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  • Un jour, un transfert
  • Épisode 49

Freddy Adu à Monaco : pari marketing, fiasco sportif

Par Raphaël Brosse
6 minutes
Freddy Adu à Monaco : pari marketing, fiasco sportif

Cet été pendant le mercato, So Foot revient chaque jour de la semaine sur un transfert ayant marqué son époque à sa manière. L’épisode 49 met en lumière la brève apparition de la comète Freddy Adu en Ligue 1, sous le maillot de Monaco. Le jeune Américain débarque sur le Rocher avec le statut de crack en puissance et son arrivée représente un intérêt marketing évident pour l’ASM. Sur le terrain, cependant, il est à des années-lumière de confirmer l’immense potentiel qu’on lui prête.

À première vue, tous les ingrédients de la success story typiquement américaine sont réunis. C’est l’histoire d’un gamin né dans une ville portuaire du Ghana. Un jour, sa mère gagne à l’US Green Card Lottery, ce qui permet à toute la petite famille d’émigrer aux États-Unis. Là-bas, le jeune garçon fait preuve de qualités folles balle au pied et tape dans l’œil des plus grands. Il se murmure que l’Inter Milan est prêt à proposer des sommes faramineuses pour le faire venir en Lombardie, en vain. Le prodige reste dans son pays d’accueil, est premier choix de la Draft en 2004, devient professionnel à 14 ans, international à 17 et incarne donc l’avenir du Team USA. Cette histoire, c’est celle de Fredua (dit « Freddy » ) Koranteng Adu. Figure montante du soccer, le milieu offensif de DC United surfe sur une impressionnante vague médiatico-commerciale. Nike est parvenu à l’attirer dans ses filets alors qu’il n’avait que 13 ans, moyennant un contrat d’un million de dollars. Ici, on l’aperçoit sur CBS, dans le « Late Show » de David Letterman. Là, on le voit dans une publicité pour un soda, en compagnie du Roi Pelé. Son départ pour le Benfica et l’Europe, à l’été 2007, est censé donner une autre dimension à cette hype déjà XXL. Mais son passage par Monaco, un an plus tard, marque un coup d’arrêt brutal dans cette si belle histoire.

Il est à mes yeux l’un des joueurs les plus talentueux des États-Unis et deviendra à ce titre le meilleur ambassadeur du football américain en Europe.

Un nouveau monde à conquérir

Jusqu’alors guère suivie depuis le Vieux Continent, la Major League Soccer attire subitement l’attention à partir de 2007, au moment de l’arrivée de David Beckham au Los Angeles Galaxy. Pas de quoi faire grimper en flèche le niveau d’un championnat jugé bien inférieur à celui du Top 5 européen. Mais ce choix de carrière du Spice Boy et l’engouement suscité aux États-Unis en interpellent plus d’un : oui, il y a un énorme marché à conquérir outre-Atlantique. Jérôme de Bontin ne le sait que trop bien. Celui qui a succédé, en avril 2008, à Michel Pastor en tant que président de l’AS Monaco occupe en parallèle des fonctions au sein de la fédération US de football. Et l’homme d’affaires franco-américain compte profiter du mercato estival pour enrôler Freddy Adu. Le jeune homme a réalisé des débuts mitigés au Benfica (deux buts en onze matchs de championnat) mais sa marge de progression paraît encore énorme. « Je prends un risque en le disant, mais il va rappeler Sonny Anderson avec cette capacité, sur son talent, à faire lever les spectateurs et gagner des matchs à lui seul », ose le dirigeant monégasque au moment de présenter sa nouvelle recrue de 19 ans, prêtée pour une saison par le club lisboète. Surtout, celui qui affole alors les acharnés du jeu Football Manager est susceptible de générer une attention nouvelle et de séduire de potentiels investisseurs venus d’Amérique du Nord. « Il est à mes yeux l’un des joueurs les plus talentueux des États-Unis et deviendra à ce titre le meilleur ambassadeur du football américain en Europe », promet encore De Bontin.

Toujours accompagné de son large sourire, Adu participe sans rechigner aux interviews et opérations marketing prévues dans son agenda. Les supporters asémistes, eux, ont hâte de découvrir le phénomène sur le terrain. Ils vont vite déchanter. Absent en début de saison car engagé dans le tournoi olympique, le milieu offensif américain entre une première fois en jeu contre Caen, fin août. Pour trois petites minutes. Il en obtient huit la semaine suivante à Grenoble, puis onze contre Lorient. Ricardo ne le titularisera jamais en championnat, et pour cause : le joueur d’1,70 m n’a absolument pas le niveau pour évoluer à cet échelon. Ses carences techniques sont criantes, et certains observateurs estiment d’ailleurs que le « nouveau Pelé » n’a même pas les qualités requises pour s’imposer en CFA. L’apogée de son œuvre monégasque a lieu face à Bordeaux, juste avant les fêtes. Après avoir remplacé Alexandre Licata à un quart d’heure de la fin d’une rencontre haletante, l’international américain dégage un ballon en corner alors que personne ne le presse. Les Girondins égalisent sur ce coup de pied de coin et finissent par l’emporter (3-4). Clap de fin chez les Rouge et Blanc pour Freddy Adu, dont l’option d’achat aurait été obligatoirement levée s’il avait disputé au moins dix matchs de championnat avec le club de la Principauté. Son compteur restera bloqué à neuf, et ce n’est certainement pas par hasard.

Ce prêt à Monaco est la plus grosse erreur de ma carrière.

La première étape d’un long chemin de croix

La stratégie gagnant-gagnant prônée par Monaco avec certaines de ses recrues à l’époque – le club s’offre de nouvelles perspectives marketing, pendant que le joueur se fait un nom en Europe – est couronnée de succès avec Park Chu-young, auteur d’exercices aboutis sur le Rocher avant d’être transféré à Arsenal. Avec le jeune Américain, en revanche, l’échec est cuisant. « Adu est arrivé en retard à cause de sa participation aux Jeux olympiques de Pékin, où il a été l’un des meilleurs joueurs. Mais quand il est arrivé, Pablo Pino marchait fort. Résultat, Adu a peu joué. Et il a perdu confiance », se désole Jérôme de Bontin, parti précipitamment de l’ASM en février 2009. Dans la foulée de son flop monégasque, le natif de Tema retourne au Benfica, puis multiplie les expériences à l’étranger, de la Grèce à la Suède, en passant par la Turquie, le Brésil, la Serbie ou la Finlande. Un long et pénible chemin de croix, lors duquel l’ancien de DC United est bien loin de répondre aux immenses attentes placées en lui à ses débuts. A-t-il été vu trop beau trop tôt ? Était-il trop friable mentalement, ou pas assez bosseur ? Il y a sans doute un peu de tout cela. En tout cas, l’intéressé est sûr d’une chose : «  Ce prêt à Monaco est la plus grosse erreur de ma carrière. Je le dis du fond du cœur. Si je pouvais revenir en arrière, je ne prendrais pas la même décision », lâche-t-il en 2020, alors qu’il évolue à Österlen (D3 suédoise). Avant d’ajouter : « J’ai rejoint le Benfica en même temps que Di María et la première année, j’étais meilleur que lui.  » Les choses ont visiblement bien changé depuis.

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Par Raphaël Brosse

Propos de Jérôme de Bontin issus du JDD et de Monaco Hebdo, ceux de Freddy Adu tirés du « Blue Wire Podcast ».

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