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Atalanta, le pari jeune

Par Eric Maggiori
Atalanta, le pari jeune

En Italie, il y a un club que tout le monde, en règle générale, aime bien. C’est l’Atalanta. Si l’équipe bergamasque joue rarement les premiers rôles en Serie A, elle a au moins une énorme qualité : celle de détenir le meilleur centre de formation en Italie. La preuve.

Riccardo Montolivo, Giampaolo Pazzini, Alessio Tacchinardi, Samuele Dalla Bona, Luciano Zauri, Massimo Donati, Domenico Morfeo, Roberto Donadoni, Andrea Lazzarri, Rolando Bianchi, Simone Padoin, Michael Agazzi, Giacomo Bonaventura, Manolo Gabbiadini, Ivan Pelizzoli, Marco Motta. Époques différentes, postes différents, talents différents. Mais un point commun. Tous ces joueurs, qui ont tous été, à un moment donné, des piliers de la Serie A (ou le sont encore), sont issus du même centre de formation. Celui de l’Atalanta. Oui, l’Atalanta. Cette équipe dont, dernièrement, on a trop entendu parler pour de mauvaises raisons. Des raisons de scandales, de matchs truqués, de joueurs impliqués, de points de pénalité. Sur les deux dernières saisons, l’Atalanta a en effet compté, en tout, 8 points de pénalité. Heureusement (pour elle), l’équipe bergamasque s’en est toujours sortie. Grâce au brio de son coach, Stefano Colantuono, et surtout, encore, grâce à ses jeunes joueurs issus du centre de formation. Une véritable spécialité de la maison. Selon une étude du CIES Football Observatory, l’Atalanta est en effet le huitième club au monde – et premier en Italie – en matière de joueurs formés au club et évoluant aujourd’hui dans les premières divisions des cinq grands championnats européens. 22 joueurs, en tout, dont 9 qui évoluent aujourd’hui dans l’équipe première de l’Atalanta. Un vrai modèle à suivre.

La carte de la modestie

Derrière tout cela, il y a un homme. Il s’appelle Mino Favini. Ancien joueur des années 50-60, notamment sous les maillots de Brescia et de l’Atalanta, il a aujourd’hui 77 ans et a définitivement posé ses valises à Bergame il y a 24 ans. C’est le président Antonio Percassi qui l’avait expressément fait venir de Côme. Dans quel but ? Celui de repérer des gamins prometteurs dès le plus jeune âge (6-7 ans) et les faire venir, puis grandir, à l’Atalanta. Or, depuis 24 ans, c’est ce à quoi Mino Favini s’attèle. Depuis son arrivée, l’Atalanta investit chaque année entre 3 et 4 millions d’euros sur son « settore giovanile » , le centre de formation. Récemment, de nouveaux gymnases dédiés aux jeunes ont même été construits à Zingonia, de façon que tous les joueurs de l’Atalanta, dès leur plus jeune âge, puissent s’entraîner aux côtés de l’équipe première. Et forcément, un tel investissement, cela finit par payer. Depuis l’arrivée de Favini, l’Atalanta a remporté deux fois le championnat Primavera et s’est hissé à de nombreuses reprises en finale, comme la saison dernière, où elle s’est inclinée contre la Lazio.

Mais les trophées, Favini s’en fout. Lui a d’autres objectifs, bien précis. « Notre succès, chez les jeunes, ce n’est pas de gagner des trophées, mais de parvenir à amener un garçon que nous formons depuis l’âge de 6 ans en équipe première » , assure-t-il. Et ça, Favini et sa bande y sont parvenus beaucoup, beaucoup de fois. De 1999 à 2003, Riccardo Montolivo et Giampaolo Pazzini ont notamment évolué ensemble sous le maillot noir et bleu, avant de connaître chacun des chemins différents, qui les ont aujourd’hui menés au Milan AC et en équipe nationale. Mais Favini continue de jouer la carte de la modestie. « À Bergame, nous ne créons pas des phénomènes, des gens comme Montolivo et Pazzini sont des exceptions. Mais nous créons de bons joueurs, de vrais bons joueurs. Et celui qui nait en étant bon a le devoir de faire plus que les autres pour faire grandir ses propres qualités, c’est mon credo » , assure-t-il. Cette saison, l’Atalanta compte très exactement 268 licenciés répartis en 11 équipes, des plus jeunes (nés en 2005) à la Primavera (1993). Mino Favini a, encore, du pain sur la planche.

