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Isabelino Gradin, la course contre le racisme

Par Robin Delorme
Isabelino Gradin, la course contre le racisme

Premier Pichichi de la Copa América en 1916, cet Uruguayen d'origine africaine a longtemps subi les foudres du racisme. Qu'importe, cette haine ne l'a jamais empêché de marquer et de courir. Car oui, Isabelino Gradin était également un formidable athlète et une source d'inspiration pour les poètes de son temps.

Le mois de décembre 1944 avance, et le Club Atlético Peñarol s’apprête à disputer une nouvelle finale du championnat d’Uruguay. Hospitalisé depuis quelques mois, Isabelino Gradin ne peut bouger de son brancard. Qu’importe, il arrive à envoyer des messages aux joueurs des Manyas. Il leur explique, sans prétention aucune, ce que représente l’écusson de Peñarol. Le trophée enfin acquis, tous les joueurs se rendent à l’hôpital Pasteur de Montevideo. À son chevet, ils lui dédient ce titre de champion. Quatre jours plus tard, le 21, l’ancien international de la Céleste, alors âgé de 47 ans, lâche son dernier souffle. Né de parents esclaves, il meurt comme il a vécu : dans la pauvreté la plus totale. « Comme beaucoup de joueurs de son époque, il était amateur, il jouait sans être payé. Le football est devenu professionnel en Uruguay en 1932 » , se rappelle Alfredo Etchandy, journaliste uruguayen. Plus que cette misère, Isabelino Gradin reste dans les mémoires locales comme le premier Pichichi d’une Copa América. Mieux, il a fait fi du racisme qui l’entourait au point d’avoir influencé poètes et écrivains.

Eduardo Galeano : « Il est doux comme un agneau »

L’histoire d’Isabelino Gradin est indissociable de celle de la haine raciale qui a pollué une Amérique du Sud éventrée par des décennies de commerce triangulaire. Originaires du Lesotho, ses parents migrent à Montevideo où, en 1897, ils donnent vie à Isabelino. Dans le quartier de Palermo, il grandit au milieu d’autres descendants d’esclaves. Avec son ami Juan Delgado, ils deviennent les premiers noirs à défendre le maillot de la Céleste. C’était en 1916 lors de la première Copa América. Dès le match d’ouverture, l’Uruguay écrase le Chili 4-0 grâce à un doublé de sa pointe Gradin. Chafouins, les dirigeants de la Roja sud-américaine porte une réclamation que ne renierait pas le drapeau confédéré. « L’Uruguay a joué avec deux Africains » se révèle être l’argument avancé par la Fédération chilienne, comme l’écrit le célèbre écrivain Eduardo Galeano dans son livre Splendeurs et misères du football. Judicieusement, les organisateurs balaient d’un revers ce raisonnement saugrenu et laissent Isabelino terminer cette première édition en tant que vainqueur et Pichichi – seules trois banderilles lui suffisent à briguer cette distinction.

« Il avait une grosse frappe depuis l’extérieur de la surface et allait très vite » , définit Alfredo Etchandy. Des caractéristiques qui poussent « certains poètes à écrire sur le football pour la première fois » , poursuit ce journaliste-encyclopédie uruguayen. Ainsi, Eduardo Galeano dit de lui : « Les gens se lèvent de leurs sièges quand il est lancé à une vitesse incroyable. Il domine le ballon comme s’il marchait. Sans effort, il esquive les adversaires et reprend sa course. Il est doux comme un agneau et quand quelqu’un lui fait du mal, personne ne le croit. » Idem, le poète péruvien Juan Parra del Riego lui dédie une prose dans son recueil Polirritmo dinámico : « Agile, fin, ailé, électrique, soudain, délicat, explosif, je t’ai vu jouer lors d’un après-midi olympique. » De Jeux olympiques, Gradin n’en connaîtra pourtant aucun. En 1924, puis en 1928, il décline la sélection olympique pour se dédier aux matchs de son Peñarol. Alors en bisbille avec la Fédération, son club préfère se concentrer sur une tournée argentine pour y affronter le Racing et l’Independiente.

Entre football et athlétisme, « il n’a jamais su choisir »

La carrière sportive d’Isabelino Gradin ne se limite pas au rectangle vert. Autour des terrains, sur les pistes d’athlétisme, il truste les premières places et les records. « Comme Peñarol n’avait pas de section d’athlétisme, il représentait l’Olimpia, son second club, détaille Alfredo Etchandy. Son héritage dans l’athlétisme a été si grand que l’Uruguay a dû attendre presque 60 ans pour de nouveau remporter des médailles. » Dans les faits, il remporte entre 1918 et 1922 quatre médailles d’or aux championnats sud-américains sur 400 mètres. Sur 200 mètres, il empoche deux autres breloques dorées et une dernière de bronze. « Isabelino était un surdoué physique et il avait un amour profond pour le ballon et l’athlétisme. Il n’a jamais réussi à choisir entre l’un de ces deux sports. Quand il a arrêté le football, il a monté un club d’athlétisme » , explique Juan Ignacio Ruglio, dirigeant de Peñarol, au Pais. Un Peñarol qu’il a marqué de son empreinte : près d’un siècle après ses exploits, la plus jeune des peñas du club porte son nom. Quoi de plus normal pour celui que Pelé considérait comme « son idole de jeunesse » .

Par Robin Delorme

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