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Julio Dely Valdés : « Le Panama doit encore beaucoup apprendre »

Propos recueillis par Arthur Jeanne, au Panama
8 minutes
Julio Dely Valdés : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Le Panama doit encore beaucoup apprendre<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Ancien joueur du PSG et ex-international panaméen, Julio Dely Valdés raconte comment il a vécu la qualification du Panama pour le Mondial et ce que sa nation doit faire pour progresser encore.

Après deux matchs, le Panama est déjà éliminé du Mondial. Que manque-t-il au football panaméen pour progresser ?Je crois que nous devons faire un travail important au niveau local. Disons que nous avons fait les choses bizarrement, la sélection a énormément progressé grâce au travail de la Fédération. Au niveau des jeunes également, mais notre championnat, lui, stagne. Il reste en retrait, n’avance pas à la même vitesse que notre sélection.

À quoi est-ce dû ?

Au niveau de notre championnat, on ne perçoit pas cette culture. Les stades ne sont pas pleins. Les gens ont du mal à s’identifier à un club.

Au niveau de notre championnat, on ne perçoit pas cette culture. Les stades ne sont pas pleins. Les gens ont du mal à s’identifier à un club. Alors que théoriquement, un mec de Colon devrait être fan de l’Arabe Unido, pas du Real. Le Panaméen s’enthousiasme pour le football international. Si le Barça ou le Real joue, c’est la folie, les gens mettent les maillots, remplissent les bars, sortent dans les rues. Et cette ambiance, tu la retrouves quand la sélection joue. Au niveau sélection, le supporter panaméen a une vraie culture foot. Il connaît bien le foot ? Ça, c’est encore autre chose ! (Rires.) En réalité, les gens s’intéressent au football, mais notre culture foot est récente. J’ai joué en Uruguay par exemple et c’est totalement différent. L’Uruguay a beaucoup plus de tradition, d’histoire à ce niveau-là. Ils ont organisé un Mondial, en ont gagné deux. Il est impossible de nous comparer à eux. Il faut qu’on soit humbles, qu’on réalise qu’on doit encore beaucoup apprendre.

Comment as-tu vécu la qualification de ton Panama au Mondial ? Quand Roman a marqué le but de la qualification, j’ai ressenti une émotion folle. Un mélange de beaucoup de choses, de la satisfaction, de la fierté, de la joie. J’avais fait une sieste l’après-midi, car ici, en Espagne, avec le décalage horaire, le match se jouait au petit matin, donc je n’ai pas pu crier, pour ne pas réveiller les voisins.

D’autant plus que c’est ton frère et toi qui avez entamé ce cycle ?Oui, nous étions les coachs de la sélection aux précédentes éliminatoires où nous avions été éliminés dans les arrêts de jeu par les États-Unis.

C’était une récompense collective, d’autant que cette fois-ci, les planètes étaient alignées, nous avons eu ce petit coup de pouce du destin.

Beaucoup de choses remontent à ce moment-là. Nous savons que nous avons apporté pas mal de choses, nous avons travaillé pour que ce jour arrive. C’était une récompense collective, d’autant que cette fois-ci, les planètes étaient alignées, nous avons eu ce petit coup de pouce du destin. Alors qu’historiquement, le Panama a beaucoup souffert, il y a eu plus de souffrance que de joie. Nous avons encaissé très souvent des buts dans les derniers instants des matchs. Finalement, nous avons atteint la gloire comme le dit l’hymne national.

C’est aussi la récompense d’une génération de joueurs ?Oui, c’est un processus qui a commencé il y a longtemps. 80% des joueurs sont là depuis des années, plus de 10 ans pour la plupart en réalité. Ils ont déjà disputé trois éliminatoires au moins. Quand j’ai arrêté ma carrière en sélection fin 2005, Penedo, Baloy, Torres, Machado, Gavilan Gómez, Blas Pérez, Tejada jouaient déjà.

Le Panama n’a toutefois aucun joueur qui évolue au plus haut niveau européen.Il est vrai que nos joueurs ne jouent pas dans les meilleurs championnats, mais il y en a 30 qui jouent à l’étranger, à mon époque on était 4 mecs maximum en dehors du Panama. Le football panaméen est en pleine croissance. À mon époque, la Fédération n’était pas organisée, il n’y avait pas d’infrastructures de qualité. Et puis, surtout je crois que le Mondial, comme toutes les compétitions internationales, est particulier. Les joueurs arrivent fatigués après une longue saison. L’état de fraîcheur est donc très important, la préparation physique également, cela nivelle un peu.

Comment définirais-tu le style du Panama ? Je crois qu’en raison de nos caractéristiques physiques, les footballeurs panaméens sont très puissants, rapides. Nous avons également une grande influence du football colombien, la plupart des joueurs de la sélection ont évolué en Colombie, notre voisin. Il y a toujours eu une relation historique avec la Colombie, et donc logiquement notre football a toujours regardé vers la Colombie. Mais nous jouons de manière plus directe. Notre football n’est pas un football de possession. Nous jouons surtout en contre-attaques, ce qui correspond bien aux qualités de nos joueurs.

