S’abonner au mag
  • C1
  • Gr. A
  • Liverpool-Ajax

Elizabeth II et Liverpool : Mersey et au revoir

Par Antoine Billa, à Liverpool
Elizabeth II et Liverpool : Mersey et au revoir

Ville politique reine de l’anticonformisme anglais, Liverpool aime brandir son identité indépendante au reste du pays. Qu’ils soient rouges ou bleus, les fans de foot en Merseyside semblent prendre le décès de la reine Elizabeth II avec beaucoup de recul, rappelant parfois une certaine aversion envers l’establishment. Et tant pis si ça emmerde les tories.

Siffler le God Save the Queen en Angleterre, ça la fout mal. Le siffler deux fois en quatre mois, encore plus. C’est ce qu’ont fait les supporters de Liverpool lors des deux dernières finales domestiques. Si les sifflets de la Carabao Cup ne furent guère soulignés en février, ceux du mois de mai en FA Cup, visant également le prince William présent à Wembley, avaient suscité l’indignation de la frange conservatrice du pays. Mais y a-t-il de quoi s’étonner ? Certainement pas quand on sait que l’Angleterre adore détester Liverpool et que Liverpool adore détester l’Angleterre.

« Une ville plus bruyante »

La phrase « Scouse, not English » fleurit facilement dans le Merseyside où une partie de la population paraît insensible au décès d’Elizabeth II, actuellement exposée dans son cercueil à Édimbourg avant de rejoindre Londres dans la soirée. Au même moment ce mardi soir, lors de la réception de l’Ajax et pour le premier match du Liverpool FC depuis le décès de la reine, il ne faudra pas s’attendre à une forte séquence émotion, même si Jürgen Klopp a assuré qu’Anfield respecterait une minute de silence en son honneur. « Nos supporters n’ont pas de leçons à recevoir au moment de montrer leur respect, a annoncé le boss en conférence de presse. Ils l’ont suffisamment démontré au cours des dernières années. » En référence, la minute d’applaudissement pour le fils de CR7, en avril dernier.

Cela ne me fait ni chaud ni froid. Je comprends le rôle de la reine, mais je pense qu’il y a assez de bordel au Royaume-Uni que pour se concentrer sur d’autres choses.

La donne pourrait cependant être différente d’après ce que disent les supporters eux-mêmes. « La majeure partie du stade respectera cette minute de silence, mais je crains quand même que quelques sifflets se fassent entendre », concède Simon, la petite trentaine et fidèle de Liverpool. Ces « boos » prédits par le fan reflètent l’opinion de nombreux citoyens liverpuldiens au moment d’évoquer la couronne. Simon l’avoue lui-même : « Je n’ai pas le temps de me tracasser pour la reine. » Même son de cloche du côté de Peter, dix ans plus âgé, et inconditionnel d’Everton : « Cela ne me fait ni chaud ni froid. Je comprends le rôle de la reine, mais je pense qu’il y a assez de bordel au Royaume-Uni que pour se concentrer sur d’autres choses. » « J’ai pourtant vu de nombreux hommages en sa mémoire dans la ville ces derniers jours, reprend Simon. Mais je pense qu’un sentiment républicain prédomine dans notre cité, très influencée par l’immigration irlandaise. Nous avons quasiment tous du sang irlandais dans les veines. Et la façon dont l’Irlande a été traitée par l’Angleterre et ses monarques au cours des siècles est difficile à oublier. » Pas de haine envers la monarchie pour autant, mais plutôt un sentiment d’indifférence. « Il n’y a pas d’animosité particulière envers la couronne, pense Peter. C’est juste qu’une bonne partie de la population considère cette institution comme inutile. Idem pour le Commonwealth et le Royaume-Uni dans son ensemble. On ferait mieux de se concentrer sur de vrais problèmes sociaux. »

Ces avis n’étaient pas aussi tranchés en 1965 quand les fans des Reds détournaient le God Save the Queen en « God Save our Team » en prélude de leur premier titre en FA Cup. Cette attitude plus feutrée a pris un tournant majeur dans les années 1980. « La première moitié des eigthies a peut-être été le point le plus bas de la ville, philosophiquement et économiquement, explique John Grant, professeur d’histoire politique à l’université de Liverpool Hope. Les Scousers ont été qualifiés de voleurs dans la presse, la classe ouvrière de la ville s’est déplacée de plus en plus vers la gauche, et la présence de Thatcher au pouvoir n’a fait que creuser le fossé culturel entre Liverpool et le reste de l’Angleterre. » La tragédie de Hillsborough n’a bien entendu rien arrangé. Plus récemment, John Grant, également habitué d’Anfield, estime que l’antre des Reds a repris ses airs de tribune politique depuis l’arrivée au pouvoir de Boris Johnson (récemment remplacé par Liz Truss). « C’est lié à l’injustice sociale et à la crise du coût de la vie qui sévit actuellement dans tout le pays, expose-t-il dans l’Irish Times. Cette crise se remarque ailleurs, mais Liverpool est une ville plus bruyante. Huer l’hymne national, c’est leur manière de montrer leur désaccord. »

La reine et l’arène

Si elle se remarque abondamment à Anfield – qui scandait le nom de Jeremy Corbyn peut avant les élections de 2019 -, cette rupture politique se fait plus discrète dans les travées de Goodison Park. « Mais nous entonnons régulièrement des chants anti-tory, se justifie presque Peter. C’est propre à l’esprit de la ville, et cela témoigne de la déconnexion de notre peuple avec le pouvoir en place et la monarchie. » Elizabeth II s’est pourtant toujours montrée neutre dans les affaires politiques du pays. Une impartialité qui n’aurait pas joué en sa faveur en bord de Mersey, selon Peter le Blue : « Il aurait sans doute été judicieux qu’elle se positionne par rapport à Hillsborough ou à la politique dévastatrice de Tatcher. » Et Simon le Red d’enchérir : «  « Scouse not English »est une expression courante, car la ville a vraiment l’impression d’avoir une identité différente du reste de l’Angleterre, se sentant plus étroitement liée à l’Irlande et à l’Écosse. Un club de football est le reflet de la région dans laquelle il se trouve, et Liverpool est une ville politique qui défend ce en quoi elle croit. » Autant dire que le God Save the King marchera aussi seul que le God Save the Queen en Merseyside.

Dans cet article :
Le propriétaire de l’AS Rome renonce à racheter Everton
Dans cet article :

Par Antoine Billa, à Liverpool

Tous propos recueillis par AB sauf ceux de John Grant dans l'Irish Times

À lire aussi
Articles en tendances
30
Revivez France-États-Unis (3-0)
  • JO 2024 (H)
  • Gr. A
  • France-Etats-Unis
Revivez France-États-Unis (3-0)

Revivez France-États-Unis (3-0)

Revivez France-États-Unis (3-0)

Votre avis sur cet article

Les avis de nos lecteurs:

Dernières actus

Nos partenaires

  • Vietnam: le label d'H-BURNS, Phararon de Winter, 51 Black Super, Kakkmaddafakka...
  • #Trashtalk: les vrais coulisses de la NBA.
  • Maillots, équipement, lifestyle - Degaine.
  • Magazine trimestriel de Mode, Culture et Société pour les vrais parents sur les vrais enfants.
  • Pronostic Foot 100% Gratuits ! + de 100 Matchs analysés / semaine

Everton

Angleterre