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Deschamps et Löw, la glace puis le feu

Par Markus Kaufmann
Deschamps et Löw, la glace puis le feu

C’est inévitable, un France-Allemagne fait toujours appel à notre imaginaire guerrier le plus primaire, d’autant plus lorsque la rencontre met en jeu la conquête de l’Europe à Paris. Mais si une bataille aura bel et bien lieu sur la pelouse du Vélodrome ce soir, elle opposera avant tout des idées de jeu. Les capacités d’adaptation de Löw, d’un côté. Et Didier Deschamps, de l’autre. Aux armes…

Le 4 juillet 2014, il est 13h12 au Maracaña lorsque l’Argentin Nestor Pitana aperçoit une légère faute de main de Paul Pogba sur l’épaule de Toni Kroos. L’Allemand se charge lui-même de l’offrande et dépose une merveille de centre avec le soin, la méthode et l’élégance qui le caractérisent depuis toujours. Mats Hummels n’a même pas besoin de sauter pour devancer Varane. Le ballon effleure la transversale de Lloris et envoie les Allemands en demi-finales du Mondial. En toute fin de match, Benzema mènera la dernière charge française, en vain. Une-deux avec Giroud, frappe puissante du gauche. Mais non. Trop ferme, trop forte, trop bien placée, la main droite de Neuer repousse une fois de plus l’idée bleue. Après l’insupportable 1982 sous la chaleur andalouse, les Allemands éliminent les Bleus sous le soleil brésilien et nous laissent une faim au goût sec et amer. Un petit but, sur coup de pied arrêté, et basta. Ainsi, pour que l’histoire de cet Euro soit la plus belle possible, il fallait que les Bleus de Deschamps rencontrent à nouveau Toni Kroos et l’Allemagne de Löw. Parce qu’entre-temps, la Mannschaft est certainement devenue la meilleure sélection au monde. Et parce que si cette équipe de France veut avancer dans la construction de son identité, il lui faut une opposition à la hauteur du défi entrepris.

La dentelle et les bottes de Löw

Des finales, des demi-finales et un titre de champion du monde. Ces vingt dernières années, le football allemand a révolutionné son style, mais n’a cessé d’obtenir des résultats sur les plus grandes scènes mondiales. Cette année à l’Euro, peut-être plus que jamais, elle a offert une formation d’une sophistication extrême. De la fine dentelle des pieds d’Özil, Hummels et Draxler aux lourdes bottes de Schweinsteiger, Höwedes et Gómez, Löw a mis au monde un groupe proposant un football romantique avec une méthode industrielle. La discrétion géniale de Toni Kroos au milieu, l’omniprésence musclée et technique de Jérôme Boateng, Manuel Neuer en dernier rempart robotique, et un phénomène jusque-là silencieux : Thomas Müller. De Lille à Bordeaux, l’Allemagne a offert le football le plus développé d’Europe parce qu’elle maîtrise toutes les facettes du jeu.

Elle sait rivaliser avec l’Espagne sur le terrain de la possession huilée. Elle sait pousser dans les cordes les adversaires les plus coriaces, notamment grâce à son goût inoxydable pour les frappes lointaines. Elle est venue à bout des schémas cérébraux de l’intense Italie de Conte. Et surtout, elle sait gagner de toutes les manières. Car la particularité de ce maître du monde est de dominer la planète sans idéologie. Les Allemands sont les plus forts, point. Son prédécesseur, la Roja, avait pris le plaisir d’imposer ses idées à la terre entière. Une réflexion, un style, un modèle et même une philosophie pour les plus fidèles de la langue de Xavi. Joachim Löw, lui, est au pouvoir depuis 10 ans. Et il a tout changé. En fonction des époques du Bayern, d’une part, parce que les dernières compétitions internationales ont toutes eu droit à une dose de Van Gaal, Heynckes ou Guardiola. Et en fonction de ses adversaires, d’autre part.

