son 20e anniversaire de naissance en compagnie d’une douzaine d’amis au moment où le drame est survenu vers 23 heures, samedi soir.La Police d’Ottawa a raconté qu’il s’agissait d’un incident purement accidentel. « Il aurait pris un grand élan pour cracher plus loin que ses deux amis lorsqu’il s’est accidentellement voûté par-dessus la rampe de son balcon » , a indiqué le sergent Joe Thompson, qui a ajouté que les étudiants consommaient de l’alcool lors de la fête.
Ameer Jinah était un étudiant de deuxième année à l’université Carleton. L’an dernier, il avait représenté des étudiants de première année en génie civil au conseil étudiant. Le soir de sa mort, il revenait d’un séjour à Belleville, en Ontario, où il avait visité les membres de sa famille.
En conclusion, si trop cracher dessèche la bouche et qu’il vaut mieux mâcher que cracher, il est important que tous n’oublient pas qu’il ne faut jamais cracher plus haut que son nez, de peur que cela ne nous retombe dessus.
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