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Équipe de Foot : « Pour nous, ça fait 25 ans que tous les joueurs s’appellent Ronaldo »

Propos recueillis par Julien Duez
Équipe de Foot : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Pour nous, ça fait 25 ans que tous les joueurs s’appellent Ronaldo<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Depuis 2016, année d’un certain Euro made in France, Alex et Mike ont lancé le projet Équipe de foot, un duo guitare-batterie qui propose un rock garage bien punchy. Problème : de leur propre aveu, les deux artistes basés à Bordeaux ne connaissent absolument rien au ballon rond. Leur seul blase constituait-il une raison suffisante de faire une interview sur So Foot ? Bien évidemment.

On commence donc avec la question la moins originale du monde : pourquoi vous vous appelez Équipe de Foot ?Alex : À l’époque, je jouais dans un groupe avec ma meuf, puis on s’est séparés. Je connaissais Mike et je voulais absolument faire un truc avec lui. À ce moment-là, il avait onze groupes et il voulait en créer un autre qui s’appellerait Équipe de foot. Mais les gens ont mal réagi et se sont foutus de sa gueule, et donc il était triste. Moi, je lui ai dit : « Si tu veux monter un groupe qui s’appelle Équipe de foot, je le fais avec toi. » Je trouvais le nom marrant.

Il y a un lien avec le nombre de joueurs qui composent une équipe de foot ?A : Ah pas mal !Mike : On peut aussi faire un parallèle avec la phrase de Jean-Claude Van Damme qui disait que 1+1 = 11.

Pendant des années, on jouait sur scène avec des maillots et des shorts de foot. Notre fiche technique, c’était un terrain avec nos noms à la place de ceux des joueurs.

Comment vous vous êtes connus, si ce n’est donc pas à travers un amour commun pour le foot ?M : On s’est rencontrés dans une salle bordelaise qui s’appelle Le Fiacre. C’était le 4 octobre 2011.A : Ce soir-là, je faisais un concert avec mon ex et lui, avec un groupe qui s’appelle Moloch/Monolyth et que j’ai d’ailleurs rejoint il y a peu. Depuis, on a intégré le Collectif du Fennec avec plein de copains et on a commencé à jouer ensemble à travers le groupe Girafes. Ça collait bien entre nous et on s’est dit que ça pourrait le faire si on se lançait dans un truc à deux seulement.

Équipe de foot, Moloch/Monolyth, Girafes… Ce sont des noms…A : (Il coupe.) De merde ?

Non, qui sonnent très conceptuels.A : Généralement, on trouve le nom avant même de commencer à composer des chansons.M : En revanche, Équipe de Foot, c’est le projet qu’on a poussé le plus loin conceptuellement parlant. Pendant des années, on jouait sur scène avec des maillots et des shorts de foot. Notre fiche technique, c’était un terrain avec nos noms à la place de ceux des joueurs.A : Et pour pousser le vice encore plus loin, on a organisé un ciné-concert sur fond de France-Italie 2000. En gros, on avait fait un montage de 45 minutes de la finale et on jouait de la musique par-dessus. C’était épique, les gens étaient fous, à chaque but ils hurlaient par-dessus les morceaux.M : Et on avait aussi pris des images d’interviews de supporters italiens qui prétendaient après le match qu’ils n’avaient pas perdu. Alors que… bah si en fait, ils ont perdu.


L’adresse email pour vous contacter est très explicite, elle aussi : [email protected]. Vous êtes des traumatisés de la nuit de Séville ? A : Ah ouais, on était un peu trop cons avec ça… Ce match, je ne l’ai même pas vécu, mais je me rappelle qu’il a traumatisé mon père. Il n’en a pas dormi. Il venait d’avoir un bébé qui n’arrêtait pas de pleurer et lui, il criait à cause de ce France-Allemagne.

J’ai joué un match quand je devais avoir cinq ou six ans. Mais j’ai arrêté à la mi-temps parce qu’il pleuvait et que je pleurais.

J’imagine que vous n’avez pas non plus une énorme expérience sur le terrain derrière vous ?M : J’ai joué un match quand je devais avoir cinq ou six ans. Mais j’ai arrêté à la mi-temps parce qu’il pleuvait et que je pleurais.A : Moi, j’en ai fait deux ans, à Mont-de-Marsan, à l’Étoile sportive montoise, coucou à eux, mais on prenait 10-0 à chaque fois, c’était un calvaire.

