Salut Charles-Édouard ! Comment vas-tu ?
Bien, bien, ça va pas mal.
Donc, si j’ai bien compris, la fin de ta carrière sportive a coïncidé avec un retour en Bretagne, où tu as fait tes débuts chez les pros à l’En Avant Guingamp en 1993. Pourquoi ce choix ?
Oui, j’ai décidé de revenir en Bretagne, où j’avais déjà une maison construite dans les environs de Guingamp. Quelque part, c’était un retour chez moi tout simplement.
Tu n’as pas nourri l’envie de retourner en Martinique, où tu es né ?
Si, j’y ai songé. Après, mon épouse est bretonne, originaire de Guingamp. Donc le projet de partir en Martinique doit s’accompagner d’un bon projet pour elle aussi, qu’elle ne se retrouve pas à se tourner les pouces sans activité. Or, jusqu’à présent, on n’a pas trouvé quelque chose qui pourrait lui plaire à elle et correspondre à l’équilibre de notre famille, donc pour l’instant, on vit à Guingamp où on est très bien. Mais oui, si tu veux, le retour en Martinique, c’est quand même un souhait si l’occasion se présente à long terme.
Parle-moi un peu de ta reconversion, t’es resté dans le monde du foot ?
En 2003, j’ai créé une société proposant des stages de foot en Martinique, afin de détecter les jeunes talents et leur permettre d’atteindre le haut niveau. Bon, ça a marché avec parcimonie, quelques-uns de ces jeunes ont intégré des centres de formation, mais… le résultat était mitigé disons, donc j’ai décidé de mettre cette activité en stand-by pour l’instant. En parallèle, j’ai continué à passer mes diplômes de formateur, j’en suis au DES (Diplôme d’État supérieur), ce qui me permet théoriquement de pouvoir intégrer le monde pro au niveau d’un adjoint ou d’un entraîneur de réserve. J’attends mon heure, en attendant j’ai continué à entraîner des équipes de bas niveau, des équipes qui ont un certain sens de la formation, car j’aime ça. L’an dernier, j’ai aussi entraîné les U15 de l’En Avant. Ça s’est bien passé, mais j’ai fait le choix pour cette saison de reprendre en main une équipe senior à Carhaix (Centre Bretagne, la ville des Vieilles Charrues, ndlr). L’équipe est en PH, elle vient de descendre, c’est aussi très axé formation, car elle est composée de jeunes joueurs dont certains, s’ils s’en donnent les moyens, peuvent avoir leur chance au niveau CFA2, CFA, voire National dans les clubs de la région comme Concarneau.
Après y avoir évolué comme joueur (de 1993 à 1999), tu as donc fait ton retour au sein de l’En Avant Guingamp. Bonne expérience ?
Oui, c’est un club en pleine progression. Tiens, d’ici un mois, les jeunes du centre pourront travailler sur des terrains synthétiques nouveaux. Les infrastructures se mettent en place pour grandir. Quand j’y étais, c’était encore compliqué, fallait improviser, mais je connais l’En Avant, ça a toujours fonctionné comme ça et c’est ce qui fait sa réussite. La philosophie ici, c’est : travaille, ne te plains pas, ne te cherche pas d’excuse. Et je crois pas que ça puisse changer seulement en modernisant les infrastructures comme c’est le cas en ce moment. C’est seulement pour accompagner la progression. Il n’y a aucun risque d’embourgeoisement ici.
Tu n’es pas le seul de ta génération à graviter autour du club. Dans l’organigramme, on retrouve Coco Michel, Ronald Thomas, Nicolas Laspalles, Stéphane Carnot, il y a eu Lionel Rouxel… Pas un hasard ?
Non, c’est le côté famille. Il y a Hervé Guégan aussi au poste de directeur du centre de formation, qui est de la génération d’avant. On perpétue la tradition, on est garants des valeurs du club. C’est pareil aussi avec Jocelyn (Gourvennec), qui n’a jamais été joueur avec l’En Avant, mais qui est breton et qui a commencé à entraîner à un niveau amateur à La Roche. Avec lui, pas d’inquiétudes non plus à avoir, il est dans l’esprit du club.
Est-ce un club qui a changé par rapport à quand tu y jouais ?
Pas tant que ça. Comme je te dis, les structures changent, mais l’esprit reste le même. L’entraide, la solidarité, le travail… À Guingamp, on sait qu’on n’aura jamais les meilleurs joueurs, mais si on continue à proposer les moyens de se montrer au plus haut niveau, on aura des jeunes de talent, plein d’envie qui peuvent franchir un palier et permettre aussi au club de franchir des paliers.
Un autre club que tu as bien connu, c’est Lens. Autre dynamique pour le coup…
Ou, j’ai passé cinq belles saisons au Racing Club de Lens. J’aurais même pu en faire six ou huit, car je suis parti alors qu’il me restait un an de contrat et qu’on me proposait une prolongation. Bon, j’avais ce désir d’aller voir ailleurs à l’époque… Lens, c’est un peu comme Guingamp, mais en plus grand. C’est un club ancré dans un bassin difficile, touché par le chômage, mais avec des gens bien, vraiment. Chaleureux, honnêtes, des supporters qui méritent mieux que ce qui leur arrive en ce moment. Je les suis de plus loin, mais j’espère qu’ils vont s’en sortir. Il faut qu’ils continuent à croire en leur projet, en leurs valeurs, les grands clubs ne meurent pas.
