- Gold Cup
- Mexique/Salvador (5-0)
Dallas Tex-Mex
La Gold Cup a-t-elle un intérêt ? Elle déchaîne, en tout cas, les passions des fans du Mexique, qui offrent un véritable carnaval à chacune des sorties de leur chère sélection. Reportage à Dallas, lors de l'ouverture du tournoi de la CONCACAF, dimanche.
Alors que downtown, Dallas commence à brûler dans l’attente du Game 3 des NBA Finals, l’immense enceinte fermée des Dallas Cowboys s’apprête à se muer en temple du football – celui joué avec les pieds – et ses alentours prennent l’allure d’une province mexicaine. Dès 11 heures, soit huit heures avant le coup d’envoi du premier match de Gold Cup d’El Tri face au Salvador, on pose les chaises, installe le barbecue, et enfile les bières. « Un match du Mexique, ça représente tout pour nous » s’enthousiasme Juan Carlos, 23 ans, maillot de sa sélection sur le dos, et crête sur la tête. Comme la plupart de ses compatriotes présents à Dallas, le jeune Chicano est né au sud du Rio Grande, à Guadalajara plus précisément, avant d’émigrer avec sa famille il y a dix ans. Au total, il y aurait, à présent, 12 millions de Chicanos aux États-Unis d’Amérique. Pour gagner sa vie, à Plano, Juan Carlos peint des voitures dans un atelier mécanique.
Masques de catcheurs
« Orgueil » , « amour à la patrie » , « le maximum » , le discours des supporters se veut rarement politique, plutôt sentimental, celui de la nostalgie envers la mère patrie. Venu avec femme et ses trois enfants, Mario Meneces, maçon de profession, a claqué plus de 600 dollars pour offrir un dimanche de célébration nationale à sa famille. Quand il s’agit de venir supporter son représentant le plus populaire, le portefeuille de l’immigré mexicain n’a pas de frontière. Cet amour inconditionnel, la fédération mexicaine l’a transformé en juteux business, en organisant trois quart des amicaux d’El Tri aux quatre coins des States. Mercredi, à Denver, ils étaient, par exemple, 75000 à applaudir le doublé de Giovani dos Santos face à la… Nouvelle-Zélande.
Des matches “moleros”, c’est le surnom gagné par ces amicaux rémunérateurs, en référence aux compétitions inter-villages sans véritable enjeu qui se disputaient au Mexique, et se terminaient par le partage d’un plat au mole, sauce du pays. Masques de catcheurs, musique norteña, sombreros, et les inévitables drapeaux rouge, vert, et blanc, le folklore mexicain s’étale jusque dans sa caricature sur les parking de l’enceinte habituellement dédiée au football américain. Comme si l’éloignement conduisait ces immigrés à ne laisser aucun doute sur leur patrie de cœur, quand bien même ils bénéficient de la citoyenneté américaine. C’est le cas de Victor, patron de deux restaurants mexicains, venu avec son fils, Liam. D’autres vivent toujours à deux pas du pays de leurs parents, à quelques rings de lucha libre de la frontière, comme Pedro Flores, 36 ans, venu autant pour El Tri, que pour découvrir l’enceinte des Dallas Cowboys, qu’il supporte également.
Armée verte
Ces Mexicains du nord – 10 millions de légaux – ont d’ailleurs parfois oublié leur espagnol, surtout les plus fraîches générations, élevées loin des champs d’agave et des cantinas. Ils s’y sont aussi mariés avec des descendants d’autres pays latinos, des Salvadoriennes par exemple. Les couples bleu et vert pullulent et la cohabitation entre les supporters des deux pays se révèle fraternelle. « Aujourd’hui il s’agit d’union de la Raza (la “race” mexicaine) mais aussi de tous les Latinos » s’emballe Luis Hernandez, homonyme d’El Matador, l’ex-buteur d’El Tri. En apéritif de Mexico-Salvador, le match d’ouverture de la Gold Cup oppose Cuba au Costa-Rica. Au coup d’envoi du duel entre Ticos et représentants de la République castriste, les supporters mexicains mangent déjà la majorité des gradins, ce qui leur donne le loisir de siffler abondamment Ricardo Lavolpe, ex-sélectionneur impopulaire d’El Tri, désormais à la barre de la sélection costaricienne. L’armée verte rythme également la dernière demi-heure de la démonstration des Costariciens face à Cuba (5-0) par de sonores « Mexico, Mexico » , un peu comme les fans d’une tête d’affiche peuvent couvrir le set de la première partie.
La médiocre entame d’El Tri ne refroidira pas l’enthousiasme de ses supporters. Pas un sifflet quand l’arbitre renvoie les deux équipes au vestiaire sur un score nul et vierge, à l’inverse de ce qui peut se passer au… Mexique. Dès le début du second acte, El Tri accule le Salvador dans sa moitié de terrain, et en treize minutes, El Tri inscrit quatre buts, dont un doublé pour Chicharito, qui poursuit sa saison de rêve. A la 93e minute, le Mancunien conclut la soirée sur une panenka. 5-0 et 75000 Mexicains euphoriques. Quelques kilomètres au nord, il restait encore un quart temps à Dallas pour refaire un retard de trois points. Finalement, les klaxons ne résonneront qu’au sud de la ville, autour du Dallas Cowboys stadium.
Thomas Goubin, à Dallas
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