- France – Ligue 1 – 33e journée – Lorient/Toulouse
Bah alors, qu’est-ce qu’il t’arrive, Lorient ?
Actuel 16e avec le même nombre de points que le premier relégable Toulouse, qu'il reçoit ce soir sur son synthétique du Moustoir, le FC Lorient vit une saison très pénible. C'était un peu attendu, avec la difficile transition de l'après-Gourcuff à gérer, mais peut-être pas dans de telles proportions… Les Bretons peuvent parfaitement éviter la relégation, mais même en cas de maintien, il faudra retenir les leçons de cet exercice raté.
Il est là, le match de la méga trouille. Lorient le 16e contre Toulouse le 18e, ce samedi soir 20h au Moustoir, devant une quinzaine de milliers de chapeaux ronds qui auront tous les miquettes au coup d’envoi, les genoux qui claquent au même rythme que les mains, sentant bien que si le vent tourne en défaveur de leurs favoris, ceux-ci risquent de se manger la tempête du siècle. Avec, au bout, un possible naufrage, cette redoutée relégation en Ligue 2, une antichambre que le club morbihannais s’est juré de ne plus connaître. En tout cas pas maintenant, alors qu’il a su grandir et se doter de structures dignes des meilleurs. Bonne nouvelle : il n’est pas trop tard pour se reprendre. Lens et Metz étant déjà condamnés, il ne reste plus qu’une place de relégué, et les Merlus n’apparaissent pas forcément comme les premiers candidats pour l’occuper. Toulouse, leur adversaire du soir, n’a plus de marge de manœuvre et reste sur huit défaites de rang en déplacement, tandis que Reims ne prend plus aucun point depuis un mois. Et Lorient alors ? Lorient, c’est tristoune, mais peut-être pas aussi alarmant que la concurrence. Avant la lourde défaite dans le derby face à Rennes le 4 avril (0-3), le Moustoir offrait de belles certitudes à domicile, une contre-performance à moitié corrigée par le nul obtenu à Amiens face au RC Lens dimanche dernier (0-0). Toulouse, Reims, Lorient ou un autre, faites vos jeux pour savoir qui sera inconsolable le 23 mai. En attendant, quoi qu’il arrive, maintien ou pas, cette saison apparaît d’ores et déjà ratée pour le FCL.
Des départs préjudiciables, des leçons non retenues
Et la première raison de cet exercice 2014/2015 tout pourri, c’est le choix des hommes qui a été mal fait. Étonnant pour un club réputé filou pour recruter malin, mais ce coup-ci, c’est un fait : la stratégie a totalement merdé. Plusieurs cadres importants – de vestiaire et sur le terrain – sont partis et n’ont pas été remplacés. On pense bien évidemment au capitaine Bruno Ecuele Manga, parti à Cardiff, et au buteur Vincent Aboubakar, bradé à Porto. Deux transferts tardifs, qui s’ajoutent à ceux de Kévin Monnet-Paquet, Jérémie Aliadière, Grégory Bourillon ou Maxime Baca, soit six des onze joueurs les plus utilisés par Gourcuff la saison dernière. Faire partir ses meilleurs joueurs au top de leur valeur marchande pour réussir de belles opérations financières afin de conserver le train de vie actuel du club : le FC Lorient a déjà fait ce type de pari, et ça avait bien failli lui coûter sa place dans l’élite. C’était à l’été 2011 quand il s’était séparé de Gameiro, Amalfitano et Morel, avec pour conséquence une saison 2011/2012 galère achevée avec 1 point d’avance seulement sur la zone rouge. Et la saison dernière encore, le départ précipité de Lemina a cette fois coûté peut-être plus cher encore : la perte de l’entraîneur emblématique Christian Gourcuff, usé des décisions plus financières que sportives de son président trader et qui a fini par lâcher l’affaire au printemps dernier. Loïc Féry a d’ailleurs reconnu sa responsabilité – ou du moins en partie – sur le cas Vincent Aboubakar, reconnaissant en novembre dernier lors d’une interview accordée à Ouest-France : « J’aurais dû m’opposer à son départ. Si c’était à refaire aujourd’hui, je ne le referais pas » .
Un recrutement manqué, une star qui s’agace, un jeu en berne
Autre problème de taille : les arrivées estivales et hivernales déçoivent dans leur ensemble. Si Lecomte et Jeannot sont des satisfactions, c’est moins évident s’agissant de Mostefa, Bellugou, Mesloub, Le Goff, Ndong ou Philippoteaux… Des recrues venues pour la plupart de Ligue 2 – une spécialité du recrutement lorientais depuis plusieurs années et l’autre axe de la stratégie qui a merdé –, mais qui, cette fois, peinent à se mettre au niveau. C’est même la recrue phare de l’été dernier, Jordan Ayew, qui le dit, tout excédé qu’il était par la naïveté de ses coéquipiers lors de la défaite au Parc des Princes le 20 mars dernier : « On leur a fait des cadeaux, on fait des erreurs de gamins. (…) Il faut être honnête, c’est toujours pareil depuis le début de la saison. (…) C’est ça le problème quand on fait venir des joueurs de Ligue 2. » L’impression d’immaturité de l’équipe pose aussi forcément la question du changement de coach. Sylvain Ripoll n’est pourtant pas vraiment à blâmer. Il hérite d’une succession difficile, quasiment la même que l’après-Guy Roux à Auxerre et qui a entraîné une déferlante de candidats à sa succession sans que jamais aucun ne parvienne à rester bien longtemps au poste. Ripoll souffre forcément de la comparaison, mais globalement fait un boulot correct. Du moins essaye-t-il de bien faire, n’hésitant pas par exemple à blinder défensivement pour gratter un point important face à Lens dimanche, quitte à faire un gros doigt au prétendu « beau jeu à la lorientaise » . Quelque part, c’est courageux, du moins pragmatique. Mais il est inexpérimenté au poste de numéro un sur le banc, c’est incontestable, et parfois ça se voit. Comme, en plus, Ecuele Manga est parti et qu’Audard est en retrait, il semble manquer de gros caractères dans ce groupe. À voir si ça ne va pas être totalement préjudiciable dans l’actuelle course au maintien. Même si ça sourit, il faudra retenir les leçons de cette saison manquée, que chacun y puise de l’expérience : président, entraîneur et joueurs.
Par Régis Delanoë