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Jordi Cruijff, loin du père

Par Romain Duchâteau
Jordi Cruijff, loin du père

Parce qu’il est le fils d’une légende, le parcours de Jordi Cruijff n’a jamais été une sinécure. Directeur sportif du Maccabi Tel-Aviv depuis 2012, le Néerlandais s’épanouit enfin dans ce rôle, loin de l’agitation que suscite son nom en Europe. Un nouvel élan bienvenu, après une carrière émaillée de critiques, de comparaisons incessantes et de blessures.

Plus qu’un père, c’est un héritage au poids presque insondable. Une ombre omniprésente, souvent encombrante, avec laquelle il a dû apprendre à vivre très tôt. Jordi Cruijff n’a pas embrassé un destin commun, car il est le fils de l’iconique Johan. Une légende qui pèse trois Ballons d’or, quinze titres majeurs, élue deuxième meilleur deuxième joueur du XXe siécle et qui a, aussi, influencé le football mondial de ses idées novatrices. Tant de choses qui auraient découragé n’importe qui de marcher dans les pas d’un tel paternel. Sauf que par passion, Jordi a osé se lancer. Et, forcément, les comparaisons n’ont eu de cesse de jalonner son parcours. « Comme 99% de mes confrères, je me suis toujours considéré comme un footballeur, rien de plus. Mon père, lui, fait partie des 1% restants, des immortels, s’épanchait-il, à cœur ouvert, l’été dernier. Il est impossible de comparer les mortels comme moi, aux immortels comme mon père. » De ses propos transpirent une ostensible admiration. Mais aussi une nécessité impérieuse et perpétuelle de se justifier. Parce que dans sa carrière, Jordi Cruijff a toujours dû appréhender la suspicion. Et, surtout, prouver. Bien plus que les autres.

Moqueries, blessures et heure de gloire à Alavés

Quand il a vu le jour, déjà, Jordi n’était de toute façon pas destiné à vivre tel le commun des mortels. Son prénom fut le premier enregistré en Catalogne et aurait à l’époque été considéré comme une provocation manifeste à l’égard de la dictature franquiste. Comme son père, le gamin a arboré les tuniques de l’Ajax Amsterdam et du Barça. Le début des lourdes comparaisons et des remarques les plus acerbes. Dans les eighties, chez les jeunes de l’Ajax, certains n’hésitaient pas à se gausser en affirmant qu’ « il a le talent de sa mère » . À Barcelone, où il est passé pro en 1993, les diatribes n’ont fait que s’accentuer. Parce que son paternel était à la tête des Blaugrana, le Néerlandais était vu comme un pistonné. « La presse laissait entendre que j’étais là à cause de mon père, regrettait celui qui arborait autrefois le numéro 14, comme son géniteur. Là-bas, les gens ne voient pas le gamin qui essaie de jouer au foot, ils font des comparaisons. Et, évidemment, au petit jeu des comparaisons avec mon père, je ne pouvais pas gagner. J’en ai souffert. » En 1996, quand Johan Cruijff est démis de ses fonctions, il est personnellement pris en grippe par le président catalan, Josep Lluis Nuñez, qui le désigne comme l’un des responsables indirects des départs de Hristo Stoichkov et Michael Laudrup.
Pour s’épanouir, pour tenter de s’émanciper de l’ombre de son père, Jordi a dû s’exiler en Angleterre. Mais à Manchester United (1996-2000), l’aventure a été contrariée par de trop nombreuses blessures (seulement 34 matchs disputés). La faute, notamment, à un genou en vrac : « J’ai connu plusieurs graves blessures qui ont freiné la progression de ma carrière. J’étais rarement à 100% de mes capacités physiques. D’un point de vue général, je suis quand même satisfait. J’ai vécu le haut niveau. » Son heure de gloire, l’attaquant l’a vécue avec le club espagnol d’Alavés, en 2001. Avec les Babazorros, il participe à la folle épopée européenne jusqu’en finale de Coupe d’UEFA où il inscrit un but contre Liverpool lors d’une rencontre ébouriffante (défaite 4-5 a.p., but en or). Le seul fait d’armes dans une carrière où le talent n’a pourtant pas manqué. « C’était un garçon doué, très intelligent, fin dans le jeu, bon dans la dernière passe et les coups de pied arrêtés, se remémore Grégory Vignal, son partenaire quelques mois à l’Espanyol Barcelone. On sentait clairement une patte technique chez lui. En même temps, il a dû avoir de bons conseils dans la famille hein…(rires) » Sans jamais apprivoiser la lumière, il boucle son itinéraire loin du tumulte médiatique, au Metalurg Donetsk (2006-2008) et au club maltais de Valletta (2009-2010).

