Dopage, une brève histoire du Captagon
C'est toujours vingt ans après qu'on découvre les affaires de dopage dans le foot. Soit les cerveaux sont ramollis par les drogues, soit pas assez stimulés car, après tout, le discours officiel est de dire que le roi des sports est propre. Toujours est-il qu'il y a vingt ans donc, des Allemands à cheveux longs sur la nuque auraient gobé des petites pastilles.
A en croire l’entraîneur allemand Peter Neururer, les joueurs de Schalke 04 des années 80 carburaient au Captagon. D’après lui, « beaucoup de joueurs en étaient fous. [Avec le Captagon,] le joueur n’est plus jamais fatigué et il est surexcité » . L’analyse de ces commentaires suffit à crédibiliser l’accusation de dopage. Les effets décrits par Neururer sont bien ceux du produit visé.
La substance active du Captagon est la fenétylline. Elle fait partie de la classe des stimulants, tout comme les amphétamines ou l’éphédrine. Le Captagon est un stimulant à la fois psychologique et physiologique. Psychologiquement, les effets recherchés sont l’augmentation de la concentration et de l’agressivité. Physiologiquement, il s’agit de diminuer la sensation de fatigue et de douleur durant l’effort.
Contrairement aux anabolisants, aux hormones de croissance ou à l’EPO, dont la cure s’étale sur plusieurs semaines et qui produisent des effets à moyen terme, le Captagon est un produit de jour de match qui donne un véritable coup de fouet. Autre avantage et non des moindres, il se présente sous forme de cachet et peut donc se prendre n’importe où, au moment opportun, sans faire appel à un appareillage ou à une quelconque assistance. Sa forme évite en outre au sportif de recourir à l’injection, toujours plus traumatisante psychologiquement en ce qu’elle ramène à la prise de certaines drogues dites « dures » .
Le stimulant n°1 des 80’s
Le Captagon fut sans conteste le stimulant à la mode dans le football des années 80. Tout comme les amphétamines l’étaient vingt ou trente ans plus tôt. Tout comme les corticoïdes le sont depuis vingt ans. Dans L’Humanité daté du 9 octobre 1998, Bernard Tapie confessait : « Lorsque j’ai pris le club [l’OM, ndlr] en main, les joueurs parmi les plus expérimentés du club, ceux qui avaient autour de la trentaine, avaient l’habitude de prendre des amphétamines, du Captagon » . Une pratique qui aurait cependant perduré puisque Pascal Olmeta, Olympien de 90 à 93, avouait sur France 2 le 16 février 1998 que les dirigeants marseillais l’avaient amené à prendre du Captagon.
Ce stimulant, interdit en compétition, ne l’est pas à l’entraînement. Or il offre incontestablement la possibilité de supporter des charges de travail plus lourdes, ce qui constitue un avantage dans la préparation. Dans le cadre d’un contrôle antidopage, un tel produit s’élimine par ailleurs en moins d’une semaine.
Tout comme l’EPO ou l’hormone de croissance, dont la majorité de la fabrication est aujourd’hui destinée au marché sportif, le Captagon est d’abord un médicament, un vrai, indiqué dans les cas de narcolepsie. Ses effets indésirables sont nombreux : ils touchent au fonctionnement du système nerveux central ainsi qu’à l’activité cardiovasculaire et gastro-intestinale. Le risque de pharmaco-dépendance est en outre jugé majeur en cas de surdosage, lequel entraîne également des sueurs abondantes, une logorrhée et même une pathologie psychotique de type hallucinatoire-paranoïaque. Bref, un footballeur au maillot mouillé qui, à la fin d’un match ne veut plus lâcher le micro de Canal et se répand en insultes à l’encontre du corps arbitral est peut-être sous l’emprise du Captagon.
Jean Damien LESAY
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