Quand tu y étais, le RCL jouait les premiers rôles, comment tu expliques que le club oscille désormais entre L1 et L2 ?
Ouais, en cinq saisons là-bas, j’ai connu trois campagnes européennes, dont une Ligue des champions. C’était un club sur lequel il fallait compter en France. Là, je pense qu’il faut remettre le bleu de chauffe. Quand tu es un club comme ça, tu ne peux pas te permettre de naviguer à vue. Il faut que tout le monde se remette en question et tire dans le même sens : joueurs, entraîneurs, dirigeants… Allez, je suis sûr que le club va rebondir. Il a mangé son pain noir, maintenant il faut le digérer, c’est long la digestion, mais le plus dur est fait (sic) !
Comme tu dis, t’as eu l’opportunité de rester à Lens. Pourquoi en être parti pour le PSG en 2004 ?
Bon, en fait, pour être honnête, c’est outre-Manche que je voulais aller à cette époque-là. J’ai fait un essai au Celtic, qui n’a pas été concluant. De là, je vais à Blackburn, où l’essai est concluant, on me propose deux ans, mais l’entraîneur (Graeme Souness) part à Newcastle et la donne change. Je vais à Portsmouth, Redknapp était intéressé, mais voulait me voir à l’essai plus longtemps, et moi, je stressais un peu, car on était déjà le dimanche 30 août… Le 31, le PSG se manifeste, on me l’a pas présenté comme ça, mais l’équipe avait besoin d’un deuxième, voire d’un troisième couteau. Je vais finalement là-bas et je suis direct titulaire, car il y avait un réel besoin. Sauf que j’ai des douleurs partout, adducteurs, genoux… Je suis arrivé avec une certaine nonchalance… ou mollesse, je dirais. Je le reconnais, avec le physique qui ne suivait plus, le mental n’y était plus non plus. Je n’avais plus envie de me dépouiller comme avant. Or, dans un club de la dimension du PSG, si t’es pas à 200%, ça ne sert à rien. Donc mon bilan n’est pas bon, il n’y a rien à en retenir, à part mon but en Ligue des champions.
Comment était le vestiaire ?
Oh l’ambiance était bonne, il y avait de grands joueurs quand même : Yepes, Pauleta… Mais moi, dans ce vestiaire, comme je te dis, dans la tête, je n’y étais déjà plus, alors ça ne pouvait forcément pas marcher, j’en suis le premier désolé.
C’était aussi un autre Parc des princes à l’époque…
Oui, de grands supporters, mais des supporters exigeants, qui ne pardonnaient pas qu’on évolue en bas de tableau, qu’on joue moyennement… On jouait sans toujours être dignes de porter le maillot. Il fallait vite tourner la page et ça a été le cas avec l’arrivée des nouveaux propriétaires. Quelque part, je suis fier d’avoir porté le même maillot que celui porté aujourd’hui par Matuidi par exemple. Lui, j’adore le voir jouer, c’est un gratteur, un passeur, un buteur, il perd le ballon, il s’arrache comme un malade pour le récupérer. J’adore, j’adore ! J’admire aussi, car il fait les efforts que je cherchais à faire quand j’étais à Guingamp et à Lens et que je ne pouvais plus fournir à Paris.
Et ce coup du scorpion contre Porto alors ? On t’en parle encore souvent ?
Oui, bien sûr, on m’en parle toujours, des jeunes et des moins jeunes. Ça ne m’embête pas, ça me fait même plutôt chaud au cœur qu’on ait quelque chose à retenir de mon passage à Paris. C’est bien, c’est une fierté.
Raconte-moi un peu ce but du 20 octobre 2004 au Parc des Princes contre Porto en Ligue des champions…
Ben tu sais, à l’entraînement, les ailes de pigeon, les coups du scorpion, ce genre de truc, j’aimais les tenter. Mais en configuration match, c’est une autre histoire. Là, je sais pas, on est à l’entrée de la surface de réparation, à 17m peut-être, et puis ben, je tente le truc sur un centre de la droite et je prends à contre-pied un des meilleurs gardiens de l’époque quand même (Vitor Baia, ndlr). C’est extraordinaire, ça restera MON but.
Le PSG d’aujourd’hui, il te plaît, alors ?
Oui, car il est agréable à voir jouer. Maintenant, pour gagner le cœur des gens, faut gagner la Ligue des champions, comme Marseille l’a fait. Empiler les titres de champion, ils sont tellement au-dessus que pffff… Mais la Coupe d’Europe, là, ça serait quelque chose. Faut en faire l’objectif prioritaire de la saison, qu’au moins, cette fois, ils dépassent les quarts.
Et ton objectif de la saison à toi ?
Eh ben, c’est Carhaix, que ça me serve de tremplin et que les joueurs se servent de mon expérience comme d’un tremplin. Il faut qu’il y ait une synergie. Qu’on tire de cette saison quelque chose de positif, que je me rapproche personnellement du haut niveau, comme je l’ai réussi en tant que joueur. CFA 2, CFA, adjoint, entraîneur de réserve… Tout ce que tu peux me souhaiter, c’est d’arriver à faire mon trou, mais je ne suis pas pressé, je vais prendre mon temps.
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