Juve-Milan, comme au cinéma
Sans doute le plus grand des duels transalpins. Parce que Naples n'est pas en Italie, la Roma ne rivalise pas question palmarès et l'Inter compte pour du beurre de cacahuètes. Juventus Turin - Milan Ac. Deux maillots, deux écoles, deux églises, autant de façons de voir et penser le football, de le jouer et d'y gagner. Deux films d'exception.
Le Milan est une école du jeu. Depuis Sacchi, il apporte d’ailleurs souvent la meilleure des réponses à une question, si ce n’est la question : comment attaquer élégamment tout en éradiquant façon génocide toute tentative adverse ? Le rouge et le noir. Un style hors-pair. Une école de jeu, mais surtout une démonstration d’acteurs : costume brun, cheveux un peu longs, bagage culturel, montures épaisses, blonde au poignet. La classe des classes. D’abord parce qu’on recrute sur ce critère chez Silvio, et ensuite parce que le Milan contribue à le devenir. Y sont ainsi passés depuis 20 ans les trois Hollandais (imaginez-les un instant au PSG, vous savez vous-même comment ça aurait fini…), Baresi, la classe ultime, ou comment décider d’un match debout en marchant et touchant six fois la gonfle, Maldini, Redondo (même si on l’a pas vu, il devait évidemment finir au Milan) Shevchenko, Seedorf, Pirlo, Kaka. On ne va pas tous les citer, on en aurait pas fini. Même Gennaro a la classe au Milan. Et ce crevard d’Inzaghi y est moins détestable qu’à la Juventus.
C’est que la Vieille Dame, elle, s’en tamponne. Elle vient, elle gagne et s’en va. En trichant s’il le fallait. Elle s’en fout, elle a le ciel avec elle. Rayé de noir et blanc lui aussi. La Juve est plus qu’un club, c’est une façon de filmer le football : assez lente, absorption des acteurs par le dispositif, peu de dialogues, recherche de la profondeur de champ, grain de l’image un peu vieilli, stade des Alpes, l’ombre Agnelli, les ouvriers immigrés en arrière-plan et des histoires de purgatoire en D2, de piqures, de génies plus ou moins contrariés, de buts litigieux et de morts dans un stade de football.
Les deux cinémas forment une telle opposition de style qu’elle a même été adaptée par les Ricains. San Antonio Spurs – Chicago Bulls qu’ils appellent ça. Deux dynasties NBA au savoir-faire fort différent. Deux “three-peat” pour les Bulls : 1991/92/93 puis 1996/97/98, suite au retour de son altesse.
Dans les deux cas, un trio majeur : Jordan/Pippen/Horace Grant devenu Dennis Rodman au fil des années 90’s, tatoos, piercing et Carmen Electra. Grâce à ces trios – Van Basten Riijkard Gullit, qui dit mieux ? – et des parfaits “role players”, les Bulls ont alors régné sans partage sur la ligue, attaquant élégamment (le jeu en triangle de l’assistant coach de Phil Jackson, Tex Winter) et défendant aussi bien que le Milan de Baresi.
Les San Antonio Spurs, eux, ont gagné 4 titres NBA, les années impaires : 1999 puis 2003/05/07. Une alternance pleine de sens qui rappelle les notes du piano et les rayures noires et blanches de la Juve.
C’est surtout le discours de la méthode qui réunit les deux équipes : défenses serrées et plus si affinités, système huilé de chez huilé reposant sur le roi du jeu, LA plaque tournante du moment (Platini, Zidane, Del Piero, Tim Duncan), pions savamment disposés autour (le fou : Ginobili, Zlatan, la tour David Robinson, Momo Sissoko, le cavalier Bruce Bowen, Mauro Camoranesi, la dame Tony Parker, Gigi Buffon) et recherche permanente de la solution la plus simple, logique, réglée, de l’efficacité la plus totale. Certains appellent cela l’intelligence de jeu, la plupart détestent.
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