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Grégory Poirier : « Pour les jeunes joueurs, Martigues est un peu comme un film avec Demi Moore »

Propos recueillis par Hugo Lallier
8 minutes
« Martigues, c'est comme un film avec Demi Moore »

Il n’y a pas que Will Still dans la vie. À 40 ans, Grégory Poirier est un autre rookie du banc de touche qui n’en finit plus de grimper. Après avoir fait monter Martigues depuis le National 2, le voilà coleader du National à deux mois de la fin du bal, et le Rochelais tutoie un objectif intime : imposer son jeu offensif au haut niveau.

Il y a un an, Martigues était en quatrième division. Là, le club est aux portes de la Ligue 2. Quelle est la recette du coach Poirier ?

J’essaye d’obtenir des résultats par le jeu. Lorsque je suis arrivé à Martigues, j’évoluais dans un championnat de N2 qui a la réputation d’être axé sur le duel et l’intensité. Il fallait que mes joueurs adhèrent à l’idée qu’on puisse produire un jeu de position. Après diagnostic de l’effectif, j’ai proposé une méthode d’entraînement et un plan d’action aux joueurs. La mayonnaise a pris. Des principes de jeu se sont très vite dégagés : du jeu combiné et le plaisir au centre de l’aventure.

Ce sont des concepts alléchants, mais ça veut dire quoi concrètement un jeu de position ? Beaucoup de techniciens français assurent que ce n’est pourtant pas possible de bien jouer avec des équipes dites « modestes »…

Dans le jeu de position, ce qui est important, c’est de poser des problèmes à l’adversaire par le placement de ton équipe. Pour le mettre en place, il faut instaurer un cadre précis. Quel que soit le niveau, ce cadre permet à chaque joueur d’avoir des repères en fonction des zones de jeu. On a évidemment moins de moyens que le PSG, mais oui, c’est possible. On peut s’appuyer sur plein d’outils. On s’est par exemple battus auprès de la mairie pour tracer et diviser le terrain en différentes zones de jeu pour mieux travailler notre élan collectif.

S’en tenir aux individualités revient à être exposé pour un coach. Si votre meilleur joueur est dans un jour sans, vous peinez à gagner le match. Le projet de jeu est une valeur refuge.

Poirier sur l’équilibre collectif

Pourquoi les entraîneurs de la nouvelle génération, dont tu fais partie, parlent-ils autant d’expression collective, de projet de jeu ?

Le football a considérablement évolué tant au niveau professionnel qu’amateur. Il y a vingt ans, le football était un sport fait de successions d’actions individuelles. Gagner un match revenait à remporter le rapport de forces dans les duels défensifs et offensifs. Aujourd’hui, les pratiques de jeu évoluent et se collectivisent. Pourquoi ? Parce que s’en tenir aux individualités revient à être exposé pour un coach. Si votre meilleur joueur est dans un jour sans, vous peinez à gagner le match. Le projet de jeu est une valeur refuge. J’insiste : ça permet aux joueurs d’avoir des repères lorsque l’adversaire vous met en difficulté.

Martigues est-il désormais capable d’aller chercher la montée ?

Un des enjeux de la seconde partie de saison pour notre staff a été de faire passer un cap mental à l’équipe. De mettre dans la tête des joueurs que nous n’étions plus « une petite équipe ». Les adversaires changent leurs approches au vu de nos résultats et, nous, nous devons chaque week-end imposer un peu plus notre force à l’adversaire. Sur cet aspect, j’ai grandi, moi aussi. Avant, je n’osais pas toujours attaquer de la même manière à l’extérieur qu’à domicile. C’est plus confortable de se dire qu’à l’extérieur, il faut gratter des points. Aujourd’hui, j’assume de jouer avec le ballon loin de la maison.

Justement, existe-t-il encore une différence entre les matchs à l’extérieur et ceux à domicile ?

Non, c’est de moins de moins prépondérant, c’est vrai. Déjà car les contextes hostiles qui visent à mettre les adversaires dans un inconfort disparaissent peu à peu. Il y a encore une quinzaine d’années, les joueurs étaient davantage ancrés sur le long terme dans les clubs : perdre chez soi était une honte sociale. Les arbitres avaient aussi un peu plus de pression. Aujourd’hui, on est plus sur une génération zapping. C’est l’économie du foot qui veut ça.

On oppose souvent la rigueur, même l’efficacité, au football offensif. À t’écouter, tu es plutôt un pragmatique…

Je suis un gagneur. J’ai cette mentalité de la gagne. Elle vient de mon parcours modeste de joueur. J’ai optimisé mes qualités moyennes pour devenir professionnel, à Nîmes ou à Amiens. Je n’étais pas le plus talentueux, mais j’étais déterminé. Dès cette époque, je savais que je voulais être entraîneur, côtoyer le monde professionnel m’a permis d’emmagasiner des connaissances. Mais à 31 ans, j’ai subi quatre opérations pour une double fracture déplacée. Mon corps était inapte… Alors je suis reparti tout en bas, en R2, l’équivalent de la septième division, pour effectuer le métier que je rêvais de faire : entraîner.

