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Eusébio et sa conquête de l’Amérique

Par Amaury Gonçalves
Eusébio et sa conquête de l’Amérique

Reconnu aujourd’hui comme l’une des plus grandes légendes que le football ait connues, Eusébio a rayonné en Europe avec Benfica et dans le monde entier avec la Selecção. Ce que l’on connaît moins de lui, c’est la fin de sa carrière, passée entre Toronto, Boston et Monterrey. Récit d’une romance américaine portée par le dernier roi du Portugal.

Bien avant que les studios d’Hollywood ne produisent Black Panther, une vraie panthère noire – « pantera negra » en portugais – avait déjà affolé les projecteurs américains : le roi Eusébio, comme il est coutume de l’appeler au Portugal. En 1975, il quitte Benfica après plus d’une décennie de gloire, empilant trophées nationaux, internationaux et un Ballon d’or acquis dix ans plus tôt. Eusébio doit en effet attendre la Révolution des Œillets, survenue le 25 avril 1974 et mettant fin à la dictature salazariste, pour quitter Benfica. Une dictature qui l’avait jusque-là empêché de briller pour un quelconque club étranger. À l’âge de 33 ans, son choix se porte loin de l’Europe, à l’autre bout de l’Atlantique. Une rivalité avec Pelé, un titre remporté pour des Croates, un record historique et maintes blessures l’y attendent. En Amérique, Eusébio a rendez-vous avec l’histoire, mais surtout avec l’inattendu.

Roi du Portugal… et de Boston

En 1975, le roi Pelé fait figure de précurseur lorsqu’il rejoint la NASL, le championnat se disputant à l’époque entre clubs étatsuniens et canadiens, en signant avec le New York Cosmos. Son homologue portugais préfère s’exiler un peu plus au nord. C’est d’abord avec la franchise nouvellement créée des Rhode Island Oceaneers qu’il s’engage. Sa première aventure américaine est très brève, et un autre défi l’attend quelques kilomètres encore plus au nord, alors qu’il est courtisé par les Boston Minutemen. Malgré des prestations moyennes et des absences répétées à cause de blessures, l’engouement des fans de Boston est réel, match après match. En fin de saison, Eusébio et son compatriote André Simões peuvent surtout marquer l’histoire de leur club. Lors du match pour le titre national contre le NY Cosmos de Pelé, la Panthère noire n’y manque pas. Dans un stade de 14 000 places rempli de 20 000 spectateurs, Eusébio marque d’un coup franc le but offrant aux Minutemen le titre de champions. Par la même occasion, Eusébio décroche le titre de « King of Boston », scandé par les fans du club. Son passage de quelques mois dans le club est si marquant qu’en 1992, Benfica envoie une statue à l’effigie du joueur à la ville de Boston. Celle-ci figure désormais devant le Gillette Stadium, stade accueillant la franchise de MLS de New England Revolution.

Quetzalcóatl mexicain et croates canadiens

Après quelques mois passés aux États-Unis et à l’aube de la saison 1975-1976, Eusébio prolonge son idylle nord-américaine en embarquant direction le CF Monterrey, au Mexique. Loin du dynamisme économique de Boston, il devient une bombe médiatique et un ambassadeur de renom du football mexicain. Son arrivée est fêtée aux quatre coins du pays de Quetzalcóatl, tandis que le joueur fête ses retrouvailles avec Fernando Riera, un entraîneur chilien qu’il avait côtoyé à Benfica. Dans un entretien à Globo Esporte en 2011, Eusébio se remémorait, nostalgique, son accueil au Mexique : « Mon passage à Monterrey était phénoménal, fantastique. C’était vraiment une expérience magnifique, par la façon dont les supporters du club m’ont accueilli là-bas. » L’idylle entre Eusébio et les Rayados n’est cependant pas aussi belle que prévue. Dès les premières semaines, le joueur se blesse au genou. En 10 matchs joués, il ne marque qu’un but, de la tête. Symbole, peut-être, que ses jambes si précises et si rapides n’ont plus le même rendement qu’autrefois. L’image qu’il laisse à Monterrey n’en reste pas moins marquante. En 2015, les Rayados jouaient notamment un trophée en hommage au joueur, l’Eusébio Cup, face à Benfica.