Au moins vous n’avez pas l’excuse de ne pas avoir percé à cause d’une blessure aux croisés.A : Voilà, mais ça ne m’empêche pas d’avoir des souvenirs de foot, du temps où j’étais gamin. Genre la Coupe du monde 1998 ou la victoire de l’OM en 1993. Mais ça, Mike ça ne va rien lui dire du tout !M : Quand même, la Coupe du monde 1998, je m’en rappelle ! Tu n’avais pas besoin de t’intéresser au foot, on était tous comme des oufs à ce moment-là. Mais je ne savais pas encore que je m’en foutais, je croyais encore que ça m’intéressait, parce que tout le monde suivait le foot et ça m’apparaissait comme un truc fédérateur, qui passionnait les foules. Je l’ai retrouvé pendant l’Euro 2016, où on a joué quelques concerts. C’est comme quand on a fait notre ciné-concert sur fond de France-Italie : ce qui est intéressant, c’est de voir que le foot, ce n’est pas un sport, c’est une tragédie. Et ça, je peux le comprendre, je trouve même ça beau. Mais en revanche, je trouve que c’est un milieu où tout va trop vite. J’ai l’impression que les joueurs et les clubs changent tout le temps. Quand je demande si tel mec est toujours le meilleur du monde, on me répond qu’il a pris sa retraite il y a douze ans. Pour nous, tous les joueurs de la terre s’appellent Ronaldo depuis 25 ans. En revanche, au rayon des passions, il y a le basket. Je ne sais pas si vous avez le droit de dire le mot basket sur So Foot, mais j’en ai fait jusqu’à mes douze ans et j’ai dû arrêter à cause d’une blessure. La musique est venue après, en remplacement.

Donc en fait, Équipe de foot, c’est juste un moyen de prendre ta revanche sur un milieu qui n’a pas voulu de toi.M : Franchement, je trouve que c’est une très bonne interprétation de la chose : j’ai créé un groupe qui s’appelle Équipe de foot pour me venger de mon genou qui m’a empêché d’intégrer une vraie équipe de foot.

Une fois, on a reçu un mini-poster de Roger Lemerre qui a fini collé sur notre ampli. L’autre jour, on jouait en Italie et je n’avais même pas fait gaffe : on a joué avec Roger Lemerre devant des Italiens ! Mais visiblement, ils s’en foutaient, ils ne l’ont même pas calculé.

Les gens qui ne vous connaissent pas ne sont jamais déçus de voir que votre nom de groupe est totalement mensonger ?M : Un jour, une famille est venue nous voir à Nogent-le-Rotrou avec un enfant qui portait un maillot de foot. Sauf que le concert n’avait pas été annoncé le bon jour. Eux ont dû croire que c’était un spectacle sur le foot et ils ont débarqué dans une salle vide avec deux guignols sur scène qui font un concert de rock, aucun rapport. Ils se sont barrés en plein milieu, c’était un flop total. A : En revanche, ça nous a amenés à recevoir pas mal de cadeaux liés au foot. Un jour, un patron de salle nous a offert un baby-foot cassé par exemple.M : Il est resté un moment chez moi avant que ma meuf demande qu’on s’en débarrasse parce qu’il était toujours pété. J’ai juste gardé la balle en souvenir.A : Une autre fois, c’était un mini-poster de Roger Lemerre qu’on a reçu et qui a fini collé sur notre ampli. L’autre jour, on jouait en Italie et je n’avais même pas fait gaffe : on a joué avec Roger Lemerre devant des Italiens ! Mais visiblement, ils s’en foutaient, ils ne l’ont même pas calculé.M : D’ailleurs à une époque, dans notre rider (la liste des demandes d’un groupe avant un concert, NDLR), on demandait systématiquement un poster dédicacé de Roger Lemerre. Eh ben, étonnement, on en a reçu plein. Mais le plus beau cadeau qu’on nous a fait, c’était au festival Laryrock en Charente : ils ont floqué des maillots du club local avec notre nom dessus. On les a portés pas mal de dates après coup.

Et c’était votre marque de fabrique pendant tout un temps. Vous portiez lesquels ? Ceux de l’équipe de la ville dans laquelle vous jouiez, comme Snoop Dogg et Paul Kalkbrenner ?A : Non, mais ça aurait pu être une bonne idée de mettre ça dans le rider. En revanche, je n’ose pas imaginer le prix que ça aurait coûté… Les premiers qu’on a portés nous ont été offerts par un ami dont le père travaillait dans un magasin d’outils, à qui une marque d’outillage avait offert des faux maillots de l’équipe de France, dans des tailles beaucoup trop grandes, genre XXL et avec un coq qui ressemblait à un pigeon. Pour le deuxième album, une copine qui faisait de la couture nous en a fabriqué des sur-mesure, c’était déjà beaucoup plus classe. M : Depuis, on a fini par les abandonner. Au début, on aimait bien le côté loser avec des maillots trop grands, mais beaucoup ne le comprenaient pas, ils pensaient qu’on était un groupe de rock humoristique et ça a fini par devenir plus gênant que marrant.

