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Hugo Boudin : « Mon dernier doublé, ça doit remonter aux U13 »
Avec un doublé en toute fin de match, Hugo Boudin a permis au Stade briochin (N2) de s’offrir l’OGC Nice (2-1) et une qualification historique en quarts de finale de Coupe de France. Au lendemain de ce moment spécial, le défenseur de 32 ans raconte cette douce folie, sans vouloir non plus quitter le monde réel.

Ces dernières heures ont dû ressembler à un tourbillon pour toi après ton doublé, entre les nombreux messages et les sollicitations médiatiques. Comment tu le vis ?
Il faut en profiter. Ce sont des moments rares, qui ne reviendront pas forcément. Ou si ça arrive, ce sera encore plus exceptionnel. (Rires.) On savoure la qualification, même si oui, c’est un peu brutal, je n’ai pas l’habitude de recevoir autant de messages. C’est un peu perturbant parce qu’il faut être en mesure de répondre à tout le monde.
Tu es courtier en prêts immobiliers, c’était quoi ta journée post-qualification ? Tu as bossé ?
Je suis à mon compte. J’avais fait l’erreur la dernière fois contre Annecy de ne pas avoir posé ma matinée et ça avait été compliqué. Là, je me suis dit que j’allais poser ma demi-journée pour être tranquille. Hier, j’ai même envoyé un message à ma femme pour lui dire : « J’ai bien fait, on va gagner ce soir ! » Et ça n’a pas loupé. En revanche, je ne pensais pas que j’allais marquer, et encore moins un doublé…
Après le corner niçois, je n’y vais pas du tout pour marquer, ce n’est pas le projet. L’idée, c’était de me sacrifier pour les partenaires.
Quand on regarde tes lignes de statistiques, tu n’avais plus marqué depuis la saison 2019-2020. Un doublé, c’était déjà arrivé ?
Ça doit remonter aux U13 ! (Rires.) Je jouais encore à l’AS Contest Saint-Baudelle, mon club d’enfance. D’ailleurs, des gens du club sont venus au match hier en minibus. On en rigolait après, en se rappelant mon dernier doublé. Ça date quand même de l’époque où je jouais encore numéro 10. J’avais 12-13 ans, ça faisait 17 ans que ce n’était pas arrivé ! (Rires.)
Tu as un peu de chance sur le premier but, mais est-ce que tu peux nous raconter le deuxième, celui de la victoire. Tout part d’un corner pour Nice et on te voit courir comme un fou sur le contre, qu’est-ce qui se passe dans ta tête ?
À la base, j’aime ressortir vite sur les coups de pied arrêtés pour montrer à l’adversaire qu’on ne va pas rester chez nous. Et là, on repart avec le ballon, avec un trois contre deux qui se dessine à la 96e. Je n’y vais pas du tout pour marquer, ce n’est pas le projet. On voit bien sur les images, je me mets juste dans la course du numéro 6 (Tom Louchet) pour qu’on maintienne ce trois contre deux. L’idée, c’était de me sacrifier pour les partenaires, on me pousse, j’ai failli tomber, mais je suis resté debout. Artur (Zakharyan) n’a pas d’autre choix que de tirer fort croisé, c’est le jeu, et je suis persuadé qu’il va le faire. Je me dis que quand le gardien va la relâcher, il va falloir pousser dans le but…
😱😱 C'EST TOTALEMENT FOU !!!! ⌛️ Mené jusqu'à la 88eme minute, le Stade Briochin s'offre le scalp de l'OGC Nice à la toute dernière seconde !!!! ➡️ Le club de National 2 élimine le club de Ligue 1 et se qualifie pour les 1/4 de finale de la Coupe de France !!#Action pic.twitter.com/PamJYM8VYH
— beIN SPORTS (@beinsports_FR) February 5, 2025
Tu comprends tout de suite ce qui vient de se passer ?
Je ne sais pas trop sur le moment, je ne suis pas habitué à marquer, donc la célébration n’est pas du tout calculée. Je regarde quand même s’il n’y a pas hors-jeu, puis je vois tout le monde qui me court dessus. Je subis un peu les choses, je suis cuit, je viens de courir sur 80 mètres. Quand on a arrêté de célébrer et que j’ai entendu le bruit du stade… Je me suis dit qu’il fallait tenir.
La fête de la qualification, c’était comment ? On peut imaginer que ça a duré tard dans la nuit…
On n’a pas changé nos habitudes, on est restés tous ensemble au foyer, avec nos familles pour savourer ce moment. Je ne sais pas si on doit dire que ça a fini tard ou tôt… (Rires.) En toute transparence, ça s’est terminé entre 5h et 6h du matin. On a bien fêté ça. Je tairais les noms, mais il y a des joueurs qui ont passé la nuit sur le canapé dans la maison en face du foyer !
On dit souvent que la Coupe de France génère un sentiment de revanche chez les amateurs qui ont envie de taper les pros. C’est quelque chose qui existe chez toi, qui jouait en jeunes à Laval et rêvait sans doute d’une carrière pro ?
Je ne dirais pas que c’est une revanche, c’est du plaisir. Je suis issu d’une famille de commerçants-artisans, où la culture du travail m’a été inculquée très jeune. J’ai toujours gardé un bagage au cas où ça ne marche pas dans le foot, dans l’anticipation. Peut-être à tort parce qu’on m’a reproché d’anticiper l’échec.
Ça me plaît d’être dans le monde réel. Le foot, c’est une bulle. Ce qui se passe là, c’est éphémère. Aujourd’hui, mon téléphone va sonner 150 fois dans la journée, mais demain, il n’y aura plus rien.