Des choix de Löw

À l’Euro, la Mannschaft a varié entre la brutale montée en puissance offensive et la mise à l’épreuve d’un système défensif rodé. Contre l’Ukraine, la Pologne et l’Irlande du Nord, elle a dominé outrageusement la possession (60%, 65%, puis 75%) et concédé seulement quatre tirs cadrés pour aucun but encaissé. La Slovaquie et la classe d’Hamšík n’ont pas changé la donne et ont même subi le retour de l’efficacité germanique, incarnée par la titularisation de Gómez à la place de Götze (à partir de leur 3e rencontre). Et puis vint l’Italie. Là, Löw a cédé : fini le 4-2-3-1, voilà le 3-4-2-1. Fini aussi la domination territoriale dans le camp adverse, voilà la possession dite « intelligente » ou « prudente » , qui dépend de la lecture des moments de la rencontre, et qui cherche aussi à faire sortir l’adversaire de son camp. Un changement de schéma courageux dans la perspective du changement de disposition désastreux de l’Euro 2012. Mais un choix qui a payé : Löw a battu l’Italie en pensant comme un technicien transalpin.

Mais au cours de sa réflexion tactique en amont de l’opposition face à Deschamps, Löw s’est certainement rendu compte que cette équipe de France n’est pas un animal comme les autres. Difficile d’établir une grille de lecture à partir des dernières partitions des Bleus : la mélodie change toutes les 45 minutes, le rythme n’est jamais le même et les musiciens changent souvent d’instruments. Difficile dans ces conditions de transmettre des convictions à ses joueurs, puisqu’il est impossible de prévoir si les Bleus peuvent encore changer de disque. La partition est presque illisible, et dans la pénombre, il faut croire que Löw choisira une fois de plus de s’adapter. Comment battre Deschamps ? En pensant à la Deschamps : Löw devrait aligner la formation la plus versatile possible, au cas où des modifications s’avéreraient nécessaires au cours de la rencontre. Et c’est ici que la suspension du bourreau Hummels fait le plus mal.

Des choix de Deschamps

Les Bleus, eux, peuvent-ils « imposer leur jeu » aux Allemands ? « Tout dépendra de l’équipe allemande alignée au départ. Si l’un d’entre vous la connaît, je suis intéressé… C’est un rapport de forces » , a répondu Deschamps en conférence de presse. Si la balle est généralement dans le camp du grand favori, Deschamps ne semble absolument pas pressé d’aller la chercher. Car les Bleus se présentent en demi-finale avec un arsenal offensif flambant neuf, certes, mais aussi vierge au plus haut niveau. Ainsi, tout porte à croire que le Bayonnais fera le choix du 4-3-3 pour débuter la rencontre. D’une, le 4-2-3-1 a montré ses lacunes et les espaces laissés entre Matuidi et Pogba au milieu seraient impardonnables face à la verticalité exquise de Kroos et Özil. De deux, il est difficile d’imaginer Deschamps se privant de Kante et Matuidi face à une formation à la circulation de balle aussi déséquilibrante, même si la perspective d’une paire Pogba-Kante est alléchante. De trois, Deschamps ne devrait pas prendre le risque de se retrouver en infériorité numérique sur les ailes. Ainsi, on peut s’attendre à des Bleus au schéma conservateur face à des Allemands prêts à abuser de la possession pour user les flèches offensives françaises et limiter leur marge de manœuvre. Le sort du champ bataille tactique serait alors remportée par celui qui commet le moins d’erreurs, d’une part, et celui qui saura réorganiser ses troupes au moment opportun, d’autre part.

Souvenir : en juillet 2014, Deschamps avait déjà choisi le 4-3-3 et deux trios formés par Cabaye-Pogba-Matudi et Valbuena-Griezmann-Benzema. Il était passé au 4-2-3-1 (Rémy pour Cabaye) à la 73e, puis au 4-4-2 à la 85e (Giroud pour Valbuena). En 2016, alors que les trois matchs de poule avaient laissé une impression de brouillon inachevé, la seconde période contre l’Irlande, puis la première contre l’Islande ont enfin donné de la substance à une classification. Le tableau a encore besoin de quelques couches de peinture pour devenir un ensemble cohérent, mais il propose déjà deux familles de couleurs. Le 4-3-3 du côté sombre, conservateur, travailleur, presque lourd. Et le 4-2-3-1 du côté éclairé, talentueux et même léger. Le tableau n’est pas encore fidèle à la réalité, mais il a le mérite d’offrir à Deschamps un plan de jeu lisible pour ce soir : la glace pour commencer et le feu pour finir. À moins d’oser mêler les éléments et défier le monde avec un Moussa Sissoko lebronesque dans le trio du milieu.

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