Parlons un peu de toi, de ton parcours. Quand tu as commencé à jouer, le football n’était pas encore organisé au Panama. Il n’y avait pas de compétitions de jeunes, pas de formation. Comment as-tu pu percer alors ?

Un Panaméen qui jouait en Argentine, ça n’était pas normal, mais quand mon frère a percé, il m’a fait venir. Il me dit viens ici tenter ta chance. L’histoire commence ainsi.

Grâce à mon grand frère, qu’il repose en paix. Mon frère Armando est l’un des meilleurs joueurs de l’histoire du pays. Il a été élu meilleur jeune du Panama en 1981, 1982 et 1983. Grâce à cela, à 18 ans, l’ambassade d’Argentine au Panama lui offre une bourse pour étudier à Buenos Aires. Il part là-bas, commence à étudier et fait un essai à River Plate. Le coach de River Plate le recommande à Argentinos Juniors. Et Armando explose avec Argentinos. Il a gagné le championnat argentin avec 1985, la Copa Libertadores l’année suivante avec des mecs comme Claudio Borghi ou Checho Batista. Un Panaméen qui jouait en Argentine, ça n’était pas normal, mais quand mon frère a percé, il m’a fait venir. Il me dit viens ici tenter ta chance. L’histoire commence ainsi.

Comment est Colon, la ville d’où vous venez ?Colon est une petite ville de la côte Atlantique. Un port important à 80 kilomètres de la capitale Panama City. C’est la capitale du sport au Panama pour le dire ainsi. Elle a offert au Panama une médaille d’or olympique en triple saut avec Irving Saladino. Des boxeurs champions du monde, des joueurs de baseball de MLB. Des joueurs de NBA.

C’est aussi là qu’Amilcar Henriquez, international panaméen, a été assassiné en avril 2017.Colon est une ville très compliquée, assez chaude. Depuis 1989 et l’invasion des États-Unis pour destituer Noriega. Enfin l’invasion… Nous, on dit toujours que ça n’était pas une invasion, puisqu’en réalité, ils occupaient déjà le pays. (Rires.) Ils avaient la concession du canal. En tout cas, depuis cette date, la situation est compliquée, il y a de gros problèmes de délinquance, de trafic.

Le football panaméen est touché par cette violence ?Disons qu’il y a eu quelques cas ponctuels, mais le football n’est pas la cause de cette violence. Le football en soi n’a même rien à voir là-dedans, la violence est dûe à des problèmes personnels.

Après avoir brillé en Uruguay et en Italie, ça t’a mené au PSG. En France, on te connaît pour cela. Je me souviens que quand j’arrive, j’étais un inconnu complet. Ils ne connaissaient pas du tout le Panama. Ils savaient juste que je venais du championnat d’Italie qui était le meilleur du monde à l’époque, ce qui me donnait un peu de crédit.

Et tes coéquipiers te posaient des questions sur ton pays ?

Rai, qui parlait espagnol, m’a intégré, m’a beaucoup aidé. Luis Fernandez aussi a été super.

Oui, il y avait un peu de curiosité, c’était un pays inconnu, mystérieux pour eux. Ils ne savaient pas le placer sur une carte. Et je crois que finalement, en tant que sportif, j’ai eu aussi un peu ce rôle d’ambassadeur à mon échelle. Si tu peux susciter la curiosité sur tes racines, ton pays, c’est positif. Et j’ai été très bien reçu à Paris, Rai, qui parlait espagnol, m’a intégré, m’a beaucoup aidé. Luis Fernandez aussi a été super. De manière générale, le PSG m’a permis de me sentir à la maison. Le Parc des Princes était très particulier, un stade mythique.

Tu as gagné la Coupe des coupes, c’est un grand souvenir ? Oui, dès ma première année à Paris, gagner la Coupe des coupes, c’était grand. Historiquement, ce sont les meilleurs résultats du PSG en Coupe d’Europe. J’ai de très bons souvenirs. J’ai aussi vu émerger Nicolas Anelka. Il était très jeune, mais déjà doué. Je me souviens qu’on était en mise au vert avec lui. Je ne sais plus où c’était, mais avant un match, donc on était tous rassemblés. Et le jour suivant à l’entraînement, je me rends compte qu’Anelka avait disparu. C’était incroyable, il était parti à Arsenal.

Tu as aussi cotoyé un autre grand attaquant français, et ça n’est pas Patrice Loko…

Trezeguet, je lui donnais des conseils sur le monde du foot, la vie, la responsabilité. Ce qu’il fallait pour devenir quelqu’un.

Oui, David Trezeguet avait fait la pré-saison avec nous. C’était déjà un buteur né. Une ou deux touches de balle, jamais plus. Comme à Paris, il n’allait pas jouer. Luis Fernandez a appelé Jean Tigana en lui disant qu’il avait un jeune attaquant très fort. Et puis il a explosé à Monaco. Pendant cette pré-saison, il avait 16-17 ans, je traînais beaucoup avec lui. Je lui donnais des conseils sur le monde du foot, la vie, la responsabilité. Ce qu’il fallait pour devenir quelqu’un. Des conseils devant le but ? Non, il n’en avait pas besoin !


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