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JO de Paris 2024, vous avez vu le foot ?

Par Nicolas Kssis-Martov
JO de Paris 2024, vous avez vu le foot ?

Paris est officiellement candidat pour l'organisation des Jeux olympiques de 2024, avec pour principal rival (après de nombreux désistements) Los Angeles. Si l'ensemble du mouvement sportif, réuni au sein du CNOSF, s'est rallié à cette grande cause nationale, le moins que l'on puisse écrire, c'est que le petit monde du football français ne s'est pas franchement manifesté ou mobilisé à ce propos. À sa décharge, il est fort peu concerné et a la tête ailleurs...

On l’a vite oublié, mais notre compatriote Jérôme Champagne a été candidat à la présidence de la FIFA. Il a même tenté vainement de convaincre Noël Le Graët, grand manitou de la FFF et orphelin de Michel Platini, qui s’était rangé derrière Gianni Infantino, de le soutenir. Dans ce but, il avait entonné notamment une réthorique patriotique imparable : en tant que membre de droit du CIO, le futur boss du foot mondial sera des happy fewqui décideront en 2017 du choix de la ville hôte des JO-2024, ce qui pourrait se révéler d’une aide non négligeable pour notre capitale. La réponse de Le Graët s’était, paraît-il, avérée sans ambiguïté : « Les JO, je n’en ai rien à foutre. » Les propos fuités par Le Parisien ont même poussé Thierry Braillard, secrétaire d’État aux sports, à sortir de sa réserve et venir réaffirmer qu’évidemment, les footeux étaient tous derrière Paris 2024, en bons soldats du sport tricolore. Ce qui, à bien y réfléchir, n’était pas antinomique avec les propos peu amènes de l’ancien maire de Guingamp.

Un ancien médaillé en canoë et un ex-gourou du rugby

« Le foot français est effectivement plutôt absent de l’aventure de Paris 2024, tant dans le comité ad hoc pour la candidature, que dans les témoignages de soutien » , constate simplement Pim Verschuuren, chercheur à l’IRIS. De son côté, Christophe Lepetit, économiste du sport (CDES de Limoges) relativise néanmoins cette inhabituelle discrétion : « La candidature n’étant pas portée directement par la FFF (et la LFP), il est certain que son implication directe n’est pas aussi importante qu’elle ne le serait dans le cas d’une candidature à l’organisation d’un Mondial ou d’un Euro. Cependant, cela n’est pas spécifique à la 3F, les autres fédérations étant sensiblement dans le même cas. »

Il faut néanmoins noter que les deux lobbyistes en goguette au Brésil pour défendre le dossier parisien s’appellent Tony Estanguet, un ancien médaillé en canoë, et Bernard Lapasset, ex-gourou de l’IRB (International Rugby Board), et co-président du comité de candidature. C’est tout dire, au pays de Pelé.

Foot populaire vs olympisme bourgeois ?

Le premier ordre d’explication est historique, culturel puis économique, une trame qu’il est bon de rappeler. « Historien, professeur à l’université de Lausanne et directeur du Centre d’études olympiques et de la globalisation du sport, Pierre de Coubertin a toujours eu une préférence pour le rugby, explique ainsi l’historien Patrick Clastres. Surtout parce que son dégoût tout aristocratique pour l’argent dans le sport ne peut que lui faire rejeter le soccer britannique ouvert aux professionnels dès 1885. Pour les membres du CIO, issus de l’aristocratie ou de la grande bourgeoisie occidentale, l’amateurisme a fonctionné comme une barrière de classe, en particulier dans le cas du football déjà très diffusé dans les milieux populaires. Les membres de la FIFA étaient, eux, issus très majoritairement des classes moyennes alors en émergence. La passion populaire pour le football a fait de la FIFA une instance assurément plus prosaïque et démocratisée que le CIO. »

À ce fossé de mentalités s’ajoute aujourd’hui l’essentiel. « Il faut bien admettre que trois des sports professionnels les plus riches au niveau mondial ne se soucient guère des JO : le golf, le tennis et le football » , remarque toujours Pim Verschuuren. Un paradoxe que le CIO vient par exemple d’essayer de contourner en intégrant dans le programme le base-ball pour le versant Sport US, blindé en dollars, et le skate et le surf, pour s’ouvrir aux sports extrêmes ultra-médiatisés et sponsorisés. De la sorte, le ballon rond, à l’exception peut-être du tournoi féminin, pense davantage à la reprise des championnats nationaux (qui tombent en Europe pile poil au moment où la flamme s’allume) qu’aux JO, malgré les tentatives de rapprochement des points de vue et des centres d’intérêt mutuels.