 

Et là pour retrouver le haut niveau, c’est le début d’un parcours du combattant…

Je me suis préparé à ça. Pour accéder à mon objectif, je n’avais pas le choix : il fallait que je monte à l’étage supérieur chaque année. Heureusement que j’ai commencé à 32 ans… (Rires.) Je joue ma sixième montée depuis le début de ma carrière. Je suis d’abord monté en R1 avec Endoume, un club du bassin marseillais, puis en N3. Et je suis parti en N2 à Saint-Malo puis à Sedan. Et là j’ai connu mes premiers coups d’arrêt.

On a beau savoir que les meilleurs se sont tous fait limoger, quand ça t’arrive, ça pique. C’est violent. Je dirais même que c’est un choc social.

Greg le non-millionnaire

C’est même là où tu connais le chômage. On dit que pour être un bon entraîneur, il faut avoir été viré au moins une fois… Est-ce vrai ?

C’est con à dire – parce que cette phrase, je l’ai beaucoup entendue –, mais on a beau savoir que les meilleurs se sont tous fait limoger, quand ça t’arrive, ça pique. C’est violent. Je dirais même que c’est un choc social. La veille, tu allais jouer au padel avec tes potes et tu étais reçu comme le coach du club de N2, de la grande ville. Là, tu n’es plus personne. Quand t’es au chômage, tu as l’impression de ne servir à rien. Tu as peur de ne plus redevenir entraîneur.

Et que fait-on durant tout ce temps d’attente ?

J’en ai profité aussi pour régler des choses familiales, me rapprocher de mes parents que je voyais moins avec mon métier. Ensuite, j’ai pris le temps de réfléchir, de remettre en question ma méthode. Je stagnais un peu dans ma progression, j’étais arrivé à un moment de mon parcours où il fallait que je mette à jour mes idées pour aller plus haut. Par exemple, j’ai beaucoup réussi au départ en étant seul. Désormais, je délègue puisque je dispose de structures pour m’accompagner, ce que je peinais à faire au début. Avec du recul, les passages mitigés à Saint-Malo et Sedan m’ont fait être un meilleur entraîneur.

Pourquoi ?

J’ai évolué. J’ai changé. Je viens d’un héritage défensif, au départ. Je me suis toujours construit par le résultat. À Endoume, je voulais d’abord asseoir mon assise défensive. Faire du jeu n’était pas ma priorité. Il y a quatre ans, j’arrive à Saint-Malo, un club très marqué par l’héritage de Christian Gourcuff. À l’inverse, peu importe le résultat, les supporters réclamaient que l’équipe joue au ballon. J’arrivais des quartiers marseillais où j’avais structuré mon équipe autour de l’intensité basée sur la culture de la gagne et le dépassement de soi… Et là, ça a cloché…

Tu parlais tout à l’heure du rapport à l’identité de la ville, y a-t-il eu un choc culturel ?

J’aurais davantage dû m’appuyer sur la culture locale. Il y a une chose que je conserve de cette expérience : il faut être au fait de l’identité du coin dans lequel tu arrives. Sinon tu te plantes. L’enjeu, c’est de proposer un projet de jeu qui convient à l’identité du club, mais qui n’est pas en contradiction avec ta philosophie personnelle. Parce que sinon tu vas être confronté à un problème : tu ne vas plus te reconnaître dans ton équipe. Et là tu plonges, car tu te renies. En arrivant à Martigues, j’ai essayé de concilier tout ça.

Comment définirais-tu l’identité du club de Martigues ?

C’est la culture sudiste qui domine ! Tout le monde en est fier. J’essaie de proposer un jeu intense mais patient, qui colle aux joueurs et à l’ADN des supporters. Il faut aussi se mettre dans les pas de l’histoire du club. Martigues a été en Ligue 1 dans les années 1990. Le passé ne permet pas de gagner des matchs… Quand je parle à mes joueurs des gloires de cette génération, c’est un peu comme si tu leur parlais d’un film avec Demi Moore, ça leur parait loin, mais le récit de ces épopées permet de rendre cela envisageable. Il y a un horizon. La ville a connu l’élite.

Est-ce que c’est un élément mis en avant lors du recrutement ?

Ce qui attire surtout, c’est le cadre de vie. On ne peut pas proposer les salaires de certaines grosses cylindrées de notre championnat, mais Martigues, c’est la Venise provençale. On joue sur ça.

Mais vous devez tout de même faire face à la concurrence de l’OM…

C’est le club qui vampirise toute la région. L’attention de la population et des pouvoirs publics est concentrée sur l’OM, et c’est normal. C’est le grand club ! Pour autant, Martigues intéresse. On a des clubs de supporters historiques, il y a aussi une nouvelle génération d’habitants qui se rapproche de nous. La ferveur autour de Martigues n’est pas artificielle.

Tu as travaillé à Endoume, désormais à Martigues, que penses-tu du niveau de la formation ici ?

De toutes les discussions que je peux avoir avec les éducateurs qui connaissent bien le bassin marseillais, il n’est malheureusement pas au niveau de la région lyonnaise ou de l’Île-de-France. Peut-être qu’il doit y avoir une évolution dans la culture de notre formation : mettre moins la gagne au centre du projet de formation. Mais le côté passionné du Sud est aussi une force. Si l’OM était une vitrine de notre savoir-faire, cela aiderait grandement je pense.

Dans cet article :
Ligue 2 : le FC Martigues interdit de recrutement jusqu’à la fin de saison
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Propos recueillis par Hugo Lallier

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