Un jeune Montolivo face à Vikash Dhorasoo

Relégation et remontée immédiate

Mas qu’est-ce que ce Mino Favini a de plus que les autres recruteurs ? Pourquoi tous les autres clubs italiens n’utilisent pas la même recette ? La réponse est finalement assez simple : Favini a ça en lui. Il effectue ce boulot depuis plusieurs décennies et sait repérer mieux que quiconque les futurs cracks. Un peu comme un collectionneur qui sait repérer une œuvre d’art au beau milieu de centaines de babioles dans une brocante. « Je choisis ceux qui ont une vraie attitude de football, plutôt que ceux qui sont grands et costauds. Il faut que les gamins aient déjà du cœur et une vraie âme de foot. Le physique, la tactique, tout ça viendra après, cela peut être construit au fil des années » , explique-t-il. Mais Favini a également un autre secret. Ce secret se trouve dans les tiroirs de son bureau. Chacun des 269 licenciés possède en effet une fiche technique, que Favini s’efforce de remplir à chaque match. Un boulot de titan. Les critères : technique individuelle, physique, caractère, tactique. Tout cela permet à Favini, et surtout aux entraîneurs de chaque catégorie, de voir la courbe de progression de chaque joueur, ce qui offre ensuite la possibilité de cibler ce qu’il faut rectifier ou améliorer.

Considéré comme un véritable mythe du côté de Bergame, Favini use de son charisme et de son expérience pour motiver les gamins. « Je leur dis toujours : « Vous deviendrez vraiment bons le jour où vous franchirez la haie qui sépare votre terrain d’entraînement de celui de l’équipe première. » » L’inverse, finalement, de la philosophie de l’Udinese, qui recrute des jeunes joueurs dans le monde entier, les fait grandir en les prêtant, et les récupère lorsqu’ils sont arrivés à maturité. L’Atalanta, elle, fait tout à la maison. Et cela fonctionne : cette saison, l’équipe de Colantuono compte 9 joueurs formés au club : Bellini, Canini, Consigli, Capelli, Brivio, Bonaventura, Baselli, Koné et Gentili. Une base solide, avec des joueurs qui se connaissent souvent depuis longtemps, et qui permet à l’Atalanta, depuis près de 50 ans, d’être « stablement » en Serie A. Stablement entre guillemets, parce que, régulièrement, l’Atalanta descend en Serie B, mais n’y reste jamais bien longtemps. Les six dernières relégations (1987, 1994, 1998, 2003, 2005, 2010) se sont toutes soldées par une remontée immédiate, dès la saison suivante (sauf en 1998, où il a fallu deux ans). Et à chaque fois, dans l’équipe qui aide le club à remonter en Serie A, il y a, au moins, 50% de joueurs formés au club. Une vraie philosophie.

« Je ne sais pas ce qu’il est devenu »

Enfin, Mino Favini a deux dernières fiertés. La première, c’est son flair, qu’il raconte toujours au travers d’une seule et même anecdote. « C’était la finale pour le Scudetto des « Giovanissimi nazionali ». Atalanta-Juventus. Nous sommes sacrés champions d’Italie aux tirs au but, grâce à Consigli qui arrête un pénalty de Giovinco. Malgré cette erreur, je comprends que Giovinco est un phénomène. Mais dans les vestiaires, l’un de nos joueurs vient me voir et me dit : « Il ne fera jamais rien, celui-là ! Il est beaucoup trop petit ! » Je lui réponds : « On verra dans quelques années où tu seras et où lui en sera. » Giovinco est aujourd’hui à la Juve et en Nazionale. Le nôtre ? Je ne sais même pas ce qu’il est devenu » , se remémore celui qui regrette qu’en Italie, les jeunes joueurs soient systématiquement prêtés dans des divisions inférieures pour faire leurs armes. « Il faudrait plus de courage et de patience » , assure-t-il. La seconde fierté, ce n’est pas un joueur qu’il a formé, mais bien un entraîneur qu’il a lancé dans le grand bain. Un certain Cesare Prandelli. « En 1990, lorsqu’il a arrêté sa carrière de joueur, j’ai tout de suite pensé qu’il avait la carrure et la prestance pour devenir entraîneur. Il a entraîné chez nous pendant 7 ans, avant de partir à Lecce. Et aujourd’hui… » Aujourd’hui, la Nazionale. C’est beau. En tout cas, une chose est sûre : pour que l’Italie retrouve de sa superbe, il faudrait des dizaines et des dizaines de Mino Favini.

Cesare Prandelli et Mino Favini

Par Eric Maggiori

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