Après le Mexique, cap au nord ! Début 1976, Eusébio rejoint le Toronto Metros-Croatia, au Canada. Là encore, il est le premier joueur de renommée internationale à y braquer les projecteurs. Dans ce club original – affichant les origines de ses propriétaires et avec une politique de recrutement braquée sur des joueurs d’ascendance yougoslave –, Eusébio fait figure d’OVNI sportif et ethnique. Il commence fort la saison. Et enchaîne. Enfin. Jusqu’à ce que son entraîneur, Marković, ne le mette sur la touche pour une soi-disant maladie, démentie par le joueur. Après des semaines de mauvais résultats où le club de Toronto ne marque plus aucun but, Eusébio refait son entrée en scène. Il met fin à 775 minutes stériles et gagne son bras de fer avec Marković, limogé dans les heures suivant ce retour triomphant. Le mois d’après, la Panthère noire remporte avec les « Croates de Toronto » le Soccer Bowl face aux Minnesota Knicks (3-0), en marquant le premier but de la rencontre. Damir Sutevski, l’un de ses anciens coéquipiers croates à Toronto, se remémorait en 2015 auprès du Guardian : « Il n’y a même pas besoin de le dire. Il était l’un des meilleurs joueurs du monde. De nombreux adversaires étaient effrayés de jouer contre lui, car ils connaissaient son histoire. Même s’il avait des problèmes au genou, il donnait toujours tout ce qu’il avait lors des matchs. Ses coups francs et ses passes… c’était exceptionnel. » Fin 1976, après 25 matchs, 18 buts et un titre, Eusébio quitte Toronto pour rentrer chez lui, au Portugal.

Black Panther forever !

Mais, dès l’hiver 1977, Eusébio décide de retenter l’aventure américaine. Il répond alors à l’appel des Las Vegas Quicksilvers, un tout nouveau club qui cherche à se faire une place dans le championnat local. Au même moment, trois autres joueurs portugais formés à Benfica rejoignent le club américain : Humberto Coelho, Toni et Abel. Une subtile odeur lisboète envahit ainsi la pelouse du Las Vegas Stadium. Pour leur premier match à domicile, les Quicksilvers rencontrent le New York Cosmos. Comme si leurs destins américains étaient liés, Pelé et Eusébio vont encore une fois (et pour la dernière) se faire face. Le stade est rempli, et plus de 12 000 supporters font le déplacement. La rencontre vire cependant au drame quand dès la 38e minute, Pelé tacle violemment Eusébio qui est évacué de la pelouse. Plus que jamais, son genou ne tient plus la cadence du talent de la Panthère noire. Derek Trevis, son entraîneur de l’époque, dira plus tard qu’« Eusébio passait plus de temps à recevoir des soins pour son genou qu’à pouvoir jouer au football. Il ne pouvait presque plus s’entraîner. »

Une demi-saison sur une jambe et demie, et Eusébio doit, de nouveau, rentrer au Portugal. Avant, encore une fois, de revenir aux États-Unis. En 1978, il se lance un ultime défi en rejoignant les New Jersey Americans. Il n’y a alors qu’un objectif : marquer le millième but de sa carrière*. Comme l’écrit le Beaver County Times le 20 août 1978, Eusébio y parvient lors du dernier match de la saison, en inscrivant un but face aux Indy Daredevils. Cet ultime baroud d’honneur lui permettant de s’attacher un record qu’il ne partage qu’avec Pelé, Eusébio décide ainsi de mettre fin à sa carrière. Après avoir rempli d’étoiles les yeux de millions de supporters de Benfica et de la Selecção pendant toute une génération, c’est le continent américain que la Panthère noire aura fait briller malgré les blessures. À Lisbonne, Toronto, Las Vegas ou Monterrey, l’éclat de l’étoile Eusébio jamais ne s’éteindra.

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* Selon les sources, on lui reconnaît entre 733 et 1000 buts en carrière.

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