« À cause de mon nom, je ne suis pas quelqu’un qui peut faire des erreurs »

« J’ai toujours suivi ma voie. Je n’ai jamais cherché le mimétisme avec mon père. Mes choix de carrière n’ont rien à voir avec ceux de mon père. J’ai toujours cherché le chemin le plus compliqué pour qu’on ne me catalogue pas comme le fils de Cruijff. » Il y a du vrai dans les paroles de Jordi. En fin de parcours, à Valletta, il a un temps endossé le costume d’entraîneur adjoint en même que celui de joueur. Une expérience qui ne l’a pas pleinement satisfait. Car celui qui compte respectivement 9 sélections pour les Oranje et la Catalogne trouve davantage son plaisir un peu plus éloigné des terrains, en tant que directeur sportif. D’abord à l’AEK Larnaca (2010-2012), puis au Maccabi Tel-Aviv depuis trois ans. « J’ai pris ma Pro Licence (diplôme d’entraîneur délivré par l’UEFA, ndlr) et j’aime la tactique, mais pour le moment, ma passion n’est pas sur le terrain tous les jours, exposait-il en novembre dernier. Je préfère l’autre partie de tout ça. Le Maccabi est un club qui a tendance à être un tremplin pour les entraîneurs qui viennent, gagnent et veulent rejoindre les meilleurs championnats. Vous avez donc besoin de quelqu’un qui reste et regarde sur le long terme, de quelqu’un qui prend des décisions importantes. C’est mon job d’essayer de mettre sur pied une bonne équipe, un staff technique et un réseau de scouting. Puis collaborer avec l’entraîneur afin d’améliorer l’ensemble. »
Outre le fait de s’épanouir dans ce nouveau rôle, le Néerlandais réussit jusqu’ici tout ce qu’il entreprend. Sous son impulsion, le club chypriote de l’AEK Larnaca a accédé pour la première fois à la phase de groupes de la Ligue Europa en 2011-2012. À Tel-Aviv – « une ville fascinante où il fait bon vivre » selon ses propres dires –, Jordi Cruijff a fait encore mieux. Incapable de remporter le championnat israélien pendant dix ans, le Maccabi enchaîne les titres de champion depuis 2013 et a retrouvé cette année la C1 après une première participation il y a vingt-trois ans. Loin de l’Europe où la simple évocation de son patronyme suffit à mettre en émoi, Jordi Cruijff apporte son expérience et se plaît dans un championnat mineur encore en plein développement. « Mon rôle était d’apporter une touche un peu plus européenne dans la manière de travailler ici. Je veux dire par là plus de professionnalisme, de technologie, de conditionnement physique, faire venir des gens avec une mentalité méditerranéenne qui peuvent s’adapter rapidement à un nouveau mode de vie, expliquait-il encore avec passion. L’objectif est que les étrangers nous rendent meilleurs sur le terrain et qu’ils agissent comme des éducateurs en dehors. Je pense que nous avons réussi. Si vous me disiez que ce serait notre situation il y a trois ans, j’aurais signé pour ça immédiatement. » Pour son excellent travail fourni et ses résultats obtenus, celui dont la longue chevelure blonde a laissé place à un crâne dégarni a été approché à plusieurs reprises par des clubs allemands et anglais. Des avances toutes refusées poliment. Le fils de Johan, aujourd’hui quarante et un ans, entend encore faire preuve de patience avant de se lancer dans le grand bain. Parce qu’il le sait mieux que personne : « À cause de mon nom, je ne suis pas quelqu’un qui peut faire des erreurs. »

Par Romain Duchâteau

Propos de Grégory Vignal recueillis par RD, ceux de Johan Cruijff extraits de So Foot (numéro spécial Johan Cruijff), du Guardian et de L'Équipe

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