Comment ça ?
Quand j’étais à Laval, j’ai voulu poursuivre mes études et je suis allé jusqu’à bac +2. Je voulais même continuer au-delà, mais le club avait refusé comme c’était à Angers. J’ai dû faire un choix, j’ai arrêté les études, mais à un moment, ce n’est pas ma vie de me lever pour aller faire du foot et me faire chier l’après-midi. J’ai tout le temps besoin d’être en activité. C’est pour ça aujourd’hui que je continue de travailler à côté, ça me plaît d’être dans le monde réel. Le foot, c’est une bulle. Ce qui se passe là, c’est éphémère. Aujourd’hui, mon téléphone va sonner 150 fois dans la journée, mais demain, il n’y aura plus rien.
En gros, on comprend un peu que tu n’aurais pas spécialement été épanoui dans une vie de joueur professionnel : entraînement le matin, ennui l’après-midi…
Je l’ai vécu quand j’étais à Laval. J’allais à l’entraînement le matin, je jouais à la console l’après-midi et j’allais boire un coup avec les copains en fin de journée. Et ça s’arrêtait là. Franchement, qu’est-ce qu’on retient d’une journée comme ça ? Pas grand-chose. Je ne suis pas sûr que j’aurais été épanoui. Ça a toujours été un rêve d’être footballeur pro depuis que je suis tout petit. Ça ne s’est pas fait, et je ne regrette pas du tout par rapport à ma vie aujourd’hui.
Cette édition de Coupe de France illustre encore la grande qualité des championnats nationaux amateurs, c’est quelque chose que tu constates aussi ?
À Saint-Brieuc, on est une équipe de copains, sans prise de tête, sans pression, mais quand on voit le nombre de joueurs de la N2 qui finissent dans le monde professionnel… C’est un monde qui n’est pas assez mis en lumière, avec des joueurs de qualité. Quand on a fait une grosse saison en N1, Amadou Sagna est parti à Niort et il est maintenant à Guingamp ; Walid Nassi a signé à Dijon et il joue au Raja Casablanca ; on le voit aussi avec Justin Bourgault qui était chez nous l’année dernière et qui est passé de Concarneau à Brest cet hiver. Des clubs font des paris, à l’image de Brest, en allant chercher des joueurs locaux qui n’ont peut-être pas eu la chance d’être performants en U19, c’est comme une seconde chance. Je trouve ça bien. Parfois, certains joueurs de N2 me posent plus de problèmes que d’autres rencontrés en Coupe de France et qui évoluent à un niveau supérieur.
Comment on contient une ligne offensive composée de Gaëtan Laborde, Mohamed Ali-Cho ou Sofiane Diop ?
C’est sur un match, on sait qu’il n’y en aura qu’un et on se dit qu’il faut tout donner. Après, il faut être lucide : j’ai été en difficulté contre Mohamed-Ali Cho, entre sa vivacité, sa technique, c’est fort. Quand vous regardez les déplacements de Gaëtan Laborde, c’est le haut niveau. On fait le maximum et on a aussi la chance de bien se compléter avec Christophe (Kerbrat) et Benjamin (Angoua), ainsi qu’avec nos pistons et les milieux.
Ce sont deux joueurs qui ont joué en Ligue 1, qu’est-ce que tu as appris à leur contact ?
En fait, c’est l’exigence du détail. Être bon une fois, c’est facile, après être bon tout le temps, c’est plus compliqué. C’est la répétition : se dire qu’il faudra encore être bon demain. Et qu’il faut être ultra concentré dans toutes les situations. On m’a toujours dit que le foot, c’était des détails, et on s’en rend bien compte face à ce genre d’équipe. C’est vraiment la rigueur et cette exigence qu’ils ont pu apporter.
Beaucoup de Ligue 1 sont éliminées, le tirage arrive. Quand on est une N2, on souhaite tirer le PSG ou on commence à espérer à ce stade de la compétition d’aller encore un peu plus loin, genre le Stade de France ?
On ne parle pas du tout du Stade de France entre nous. Forcément, quand on voit qu’on avance, on se dit qu’on va encore réussir à le faire. Encore plus hier, quand on bat l’OGC Nice qui est une équipe du top 5 France. On se dit que rien n’est impossible. Je suis persuadé qu’on va jouer Cannes, je ne sais pas pourquoi. Il y aura une N2 en demi-finales, c’est la Coupe de France !
Tu as connu Franck Haise à ton époque lavalloise, on parlait des différences entre le foot amateur et le foot pro, vous avez pu échanger ?
Je l’ai connu quand il commençait sa carrière de coach au Stade mayennais, ça reste une personne humble qui n’oublie pas d’où elle vient. Je lui avais envoyé un message avant le match, en lui demandant si on pouvait avoir des maillots. C’est quand même des joueurs qu’on regarde à la télé ! Le club de Nice nous a offert quelques maillots, c’est franchement top de leur part, car ils n’étaient pas obligés après la défaite. C’est un beau geste. Je n’ai pas trop réussi à parler avec lui après le match, il devait être énervé, mais il m’a envoyé un message de félicitations. J’ai trouvé ça beau de sa part.
Tu penses que c’est une soirée qui peut changer quelque chose à ta vie ?
Ce sera éphémère, on va rester les mêmes. On continuera d’aller le dimanche au marché à Plérin. Il y a un certain respect de la vie privée ici, personne ne vient trop nous déranger. On nous laisse profiter de notre vie. À part des messages de félicitations, je ne vois pas trop ce que ça va changer à mon quotidien
Propos recueillis par Clément Gavard et Théo Juvenet