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La cage de Deschamps

Par Maxime Brigand, au Stade de France
La cage de Deschamps

Enfermé depuis son arrivée dans le foot au cœur d’un cercle qui ne doit le mener qu’à la victoire, Didier Deschamps y a progressivement oublié le jeu et sa composante principale : l’identité. Oui, l’équipe de France gagne. Mieux, elle ira en Russie. Mais progresse-t-elle ? Peu importe, elle avance, répond le sélectionneur.

Gagner. Gagner encore, quelle qu’en soit la manière. L’histoire dure depuis plus de trente ans, époque à laquelle Didier Deschamps a débarqué dans un monde dont il maîtrise les codes mieux que personne et dont il est devenu le visage d’un objet aussi rare que précieux : la victoire. Dans la tête du sélectionneur des Bleus, il n’y a rien d’autre. Extrait tiré d’un rare entretien donné à L’Équipe il y a quelques mois : « J’hallucine quand j’entends que l’équipe de France n’a pas de projet de schéma de jeu. Au niveau international, aucune équipe n’est figée sur un schéma de jeu. Aucune. » Pardon ? « Et ça veut dire quoi, progresser ? C’est quoi une identité de jeu, à part des mots ? » Cruelle mise en perspective de l’essence à laquelle carbure Deschamps : le terme « progresser » ne serait donc qu’un outil de communication, un casse-tête inutile. Il faudrait donc s’y résoudre et laisser Didier Deschamps protéger un sport pour lequel il a tant donné, d’un côté comme de l’autre de la ligne.

Le foot fast-food

La consigne serait donc la suivante : on n’utilise pas le football, on ne le fait pas parler, on n’y cherche aucune satisfaction, et l’horizon ne se résume qu’à la gagne. Ici, pas de plaisir, pas de projet commun, pas de satisfaction collective, pas d’identité, pas de nostalgie non plus. Deschamps, c’est l’instant, le foot fast-food. Mardi soir, au stade de France, les Bleus ont donc tamponné leur qualification pour la Russie : dix matchs, sept victoires, deux nuls, une défaite, quelques angoisses, mais un travail rendu à l’heure grâce à un dernier succès imparfait face à la Biélorussie (2-1).

En tableau, cela donne une horloge qui se bloque à 22h42 et un coup de sifflet final qui libère « les supporters » , figures centrales du projet de la FFF porté par un Deschamps qui devrait automatiquement être prolongé jusqu’en 2020 selon la volonté affichée il y a quelques mois par Noël Le Graët. Triste réalité : même en tribunes, l’identité semble être une insulte. Là, Didier Deschamps a déjà renfilé sa cape, prêt à verser une nouvelle pluie de sciure à un auditoire qui cherche – par endroits – des réponses au flou laissé par une nouvelle campagne de qualifications bouclée sans saveur.

« Vous retenez ce que vous voulez »

Qu’on soit clair : le jeu n’a jamais été au centre du projet Deschamps, ouvert à l’été 2012 et traversé par ce triste sentiment que ce groupe, en cherchant à tout prix la victoire, a parfois oublié qu’il pouvait aussi perdre. Cela aura été le cas au Brésil, contre l’Allemagne, en Suède récemment, face au Portugal en finale de l’Euro. Mais peu importe, la vie continue. « Ce soir, j’ai le sentiment du devoir accompli, a alors ouvert le sélectionneur mardi soir, quelques minutes après sa quarante-troisième victoire à la tête des Bleus, record absolu. Je suis très content pour les joueurs, ils le méritent. On avait l’objectif de se qualifier directement, ça n’a pas été simple, mais on y est, avec un Stade de France plein, en ayant donné du plaisir aux gens, c’est aussi ça le football. »

