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Genou à terre, debout à tort ?
Finalement, les Bleus n’ont pas mis un genou à terre avant le match contre l’Allemagne. Ce geste annoncé et attendu a depuis été éclipsé par l’ULM à la Docteur Folamour de Greenpeace et la victoire face aux voisins germaniques. Il n’en reste pas moins que la polémique qui a accompagné cette promesse avortée souligne une fois de plus que, malgré toute la bonne volonté du monde et les souhaits du président, cette EDF ne guérira pas les maux de la société, ni ne permettra d’en dissimuler la profonde division.
Depuis mardi soir, les explications et justifications se multiplient pour déterminer les causes de ce raté militant. Le Parisien croyait savoir que l’accélération du coup d’envoi après l’attaque du Mandalorian écologiste avait quelque part pris de court les Bleus. De son côté, Hugo Lloris a avancé une autre ligne de défense un peu vaporeuse. « Le genou par terre, c’était une décision collective. On part du principe que si on doit le faire, toutes les nations doivent le faire avec l’appui de l’UEFA. C’est le cas en Premier League, où le mouvement a été ensemble et solidaire. Sur cette compétition, c’est moins le cas. » Certes. Toutefois, depuis le début, la Belgique, l’Angleterre, le pays de Galles, l’Écosse ou la Suisse n’ont pas manqué à leur « sens du devoir » . Mercredi encore, à Bakou, Gallois et Turcs s’y sont attelés. D’ailleurs, la sélection de Deschamps s’y était aventurée lors de son match de préparation contre l’équipe de Gareth Bale. Néanmoins, c’est surtout chez nous, et si l’on excepte la Hongrie d’Orbán pour des raisons évidentes, que le sujet a suscité une polémique d’ampleur débouchant jusqu’au puant hashtag #BoycottÉquipeDeFrance, largement porté par la fachosphère et les zemmouriens en précampagne.
Cause de tracas
À quelques jours d’échéances électorales qui s’annoncent tendues, et à une année d’une élection présidentielle qui sent plutôt mauvais, le genou à terre des Bleus a forcément réveillé le surmoi de la droite, et de l’extrême droite naturellement. Dans un pays jamais autant divisé, le RN impose de plus en plus ses thématiques, son inconscient idéologique et même son agenda. Il n’a plus peur de s’en prendre à des Bleus qui, de leur coté, se tiennent de moins en moins loin du combat partisan (on se souvient a contrario de leur silence lors du second tour Marine Le Pen vs Macron). Dernière incarnation d’un patriotisme collectivement assumé, l’EDF s’est transformé en champ de bataille, sans trêve ni union sacrée. Les anciens frontistes qui désormais visent le pouvoir ne peuvent laisser ce bastion à leurs ennemis « mondialisés de l’anti-France ».
Exemple de ce besoin de travailler les fondamentaux sur le dos du maillot bleu, l’eurodéputé Jean-Lin Lacapelle s’est exclamé « STOP à la repentance ! » à la fin d’un post sur Twitter. De son côté, Thierry Mariani, candidat RN pour les régionales en PACA, ressasse l’idée que « Black Lives Matter, c’est un drame (…) avec la police américaine, pas avec la police française, qui n’a jamais eu ces dérives ». On tient à sa disposition quelques coupures de presse, mais à quoi bon ? Dans la course à l’échalote, une droite LR en voie de disparition a senti la bonne prise pour son électorat. Le député Eric Ciotti a ainsi intimé l’ordre à l’équipe de France de « rappeler son soutien à notre police », en déplorant qu’elle n’ait pas mis un genou à terre « pour les victimes du terrorisme islamiste ou les policiers assassinés par des barbares ». Darmanin a dû se retenir de liker le tweet.
Quels soutiens ?
On comprend dès lors, devant un tel déferlement, que les Bleus, « lassés » selon certaines fuites, se soient retenus au dernier moment. D’autant plus que les soutiens se font pour le moins discrets. Même à gauche, faute peut-être de mesurer l’enjeu de ce qui se joue autour des Bleus. Certes, l’eurodéputée LFI Manon Aubry a affirmé être « fière de notre équipe de France qui s’engage contre le racisme et les discriminations.(…)Le déferlement de haine de l’extrême droite qui a lancé le hashtag #BoycottÉquipeDeFrance montre à quel point les Bleus ont raison de se mobiliser ! » Cependant, sa voix s’avère quelque peu isolée, hormis évidemment des figures intellectuelles comme Rokhaya Diallo qui trouve « fascinant un pays où l’on déploie plus d’énergie pour protester contre un geste antiraciste que pour lutter contre le racisme. Force aux Bleus ! »
Du côté institutionnel, cette fois-ci Noël Le Graët n’a pas réitéré le « lâchage » de l’affaire Youssoupha et affirmé au micro de RMC que « nos jeunes joueurs prennent conscience de ces difficultés, je trouve cela très honorable et intelligent de leur part ». La ministre des Sports, Roxana Maracineanu, a pour sa part justifié leur volonté de départ avec une habituelle rhétorique sur « le sport [qui] est un formidable outil pour lutter contre les discriminations ». Est-ce que cela sera suffisant pour leur donner le courage d’oser franchir le Rubicon le soir de la finale, devant toute l’Europe et le peuple de France ?
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