La présence de Neymar en lot de consolation

« Toutefois, continue Patrick Clastres, le CIO a négocié avec la FIFA des compromis successifs afin que le football ne disparaisse pas du programme olympique, ce qui aurait affaibli symboliquement son discours universaliste. Le tournoi olympique est ainsi réservé aux seuls amateurs de 1936 à 1980, aux joueurs professionnels comme amateurs n’ayant pas participé à une Coupe du monde à Los Angeles 1984 et Séoul 1988, aux footballeurs de moins de vingt-trois ans depuis Barcelone 1992, avec la possibilité d’inclure dans la sélection trois joueurs de plus de vingt-trois ans à compter d’Atlanta 1996. » En vain… Il suffit de compter le nombre de joueurs que leur club refuse de laisser partir s’amuser dans ce tournoi que l’on dispute surtout « pour l’honneur » … La présence d’un joueur comme Neymar offre une bien piètre consolation cette année.

À ces aspects purement structurels, il faut également adjoindre le contexte français. « Le football français a déjà eu l’essentiel, en matière de grand événement sportif, à savoir l’organisation de son Euro. Et 2024 reste bien loin en matière d’agenda » , enfonce Pim Verschuuren. Dans une logique identique, Jean-Michel Aulas doit certainement compter davantage les jours avant la finale dans son « OL Land » de la Coupe du monde féminine en 2019 que suivre le compte à rebours qui s’est enclenché du côté de Lausanne.

L’Euro 2016, une chance pour Paris 2024 ?

Malgré tout, Paris 2024 affecte déjà le foot français. Le conseil d’administration du groupement d’intérêt public « Paris 2024 » a ainsi désigné neuf sites susceptibles d’accueillir les matchs des tournois féminin et masculin de football : Paris (Parc de Princes), Bordeaux, Lille, Lyon, Marseille, Nantes (le grand « oublié » de l’Euro), Nice, Saint-Étienne et Toulouse : « Chaque site accueillera entre 7 et 8 matchs, les finales masculine et féminine se déroulant à Paris, au Parc des Princes, souligne Christophe Lepetit. Cela serait donc une nouvelle fois l’occasion de réutiliser les stades de l’Euro, mais aussi d’autres stades de moindre capacité qui n’ont justement pas eu la chance d’avoir l’Euro. »

Un petit dopage inespéré dans l’amortissement des stades, fort appréciable pour faire passer la pilule du coût de 2016 dans les finances publiques. « Il y aura forcément un effet d’opportunité, renchérit Pim Verschuuren. Cela permet de justifier un peu les investissements énormes consentis pour les constructions ou les rénovations d’enceintes. » Le ministère des Sports a bien saisi la fenêtre qui s’ouvrait en matière de comm’, surtout en faisant la jonction avec le bilan jugé flatteur de l’Euro. « Au regard de ces différentes données – qui seront affinées au cours des prochains mois –, le ministère estime en tout cas que la France accroît son expertise et sa capacité à maximiser l’impact de ces grands événements pour le territoire. C’est dans ce contexte que l’État réaffirme avec force son soutien à la candidature de Paris aux Jeux olympiques et paralympiques de 2024. »

Coucou le contribuable

« La réussite de l’organisation de l’Euro est vraiment un bon signal envoyé au CIO et aux membres votants pour la désignation de la ville hôte, souligne Christophe Lepetit. Cet Euro organisé dans un contexte sécuritaire extrêmement sensible a démontré que la France pouvait accueillir le monde et assurer la sécurité des délégations et des visiteurs. Plus largement, je n’imagine pas que les acteurs du foot français ne soient pas derrière la candidature de Paris qui fait globalement consensus au sein du sport français. »

Dernier point auquel on pense finalement peu : les JO 2024 seraient aussi l’occasion de ramasser des titres à domicile, dans une compétition où nos couleurs n’ont que rarement brillé (une médaille d’or en 1984). « Nos féminines montent en puissance depuis plusieurs saisons. Elles pourraient ainsi avoir un titre à défendre ou à remporter sur le sol français, espère même Christophe Lepetit. Les Jeux, c’est aussi l’opportunité de faire mettre des Français au sport. Même si, bien sûr, l’effet ne serait pas aussi important qu’avec une autre compétition spécifique au football. Et à la condition, bien sûr, de poursuivre le travail de réforme entamé ces dernières saisons. En revanche, il y aura peu de bénéfice financier à attendre… Pour le foot comme pour les autres ! » Cela dit, perdre de l’argent n’effraie personne dans les bureaux des clubs pros. Et puis, aux JO comme pour l’Euro, c’est le contribuable qui paie.

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Par Nicolas Kssis-Martov

Tous propos recueillis par NKM

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