Au bout de six ans et de trois albums, le projet ne vous a pas aidé à vous intéresser davantage au foot ?M : Ça ferait sens, effectivement, mais au fond, est-ce qu’on ne perdrait pas un peu de notre identité ? Si on s’appelle Équipe de foot et qu’on adore le foot, c’est terminé, il n’y a plus rien à dire.A : Ce qui est intéressant, c’est que ça crée des discussions avec les gens. Souvent, la première question qu’on nous pose, c’est : quel club vous supportez ? Ou bien, si on est vraiment des fans de foot. Bon ben…

Vous n’avez jamais non plus ressenti ce fameux syndrome de l’imposteur ?A : Ce n’est pas vraiment le syndrome de l’imposteur, mais on s’est parfois sentis très cons. On s’appelle Équipe de foot et on porte des maillots de foot juste parce que ça nous fait marrer, mais une fois, on a joué un concert à Paris, à Maison Sage, dans un appartement rempli de hipsters. Quand il a fallu traverser toute la pièce avec un maillot de foot sur le dos, on s’est rendu compte que le second degré, ça ne les faisait absolument pas marrer. Une autre fois, on était invités à faire la première partie d’Odezenne sur une de leur tournée et alors qu’on monte sur scène, une nana au premier rang lâche : « C’est quoi ça ?! » D’autres nous ont accusés de salir le foot. M : Parfois, on a vécu la situation inverse. Des gens viennent aux concerts d’Équipe de foot sans savoir à quoi s’attendre et quand ils voient que c’est du rock, ils ont une bonne surprise. Alors que si on s’habillait en noir et qu’on s’appelait les The Machinchose, ce ne serait pas du tout le cas.

Ça ne va pas très fort pour les Girondins, je crois, non ?

Ce qui est marrant quand on lit les critiques de vos disques, c’est qu’elles font tout le temps des références au foot, alors que – on l’aura deviné – vos textes n’en parlent absolument pas non plus.A : C’est vrai, je me rappelle d’ailleurs qu’à Bordeaux, à une époque, quelqu’un avait écrit : « La seule équipe qui ne nous déçoit pas. » M : Parce que ça ne va pas très fort pour les Girondins, je crois, non ?

On peut dire ça comme ça. Ils ont terminé derniers de Ligue 1 et été rétrogradés administrativement en National.M : Ah putain, mais ils sont gavé nuls ! Donc en fait, ce n’est pas tellement un compliment quand on nous dit ça. Ce n’est pas nous qui sommes bons, ce sont les autres qui sont ultra mauvais.

Et donc, ils parlent de quoi, vos textes ?A : Pour moi, Équipe de Foot, c’était le groupe d’ado que je n’avais jamais eu. Chaque album a sa thématique de prédilection. Au moment du premier, Chantal, je vivais une rupture, donc ça parlait de tristesse et d’amour exaltés. Le deuxième, Marilou, traitait plus de la mort, et le dernier, Geranium, évoque plus la paternité de Mike et moi qui fais une psychanalyse. C’est super sérieux en fait !


Et tous vos morceaux sont en anglais.A : Absolument, il n’y a qu’une seule phrase en français sur toute la discographie : « Et je te regarderai danser Marilou. » Marilou, c’est le nom que j’aimerais donner à ma fille si j’en ai une un jour.

Pourquoi pas en français ?A : Parce qu’on a toujours chanté en anglais dans tous nos projets. Il doit y avoir plein de raisons à ça, à commencer par le fait qu’on écoute plein de groupes anglophones. J’ai aussi de la famille en Angleterre, donc ça ne m’angoisse pas trop, j’écris en anglais depuis que je suis ado, c’est assez naturel, même s’il doit y avoir une faute qui traîne de temps en temps.

Parmi vos influences, est-ce qu’on retrouve les White Stripes, un groupe-duo relativement culte s’il en est ?M : Ce n’est pas eux qui m’ont poussé à faire un duo, mais c’est la preuve qu’on peut faire un duo avec un des deux membres qui est hyper nul, parce que la batteuse des White Stripes est quand même hyper nulle. Mais je les adore quand même.

Ça vous ferait plaisir si l’on transformait l’un de vos riffs en chant de stade, comme cela a été fait avec Seven Nations Army ? M : Bien sûr ! Quand l’un de tes morceaux est associé à un truc populaire méga enthousiaste, t’es trop content !A : Pour Jack White, je ne sais pas, il dit toujours qu’il déteste cette chanson.M : Oui enfin ça, c’est parce que c’est un gros blaireau, elle est super cool cette chanson !A : Dans notre dernier album, il y a une chanson qui s’appelle « Think, Blink, Breathe, Blink, Speak, Blink, Breathe » , c’est la piste 10, et quand on l’a enregistrée, j’ai dit à Mike : « Ça, c’est l’hymne des fêtes de Bayonne. » Mais ça pourrait totalement être repris dans un stade. En tout cas, c’est un peu l’idée que j’avais en tête en la composant. M : Si ça peut devenir l’hymne de la remontée d’un club qui est actuellement au fond du trou, ce serait vraiment super ! Vous n’avez pas moyen de la passer à Bordeaux ?

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Propos recueillis par Julien Duez

À écouter : Geranium, disponible par ici

Photos : Marine Truite, Lily Bineau

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