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Football, l’overdose estivale
Depuis que les matchs de préparation sont diffusés, la trêve a disparu. En plus du mercato, on analyse des rencontres entre équipes B et on ébauche des stratégies de recrutement, notamment via Twitter, qui a rameuté fans et journalistes en herbe. À terme, cette sur-consommation risque de saper l’amour que l’on tient au ballon rond. Pour le plus grand plaisir des magnats du football.
C’est le troisième match de préparation de l’OM. Arrivé en trombe, Igor Tudor doit redonner le sourire à Marseille après le départ de Jorge Sampaoli. La plupart des supporters ont dégoté un streaming, se sont connectés sur Twitch. Et après avoir analysé cette nouvelle défaite, débattu pour savoir si le club avait bien été vendu à des Saoudiens puis réalisé leurs calculs d’épiciers pour le mercato, les Marseillais en sont convaincus : la présaison est un échec. Et c’est le même manège pour tous les supporters de France.
Maintenant, faisons une pause et rembobinons de dix ans. Souvenons-nous, l’été 2012 ; l’Espagne accapare le football en écrasant l’Italie en finale de l’Euro (4-0) ; Ezequiel Lavezzi rejoint le PSG, Giroud se dirige vers Arsenal. Le Twitter-foot n’est qu’un embryon et le mercato se concentre sur France Football, le site de L’Équipe et Foot Mercato. La présaison, elle, a débuté dans le calme : qui va s’embêter à regarder ces rencontres ennuyantes où les organismes se torréfient, où les entraîneurs tentent des compositions périlleuses ? Pas grand monde. D’ailleurs, la quotidienne de Secret Story va bientôt commencer.
Salle de shoot
Aujourd’hui, suivre les matchs de préparation et polémiquer sur du vent est devenu le quotidien estival des supporters. D’autant plus une année sans Mondial ou Euro (masculin). L’effervescence de Twitter oblige à ne pas décrocher. Jamais une intersaison n’avait autant vécu dans l’excitation du ballon qui roule sur les prés verts jaunis par un soleil noir. Toujours connecté, le supporter jette sans cesse un œil sur les dernières nouvelles de son club, à la pause clope de son job d’été ou même en vacances avec les copains. D’ailleurs, durant son séjour au Pays basque, un pote a payé 25 euros pour voir un amical entre la Real Sociedad et Toulouse – en 2012, l’entrée était gratuite.
Il n’y a plus de trêve pour les cerveaux surchauffés : on aime le foot, alors il faut analyser le 4-3-3 de Rennes, s’écharper sur des mercatos virtuels et des rumeurs de transfert infondées. Il faut traquer les vols privés sur flightradar24.com pour savoir si un joueur va arriver. À Lyon, il y a ceux qui veulent vendre le magicien Paquetá simplement parce qu’il a une valeur marchande ; Football Manager dans la vie réelle, joue-la comme Aulas. Au Winamax FC, on débat pour savoir si Christophe Galtier a réussi sa conférence de presse d’intronisation au PSG. En 2022, il faut petit-déjeuner foot, manger ballon rond et dîner analyses tactiques. Et la nuit ? De la bonne came, un Real Madrid-Barça à Las Vegas à 3 heures du mat’. Le soleil ne se couche jamais sur le plus grand empire du monde.
Very bad trip
Cette surconsommation du football à une période où le ballon devrait sommeiller au vestiaire est la porte ouverte à ce que beaucoup critiquent : la centralisation des places fortes du foot, pourtant alimentée par les clients que nous sommes. Pour ceux qui font tourner le ballon, là-haut, il faut rendre le football indispensable afin de préparer l’avenir. Organiser des trophées des champions en Azerbaïdjan, des tournois aux États-Unis ou en Chine pour toujours plus de bénéfices. Mais à l’aube de l’intronisation de la Superligue, il faudra s’offusquer, crier à la mort du foot. En 2026, il sera difficile de critiquer les jeunes fans aspirés par un Bayern-Chelsea en Superligue, quand en 2022 les Lyonnais attendaient avec impatience que le maillot thirdde l’OL soit dévoilé, alors même qu’il ne dispute aucune Coupe d’Europe. En attendant, on critique la vidéo de la prolongation d’Ousmane Dembélé au Barça parce qu’elle fait cheap et on a un avis catégorique sur l’entrejeu de la Juve en plein juillet. Alors, Koundé, à Chelsea ou au Barça ?
Par Diego Calmard