Mais le manque de continuité, le chantier offensif, la quête relationnelle, le foot quoi ? « On ne peut pas tout expliquer, ce serait trop facile et je vous l’ai déjà dit. On a une équipe jeune.(…)Vous retenez ce que vous voulez. Moi, je retiens les deux choses : l’objectif atteint et le manque de maîtrise oui, aussi. Je ne suis pas borgne ou aveugle.(…)On veut progresser dans tous les domaines. Il y a du travail dans toutes les lignes, je ne me focalise pas sur un secteur. » L’heure du bilan, désormais, où l’on a forcément envie de se projeter, de reparler au sélectionneur du monde qui séparait l’équipe de France de l’Espagne en mars dernier. Deschamps s’accroche à l’humour : « Gagner en Russie ? Non, on va y aller pour se balader, comme d’habitude.(…)Bien sûr que je veux aller le plus loin possible. Il y a un fil conducteur dans ce groupe qui est intéressant, les garçons sont à l’écoute. Je fais en sorte d’avoir une logique qui n’est pas forcément celle de tout le monde. »

Les axes et la direction

Point positif : Didier Deschamps est sorti de son cadre sur quelques mots mardi soir, avouant que son groupe peinait souvent à « faire mal, dans la durée » à ses adversaires. On l’a vu et on le sait. On le savait avant l’Euro 2016, encore plus après et peut-être un petit peu plus encore aujourd’hui. Pourquoi s’acharner à toujours vouloir plus ? Car l’Espagne et l’Allemagne n’en sont pas arrivés là en se contentant de « marquer un but de plus » que leur adversaire et parce que voir un homme nous expliquer qu’il a ramené de la Juventus la sensation qu’on ne joue pas pour jouer, mais pour gagner interroge. Au sortir de l’Euro, l’envie était naturelle en s’attardant quelques minutes sur les ingrédients présents sur le plan de travail : il fallait construire une identité, développer un football à la française, se mettre à proposer un ensemble cohérent et courageux, mais aussi esthétique. Peut-être parce qu’on savait déjà que les Bleus avaient les armes pour et qu’ils les ont encore plus à huit mois de s’envoler pour la Russie. Problème : cela est impossible dans un pays qui ne possède pas d’hyperclub comme peuvent l’être le Barça et le Real en Espagne, le Bayern en Allemagne.

Le foot bouscule vite les ordres – et Deschamps ne dit pas autre chose –, les hommes ont donc évolué : Lemar a amené de nouvelles idées, Mbappé un nouveau génie, Kanté un nouvel équilibre. Didier Deschamps peut détester les schémas, ce que l’on retient, c’est qu’il en a changé deux fois lors des trois dernières rencontres, ce qui est impensable avec le Brésil, l’Espagne, l’Allemagne, et qu’il n’a toujours pas d’équipe type – pouvoir faire deux équipes, c’est parfois aussi ne pas en avoir une qui s’impose naturellement – après dix matchs de qualification et quelques joutes amicales. Il n’a pas non plus de certitudes, juste des axes de travail. Gagner est une chose, la façon de gagner est peut-être plus importante, Albert Camus ne disait pas autre chose à son époque, mais au-delà du style, l’important est l’état d’esprit.

Ce qui compte désormais, c’est la façon d’apprendre. Une campagne de qualifications devait servir à ça, mais aussi à mettre définitivement en place le secteur offensif français, lourdement handicapé depuis de nombreux mois par la construction initiale du jeu tricolore. En zone mixte mardi soir, Moussa Sissoko a balancé qu’une « équipe ne se fait pas du jour au lendemain » . Dur à avaler quand on sait le chemin déjà parcouru par ce groupe. Au moins aussi difficile à ingurgiter que cette sortie en forme de voile de protection lâchée par Deschamps dans la soirée : « Vous savez aussi bien que moi que deux nations européennes et une sud-américaine ont de l’avance sur nous. Ils ont l’expérience des grandes compétitions. » Détail : les Bleus étaient aussi de ces aventures, et leur guide est aujourd’hui le sélectionneur des nations majeures qui est depuis le plus longtemps à son poste. Et les relais dans tout ça ? Antoine Griezmann avait les outils ? Ils lui glissent désormais doucement entre les doigts, faute de continuité dans son décor. Pogba ? L’état-major national lui interdit de parler à la presse, le cadenasse, comme s’il ne pouvait assumer pleinement un rôle de leader qu’il se doit d’enfiler. Libérer ces promesses et leur donner une direction est plus que jamais une obligation. Sans ça, demain sera peut-être un gâchis.

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