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But à l’extérieur : la fin d’une si belle injustice

Par Nicolas Kssis-Martov
But à l’extérieur : la fin d’une si belle injustice

Les buts à l’extérieur ne compteront plus double en cas d'égalité dans les compétitions européennes. Cette règle instaurée en 1965 était souvent décriée. Pourtant, elle a fondé le suspense, inespéré, de nombre de matchs allers-retours. Surtout, elle accordait une véritable valeur au fait de parvenir à transpercer les filets chez l’adversaire, sanctifiant en retour les stades en places fortes des clubs qui recevaient. Qu’est-ce qu’une religion, même laïque, sans parjure ? Si les arguments rationnels, voire économiques, ne manquent pas, une fois de plus, il s’agit d’y sacrifier le droit du foot à déroger au bon sens pour mieux écrire son histoire hors du commun.

L’UEFA n’en finit plus de nous consterner. Après les épisodes récents autour d’Allemagne-Hongrie ou encore les mini-drames géopolitiques entre la Russie et l’Ukraine, voilà que la grande multinationale européenne du foot décide, en plein Euro, d’annoncer une réforme non négligeable de ses compétions entre clubs. Certes, de ce point de vue, elle embrasse pleinement la folie faussement réformatrice qui enfièvre un football qui tente de coller à son époque et de demeurer le produit le plus attractif sur le marché (des droits télé). De la refonte de la Coupe du monde par la FIFA en une énorme usine à gaz à 48 à, plus récemment, la métamorphose à la Kafka de la Ligue des champions, en grande partie pour conjurer la menace – toujours présente – de la Superligue, les cerveaux fument sans cesse en Suisse. Donc, dernier avatar, la disparition d’une des mesures les plus controversées, mais quelque part la plus excitante, ce fameux « but compte double » en déplacement. Un x2 qui rendait un 3-1 incertain et un 1-1 éliminatoire. Nous n’apprendrons plus ainsi à nos fils et nos filles les douces subtilités des probabilités et de ces fameux « cas de figure » . Il paraît que le niveau en mathématiques des petits Français et Françaises baisse, c’est quand même dommage de les priver d’un exercice ludique à la maison.

Effet pervers et perversité de Čeferin

Bien sûr, la décision n’est pas balancée sans une belle justification au nom du « jeu » et surtout du besoin de maintenir la qualité du spectacle. Le président de l’UEFA, Aleksander Čeferin, a su utiliser, comme à son habitude, toutes les belles ficelles de l’éristique de Schopenhauer, l’art d’avoir toujours raison. « Aujourd’hui, les effets de cette règle sont contraires à son but initial, puisqu’elle dissuade l’équipe qui reçoit – en particulier lors du match aller – d’attaquer, de peur de concéder un but qui donnerait un avantage crucial à son adversaire. On critique aussi son iniquité, en particulier en cas de prolongation, car elle oblige l’équipe qui reçoit à marquer deux fois lorsque l’équipe visiteuse marque un but. »

Autre bel argument, l’écart entre les victoires à domicile et « away » n’aurait cessé de diminuer (de 61%-19% voici 50 ans à 47%-30% désormais), sans évoquer l’impact des enceintes vides depuis la pandémie. Donc nul besoin de maintenir un système qui visait au contraire à augmenter les chances du visiteur. Conséquence en revanche, un fort risque que se multiplient les prolongations et même les tirs au but. Un stress chasse l’autre.

Injuste, mais belle

Finalement, les boss du ballon rond ont simplement effectué un choix pragmatique, quelque part plus équitable (et encore, au regard du fossé grandissant entre les championnats de l’est et de l’ouest, c’est sûrement en vain), ou plus « juste » . Ils ont, en revanche, comme ils le commettent de plus en plus souvent, oublié que la mythologie se nourrit rarement de la seule vérité des chiffres. Sans les petits exploits d’un but concédé, parfois contre le cours du jeu quelque part à Munich, certains des plus beaux exploits, mêmes récents, auraient été immolés sur l’autel d’un banal « 1 + 1 = 2 » .

On veut bien admettre, parfois, que le foot relève de la géométrie dans l’espace, pas qu’il s’abaisse simplement à des calculs de comptable. En outre, la perception de cette fameuse « injustice » si souvent décriée, surtout par les perdants d’un soir, et on peut les comprendre, s’avère surtout une affaire de rapport de force. Et ce que nous murmure le Slovène revient à refaire pencher la balance en faveur de l’hôte au détriment du visiteur, à ne regarder la beauté d’un match que par la performance en toute logique, jamais dans l’exploit un peu filou. On réalise qui il s’agit de protéger dorénavant. Tant pis pour la dramaturgie de ces rencontres allers-retours, parfois si cruelle par le deus ex machina d’un penalty accordé après une main de Kimpembe. Un vol, crient certains. Or, la propriété, c’est le vol, disait Proudhon. Et Čeferin ne veut plus céder son bien.

Par Nicolas Kssis-Martov

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